R�publique d'Ha�ti |
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Ha�ti
Repiblik d'Ayiti |
Attention
:
tous les sites portant sur Ha�ti et ressemblant au
pr�sent site sont n�cessairement des plagiats non autoris�s de celui-ci.
Capitale: Port-au-Prince
Population: 10,7 millions (2015)
Langues officielles: fran�ais et cr�ole
Groupe majoritaire: cr�ole (98 %)
Groupes minoritaires: fran�ais (1,5 %), espagnol, anglais, arabe,
chinois, etc.
Syst�me politique: r�publique unitaire
Articles constitutionnels (langue): art. 5, 24, 40, 211, 213 et 214 de la
Constitution de
1987 (modifi�e en 2011).
Lois linguistiques:
Code
d�instruction criminelle (1962);
D�cret sur la conservation fonci�re et l'enregistrement (1977);
Loi autorisant l'usage du cr�ole dans les �coles comme langue d'enseignement et
objet d'enseignement (1979);
D�cret organisant le syst�me �ducatif ha�tien en vue d'offrir des chances �gales
� tous et de refl�ter la culture ha�tienne (1982);
D�cret
sur le Code douanier (1987);
D�cret portant r�vision du statut g�n�ral de la Fonction publique (2005);
D�cret sur l'imp�t sur le revenu (2005);
Document de strat�gie nationale pour la croissance et pour la r�duction de la
pauvret� (2007);
Loi portant cr�ation de l'Acad�mie du cr�ole
ha�tien (2014). |
Avis: cette
page a �t� r�vis�e par Lionel Jean, linguiste-grammairien. |
1 Situation g�n�rale
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Ha�ti est un �tat situ� dans la partie
ouest
de l'�le d'Ha�ti (ou �le d'Hispaniola) qu'il partage avec la R�publique Dominicaine
(partie est). C'est la seconde plus grande �le des Grandes Antilles
apr�s Cuba.
Ha�ti est donc limit� � l'est par la
R�publique Dominicaine, mais bord� de tous c�t�s par l'Atlantique et la mer des Cara�bes. Le pays occupe 36 % de la surface de l'�le, soit 27 750 km� dans sa partie occidentale.
On constate aussi qu'Ha�ti est form� de deux p�ninsules s�par�es par le golfe de la
Gon�ve.
Dans le golfe de la Gon�ve se trouve l'�le
de la Gon�ve, la plus grande des �les
situ�es au large des c�tes d'Ha�ti. Les autres �les sont (voir
la carte) l'�le de la Tortue tout au nord
du pays (au large de Port-de-Paix), et l'�le
� Vache, au sud-ouest (au large des Cayes). |
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Ha�ti est divis� en
dix d�partements dirig�s par un
d�l�gu� nomm� par
le gouvernement: le Centre, le Nord, le Nord-Est, le Nord-Ouest, l'Artibonite,
les Nippes, l'Ouest, le Sud, le Sud-Est et la Grande-Anse. La capitale, Port-au-Prince, est de loin la ville la plus
importante du pays, avec 1,1 million d'habitants; elle est situ�e au fond du golfe de
la Gon�ve.
Les autres agglom�rations, bien plus petites, sont Cap-Ha�tien au nord, Les
Cayes au sud et Les Gona�ves au nord-ouest. Rappelons que l'�le d'Ha�ti compte deux
�tats: � l'est, la R�publique Dominicaine, � l'ouest, la r�publique
d'Ha�ti. Notons qu'au cours de leur histoire ces deux �tats n'en ont
form� qu'un seul � trois reprises.
Ha�ti et la R�publique Dominicaine ont en commun le
colonialisme europ�en et de nombreuses occupations am�ricaines, des r�gimes
politiques corrompus � r�p�tition, la religion catholique m�l�e au vaudou, une
descendance m�tiss�e afro-europ�enne (plus africaine qu'europ�enne en Ha�ti),
de graves probl�mes de sant� publique, une sous-scolarisation et une faible
productivit� agricole. |
Cependant, les difficult�s d'Ha�ti sont consid�rablement
plus �lev�es que celles de la R�publique Dominicaine, Ha�ti demeurant le pays le plus
pauvre des Am�riques.
2 Donn�es d�molinguistiques
La population d'Ha�ti �tait estim�e � 8,3 millions d'habitants en 2005.
Environ 74 % de la population vit en zone rurale. La quasi-totalit� des
Ha�tiens, soit 95 %, descendent des esclaves noirs, le reste de la population
�tant constitu� de Mul�tres (issus d'un m�tissage entre Africains et
Fran�ais). Aujourd'hui, on estime que presque 400 000 personnes
(environ 5 %) parlent le fran�ais; il s'agit d'abord
d'une petite �lite de riches qui habitent soit la banlieue situ�e sur les hauteurs
de P�tionville soit les principales villes de l'�le (J�r�mie, Cap-Ha�tien,
Cayes, Jacmel, Gona�ves), et fr�quentent de co�teux restaurants fran�ais,
ainsi qu'une petite classe moyenne plus scolaris�e. Quant au cr�ole, c'est
pratiquement toute la population d'Ha�ti qui le parle comme langue maternelle.
2.1 Le cr�ole
Le cr�ole ha�tien fait partie des cr�ole fran�ais parce que sa base
lexicale provient en grande partie du vocabulaire fran�ais, bien que
sa grammaire soit rest�e globalement d'origine africaine. Aujourd�hui, on distingue le
cr�ole martiniquais, le cr�ole guadeloup�en, le cr�ole ha�tien, le cr�ole
dominicain, le cr�ole saint-lucien, le cr�ole r�unionnais, le cr�ole
guyanais, le cr�ole seychellois, le cr�ole mauricien, etc. La population cr�olophone
� base fran�aise est estim�e � environ 10 millions de locuteurs, dont
sept millions en Ha�ti, environ un million � l'�le Maurice, 600 000 � la R�union,
380 000 � la Martinique, 425 000 � la Guadeloupe, 70 000 aux Seychelles,
etc.
Lorsque deux cr�olophones unilingues, d'origine
g�ographique proche (p. ex., Ha�ti et la Martinique ou la Guadeloupe), communiquent entre eux, il
arrive que l�accent,
l�intonation, un nombre plus ou moins important de termes inconnus, de m�me que
certains �l�ments grammaticaux et des tournures syntaxiques, peuvent entraver la
compr�hension, surtout lorsque ces cr�olophones sont peu instruits. N�anmoins,
m�me si l'intercompr�hension entre les cr�oles des Antilles (par ex., la
Martinique) et les cr�oles de
l'oc�an Indien (par ex., La R�union) est tr�s limit�e, pour ne pas dire nulle, ces langues pr�sentent des traits communs si
originaux et si sp�cifiques qu'on ne peut douter d'une origine commune: la
langue coloniale des XVIIe
et XVIIIe si�cles. �videmment, un cr�olophone � base de fran�ais voit sa
marge de compr�hension r�tr�cir consid�rablement s�il parle � un cr�olophone �
base d�anglais; la compr�hension risque de se limiter � des messages extr�mement
simples.
En Ha�ti, 80 % des habitants ne parlent que le cr�ole. Par
cons�quent, environ 18 % des Ha�tiens parlent le cr�ole et le fran�ais (� divers degr�s). Certains
habitants viennent de la R�publique Dominicaine et parlent l'espagnol ou
l'anglais. Il y a un tout petit nombre de travailleurs immigrants d'origine arabe et chinoise. Cela
�tant dit, le cr�ole demeure la langue qui permet � tous les Ha�tiens de se
comprendre entre eux. C'est ce constat qi permettait au linguiste et grammairien ha�tien Pradel Pompilus (1914-2000)
d'affirmer en 1973, dans Contribution � l��tude
compar�e du cr�ole et du fran�ais � partir du cr�ole ha�tien:
�Le fran�ais n�est pas notre langue
maternelle; la langue de notre vie affective, la langue de notre vie profonde,
la langue de notre vie pratique, pour la plupart d�entre nous, c�est le cr�ole,
idiome � la fois tr�s proche et tr�s �loign� du fran�ais.� De fait, le cr�ole
ha�tien est une langue tr�s vivante, qui poss�de une orthographe fix�e depuis la
fin des ann�es soixante-dix. De plus en plus d'�crivains en font un usage courant. Dans les
�coles, il existe des manuels en cr�ole et les �l�ves subissent des examens en
cr�ole.
Le cr�ole parl� � Ha�ti n'est cependant pas
uniforme. On peut distinguer trois variantes dialectales : le cr�ole du
Nord (incluant Cap-Ha�tien), le cr�ole du Centre, dont la capitale
Port-au-Prince, et le cr�ole du Sud. La variante la mieux consid�r�e est celle
de la capitale. Beaucoup d'Ha�tiens parlent non seulement leur propre vari�t� de
cr�ole, mais aussi celle de Port-au-Prince pour des raisons pratiques. N�anmoins, l'intercompr�hension
entre les trois grandes vari�t�s de cr�ole ha�tien demeure relativement ais�e,
malgr� les diff�rences phon�tiques ou lexicales.
Le cr�ole ha�tien est parl� aussi en dehors d'Ha�ti par
les membres de la diaspora, notamment � la Martinique, � la Guadeloupe, � la Guyane
fran�aise, en Floride (Miami), � New York, au Qu�bec (Montr�al), en France, etc.
Sur le plan social, le cr�ole ha�tien n'est pas tr�s valoris�,
car il est associ� � une classe �inf�rieure�. C'est le fran�ais, l'anglais ou
l'espagnol qui peuvent servir de langues de prestige. Voici � cet �gard un texte
r�dig� en 1978 par le ministre Joseph C. Bernard dont l'objectif �tait
d'�liminer l'�litisme dont souffraient les �coles ha�tiennes:
On
assiste donc � une lutte contre [sic] les deux langues, lutte li�e tout au
long de l'histoire d'Ha�ti � une sorte de lutte de classe : le
fran�ais, langue de la classe dominante qui fait tout pour d�nigrer
et maintenir dans un �tat d'inf�riorit� la langue du plus grand
nombre; le cr�ole, langue unique des masses � qui on a fini par
faire croire qu'ils [sic] sont inf�rieurs � ceux qui parlent fran�ais. Il
s'est donc cr�� une id�ologie diglossique tendant � consolider la
superposition entre les deux langues en conflit. L'�cole a �t� le
moyen le plus s�r pour asseoir cette id�ologie. |
Durant plusieurs d�cennies, la direction
scolaire pouvait instaurer un �syst�me de jetons� en guise de renforcement.
Au cours de la r�cr�ation, un enseignant donnait un jeton aux �l�ves qui
�s'oubliaient� en parlant cr�ole et, apr�s la r�cr�ation, ceux-ci �taient
punis. De m�me, au cours du XIXe si�cle et
durant une partie du XXe,
les petits �l�ves bretons de France, qui �taient surpris � �parler breton�,
devaient porter un bonnet d'�ne en guise de punition. Dans d'autres
r�gions de France, il y eut le sabot de bois � porter au cou, une ardoise �
porter au cou (�Je parle breton�) ou un objet quelconque destin� � faire exclure
de l'�cole toute autre langue que le fran�ais, quand ce n'�tait pas pour
attirer les moqueries sur l'�l�ve qui n'appliquait pas le r�glement du type
�Interdit de cracher par terre ou de parler breton�. On trouvera
ICI (voir
le document) un petit texte (en cr�ole et en fran�ais) du
D�partement ha�tien de l'�ducation qui, pour conter enfin ce pr�jug�, invitait l'�cole � valoriser le
cr�ole.
Le cr�ole a un �criture, mais elle n'a
pas �t� officialis�e. De plus, seuls 9 % des Ha�tiens savent �crire
correctement leur langue maternelle.
2.2 Le fran�ais
Quant au fran�ais, il demeure une langue seconde pour la
plupart des Ha�tiens. Les individus les moins scolaris�s ne l'apprendront � peu
pr�s jamais; les plus instruits peuvent s'exprimer dans un fran�ais convenable, parfois
m�me excellent et proche du �fran�ais de France�.
Les Ha�tiens bilingues peuvent parler les deux langues en m�me temps,
c'est-�-dire en alternance, dans une m�me phrase. Ce ph�nom�ne est appel�
�alternance de code� ou �alternance codique�, ou encore "code-switching" (de
l'anglais code-switching).
En g�n�ral, il est rare qu'un
Ha�tien ne puisse conna�tre un minimum de fran�ais, mais pour soutenir une
conversation dans cette langue il faut avoir �t� � l'�cole assez longtemps, au
moins tout le primaire et une partie du secondaire. Selon certaines estimations,
environ 10 % de la
population ha�tienne, soit plus de 830 000 personnes, peuvent s'exprimer en fran�ais. On peut s'�tonner que le fran�ais soit encore parl�
en Ha�ti, apr�s
deux cents ans d'ind�pendance, mais ce serait oublier que le cr�ole ha�tien est �
base de fran�ais; cette langue, en raison de ses similitudes avec le cr�ole, restera
toujours plus pr�s de celui-ci que toute autre langue. Th�oriquement du
moins, il appara�t plus facile pour un Ha�tien d'apprendre le fran�ais que...
l'anglais. C'est un ph�nom�ne bien connu � l'�le Maurice (oc�an Indien), alors
que les Mauriciens, presque tous cr�olophones (� base de fran�ais) veulent
apprendre le fran�ais d'abord, l'anglais ensuite. En r�alit�, tous les Ha�tiens
s'identifient au cr�ole, ensuite au fran�ais parce que c'est la langue du
pouvoir (politique, administratif, �ducatif et culturel). Du fait que beaucoup
d'Ha�tiens se sont install�s en R�publique Dominicaine et aux �tats-Unis, de
nombreux membres de la diaspora ha�tienne parlent �galement l'espagnol ou
l'anglais.
Le fran�ais est aussi la langue maternelle de quelque 1600
Fran�ais et d'autant de Qu�b�cois vivant en Ha�ti, dont 90 % demeurant � Port-au-Prince.
2.3 L'anglais
Cette sorte d'opposition entre le fran�ais et
le cr�ole est toutefois en train de changer devant les avanc�es de l'anglais. Alors
qu'autrefois, les Ha�tiens instruits s'installaient � Paris, aujourd'hui les
Ha�tiens de la diaspora se r�fugient d'abord � New York et � Miami, puis �
Montr�al (Qu�bec). Les �tats-Unis accueillent de plus en plus d'Ha�tiens qui
acqui�rent l'anglais comme langue seconde, qu'ils transmettront � leurs enfants,
lesquels l'utiliseront �ventuellement comme langue maternelle. La langue d'une bonne
partie de la diaspora ha�tienne risque de changer � l'avantage de l'anglais.
Ceux qui retourneront � Ha�ti, apr�s avoir s�journ� des ann�es aux �tats-Unis,
auront acquis une autre langue. M�me le cr�ole qu'ils parlent est maintenant
influenc� par l'anglo-am�ricain. L'anglais est devenu pour une partie de la
diaspora ha�tienne la langue de la promotion sociale. Et cette
diaspora, qui regroupe plus de deux millions d'individus, peut devenir le
principal agent de la promotion de l'anglais.
Signe des temps: le chanteur
populaire Wyclef Jean, qui a fait carri�re aux �tats-Unis, entendait se pr�senter
aux �lections pr�sidentielles ha�tiennes de novembre 2010. Or, il ignorait le
fran�ais, sa langue maternelle �tant l'anglais, et son cr�ole, plus que
rudimentaire. S'il avait �t� �lu, il aurait, disait-il, chang� la Constitution
pour supprimer le statut du fran�ais comme langue officielle et le remplacer par
l'anglais. Bref, le �souverain� ne parlant pas la langue officielle, il la changeait tout
simplement. Au bon peuple de s'adapter. Il n'aurait pas �t� le premier � agir ainsi.
Lorsque Paul Kagame a pris le pouvoir au Rwanda en 2000, il a pris soin
d'ajouter l'anglais comme langue co-officielle de son pays � c�t� du kinyarwanda
et du fran�ais, car il ignorait le fran�ais, lui qui a v�cu toute son enfance en
Ouganda, un pays officiellement de langue anglaise. Quant � Wyclef Jean, il
d�sirait
�liminer le fran�ais, pas seulement ajouter l'anglais. Il avait annonc� en anglais
qu'il gouvernerait en cr�ole et en anglais, s'il �tait �lu:
Je vais gouverner en cr�ole et
en anglais. C'est tr�s important d'avoir une personne capable de voyager
partout sur la plan�te et d'entretenir une conversation avec tout le
monde. Mais je m'assurerai d'avoir mon professeur de fran�ais avec moi. |
Wyclef Jean faisait montre d'une
belle na�vet�, mais le rappeur populaire dut faire face �
un obstacle de taille: la Constitution ha�tienne interdit � un individu ayant la
double nationalit� de se porter candidat � une �lection pr�sidentielle. Une
telle candidature t�moignait du peu de prestige de la classe politique
traditionnelle. Quoi qu'il en soit, le Conseil �lectoral provisoire a tranch� et
a rejet� cette candidature, de m�me que celle de 15 autres.
Pour le moment, l'anglais ne remplacera pas le fran�ais en
Ha�ti m�me, mais il risque de lui livrer une solide concurrence, surtout si les
�tats-Unis maintiennent leur influence. Par exemple, les cours d'anglais de
l'Institut ha�tiano-am�ricain de Port-au-Prince sont tr�s courus :
l�institut est fr�quent� aujourd�hui par plus de 3100
�tudiants par semaine et il est consid�r� comme le plus s�r moyen
d'obtenir un visa pour les �tats-Unis. Le campus
de l'Institut ha�tiano-am�ricain compte la plus grande
librairie en anglais d'Ha�ti et des salles pour l�organisation des activit�s
culturelles dans cette langue. Depuis les ann�es 1980, de nombreuses �coles
priv�es, dont la langue d'enseignement est l'anglais, ont pouss� comme des
champignons. Ces �tablissements n'attirent pas encore les classes populaires,
mais de plus en plus d'enfants de la classe moyenne les fr�quentent.
3 Donn�es historiques
� l'origine, l'�le �tait peupl�e
par les Arawaks (ou Ta�nos) et les Cara�bes. Les premiers indig�nes
avaient nomm� leur �le, selon le cas, Ayiti,
c'est-�-dire �Terre des hautes montagnes�, Quisqueya
ou Bohio. Lorsque Christophe Colomb aper�ut
cette �le pour la premi�re fois, l'�le d'Ayiti comptait probablement quelques
centaines de milliers d'habitants. Christophe Colomb d�couvrit l'�le en 1492 et la baptisa Espa�ola
(�l'Espagnole�) que les cartographes confondront en Hispaniola
(�Petite Espagne�). L'�le d'Hispaniola fut organis�e en colonie par Bartolomeo Colomb �
le fr�re de Christophe � qui fonda, en 1496,
la Nueva Isabela (la �Nouvelle
Isabelle�, du nom de la reine de
Castille), laquelle deviendra plus tard Santo Domingo
(Saint-Domingue, en fran�ais).
Les Espagnols soumirent les Arawaks et les
Cara�bes � des
travaux forc�s afin de les faire extraire l'or des mines. En moins de vingt-cinq ans, les
populations autochtones de Santo Domingo furent compl�tement d�cim�es. Les Espagnols firent
alors venir des Noirs d'Afrique pour remplacer les
autochtones. Originaires de diverses ethnies, les esclaves noirs
parlaient des langues africaines diverses. Durant tout le XVIe si�cle,
Santo Domingo devint la m�tropole des colonies espagnoles du Nouveau Monde. D�s
que l'�le commen�a � ne plus rapporter de l'or, elle suscita moins
d'int�r�t pour les Espagnols. Vers 1545, ceux-ci concentr�rent leurs
efforts dans la partie orientale de l'�le qui recelait de l�or en abondance.
3.1 La colonisation fran�aise
C'est alors que les Fran�ais manifest�rent de l'int�r�t
envers la
partie occidentale de l'�le. D�j�, des flibustiers et des boucaniers
fran�ais s'�taient �tablis sur l'�le de la Tortue au nord et tentaient
p�riodiquement des incursions sur la �Grande Terre�. En d�pit des efforts
des Espagnols pour repousser les Fran�ais, ceux-ci finirent par occuper la
partie ouest de la �Grande Terre�. Comme la France �tait alors plus riche et
politiquement bien plus puissante que l'Espagne, elle investit massivement
dans l'importation d'esclaves et le d�veloppement des plantations.
- L'esclavagisme
Sous l'impulsion du
ministre Colbert, la nouvelle colonie
fran�aise prit son essor. La premi�re capitale, Le Cap (qui allait devenir
Cap-Ha�tien), fut fond�e en 1670 par les Fran�ais. Lors du
trait� de Ryswick (1697),
l'Espagne reconnut � la France la possession de la partie occidentale de
l'�le, qui devint alors la colonie de Saint-Domingue
(la future Ha�ti), tandis que l�Espagne
conservait la partie orientale qui �tait toujours appel�e Hispaniola
(la future R�publique Dominicaine). Dans la
partie fran�aise, Saint-Domingue, les Fran�ais continu�rent d'importer des esclaves noirs pour travailler
dans les plantations de canne � sucre. Ces derniers avaient d�velopp� une
langue particuli�re qui allait devenir le cr�ole.
Afin de se prot�ger des Anglais, les Fran�ais
s'install�rent dans une baie et construisirent un h�pital. La capitaine de
vaisseau, de Saint-Andr�, d�signa l'endroit comme le �port au Prince� parce que
son navire, qui portait le nom de �Le Prince�, y demeurait en rade. Mais la r�gion
continua d'�tre appel�e �H�pital�. C'est en 1749 que fut fond�e par les Fran�ais
la ville de Port-au-Prince. En 1770, elle
rempla�a la ville du Cap-Fran�ais comme capitale de la colonie. Pendant la
R�volution fran�aise, Port-au-Prince allait �tre rebaptis�e �Port-R�publicain�,
pour redevenir en 1804 la capitale du nouveau pays sous le nom de
�Port-au-Prince�, qui sera impos� par l'empereur ha�tien Jacques
Ier.
C'est au cours de la colonisation fran�aise que fut appliqu� le fameux Code
noir, une ordonnance de Louis XIV destin�e � r�glementer le r�gime
de l�esclavage et pr�cisant les devoirs des ma�tres et des esclaves. Ce Code
noir, qui resta en vigueur dans toutes les Antilles, et en Guyane fran�aise
jusqu'en 1848 (date de l'abolition d�finitive de l'esclavage par la France),
fut rarement respect�. Bien que ce code ne trait�t pas des questions de
langue, il d�pouillait l�esclave de toute son identit�. En effet, apr�s le
bapt�me catholique obligatoire, l'Africain devenait un N�gre et
changeait de nom, abandonnant ses habitudes vestimentaires et sa langue, puis �tait
marqu� au fer rouge et affect� au travail servile.
- Les Acadiens
En 1763,
les colonies britanniques de New York, de la G�orgie et de la
Pennsylvanie exp�di�rent une partie de �leurs� Acadiens vers Saint-Domingue afin
de s'en d�barrasser, soit plus de 400 au total. En 1765, la colonie de la
Nouvelle-�cosse exp�dia 600 de �ses� Acadiens � Saint-Domingue. Enfin, seuls
quelque 220 Acadiens partirent de la France; ils s'�taient laiss� convaincre par
les promesses du
ministre Choiseul.
En tout, plus de 1200 Acadiens furent exp�di�s
dans la colonie esclavagiste de Saint-Domingue. Certains contemporains de
l'�poque �valuent m�me leur nombre � 3000 individus pr�sents sur le sol de
Saint-Domingue.
Malheureusement,
Saint-Domingue se
r�v�la un tombeau pour la plupart des Acadiens.La moiti� des 400 Acadiens de la Nouvelle-Angleterre trouv�rent la
mort en raison du climat tropical, des maladies (scorbut, variole, etc.), de la
malnutrition et des mauvais traitements. Il en fut de m�me pour les Acadiens de
la Nouvelle-�cosse et de la France. La population chuta de moiti� en une seule
ann�e. Le gouverneur de Saint-Domingue, Charles Henri Th�odat (1764-1766), mit
enfin � contribution les Acadiens survivants en les faisant participer � des
travaux forc�s pour la construction d'une forteresse. D�s 1765, la plupart des Acadiens demand�rent
aux autorit�s de quitter l'�le. Certains r�ussirent � obtenir l'autorisation,
mais d'autres s'enfuirent par leurs propres moyens. Finalement, il ne resta que
quelques familles acadiennes dans l'�le.
- La r�volte des Noirs
La colonie de Saint-Domingue, qu'on appelait souvent �la
Saint-Domingue fran�aise�, devint la colonie europ�enne la plus riche de tout
le Nouveau Monde. � la fin du XVIIIe si�cle, la valeur des exportations de
Saint-Domingue (Ha�ti) d�passait m�me celle des �tats-Unis; cette prosp�rit�
reposait sur les cultures commerciales de sucre et de caf� pratiqu�es dans de
grandes plantations employant pr�s de 500 000 esclaves noirs, encadr�s par
quelque 30 000 Blancs. En 1789, � la veille de la R�volution fran�aise, la colonie de
Saint-Domingue comptait plus de 700 000 esclaves, ce qui �tait un nombre
nettement �lev� par rapport au nombre de Blancs (moins de 50 000); dans la
partie espagnole de l'�le, on ne comptait que 30 000 esclaves. Les
id�es de la R�volution fran�aise gagn�rent Saint-Domingue. D'abord, les �Grands
Blancs� envisag�rent l'ind�pendance de l'�le; puis les �Petits Blancs�
revendiqu�rent l'�galit� avec les �Grands Blancs�, tandis que les Noirs et
Mul�tres libres exigeaient l'�galit� avec les �Petits Blancs�.
La r�volte des Noirs d�buta d�s 1791, alors que plus de 1000 Blancs furent
assassin�s et les sucreries ainsi que les caf�teries, saccag�es. Sous la conduite de
leurs chefs � Toussaint Louverture (dit Toussaint Br�da), ensuite Jean-Jacques Dessalines, Henri
Christophe et Alexandre P�tion �, les Noirs men�rent une guerre de
lib�ration. Craignant �de voir passer dans des mains ennemies la propri�t� de Saint-Domingue�, le
repr�sentant de la
Convention de Paris, le commissaire Santhonax, proclama la libert� des esclaves
le 29 ao�t 1793 dans la Province du Nord, et le 4 septembre dans la
Province du Sud. Le 2 f�vrier 1794, la Convention
confirma cette d�claration et �tendit l'abolition de l'esclavage � toutes les colonies fran�aises.
La
Convention d�clare l'esclavage des n�gres aboli dans toutes les
colonies ; en cons�quence, elle d�cr�te que tous les hommes, sans
distinction de couleur, domicili�s dans les colonies, sont citoyens
fran�ais et jouiront de tous les droits assur�s par la Constitution. |
En r�alit�, le d�cret ne devait �tre
appliqu� qu'� la Guadeloupe, avant d'�tre abrog� par le premier consul
(Bonaparte) en 1802. Pendant ce temps,
d�s qu'avait commenc� la r�volte des Noirs en 1791, les Acadiens, qui avaient surv�cu
jusque l�, s'enfuirent en Louisiane ou aux �tats-Unis. Cette fois-ci, la G�orgie
les accueillit correctement � la France �tait devenue l'alli�e des �tats-Unis �,
et ils purent s'installer � St. Mary's dans le comt� de Camden. L'installation des Acadiens � Saint-Domingue
s'est r�v�l�e un cuisant �chec.
- Toussaint
Louverture et Bonaparte
 |
Toussaint Louverture, l'un des rares Noirs
� savoir lire et �crire, se
rallia au gouvernement fran�ais, et il fut nomm� g�n�ral de la R�publique et gouverneur de l��le.
Mais la menace du r�tablissement de l'esclavage par Bonaparte amena Toussaint Louverture � reprendre les armes contre la France.
En 1801, celui-ci prit m�me possession de la partie
espagnole de l'�le qu'il
souhaitait rattacher � Saint-Domingue (Ha�ti).
Le 29 octobre 1801, Bonaparte fera publier un arr�t� avec ces mots: �La
prise de possession de la partie espagnole faite par Toussaint Louverture
est nulle et non avenue� (art. 3). |
En 1802, Bonaparte envoya � Saint-Domingue son beau-fr�re �
celui-ci avait �pous� Pauline Bonaparte �, le g�n�ral
Charles Victor Emmanuel Leclerc (1772-1802), avec 35 000 hommes et 96
navires (dont 60 pr�t�s par la Hollande), ce qui constituait la plus grande force exp�ditionnaire de
l'histoire de France, avec l'ordre formel de �faire respecter la
souverainet� du peuple fran�ais�. Toussaint Louverture pratiqua une
politique de la terre br�l�e, une guerre d�usure, v�ritable gu�rilla
usant les troupes fran�aises qui ne tenaient que la c�te. Apr�s trois mois d'une sale campagne pleine d�atrocit�s,
Toussaint Louverture offrit sa reddition (le 2 mai 1802) au g�n�ral Leclerc,
contre sa libert� et l'int�gration de ses troupes dans l'arm�e fran�aise. Il fut
captur� par ruse le 7 juin et intern� au ch�teau-fort de Joux, dans le Jura, avec son
fid�le serviteur Mars Plaisir. Pendant son incarc�ration, Toussaint Louverture
fit l'objet d'une �troite surveillance et ne pouvait communiquer qu'avec son
serviteur. Finalement, malade de froid, il fut trouv� mort le 7 avril 1803, assis
sur une chaise. Il fut enterr� comme un obscur prisonnier dans une fosse commune
au cimeti�re du village de Saint-Pierre, pr�s de la forteresse de Joux.
Le surnom
de Louverture (ou L'Ouverture) lui serait venu des �br�ches� qu'il
ouvrait dans les rangs de ses ennemis (fran�ais, britanniques ou espagnols).
Conscient de sa valeur comme militaire, il n'avait pas h�sit� � envoyer �
Bonaparte
une lettre commen�ant par ces mots: �Du Premier des Noirs au
Premier des Blancs.� � Paris, on baptisera Toussaint �le Napol�on
noir�. Durant son exil � Sainte-H�l�ne, Napol�on se
reprocha d'avoir �t� entra�n� � soumettre la colonie de Saint-Domingue par la
force. Il admit qu'il aurait �t� pr�f�rable de se contenter de gouverner
Saint-Domingue �par l'interm�diaire de Toussaint�:
J'ai � me reprocher une
tentative sur la colonie de Saint-Domingue pendant le Consulat. C'�tait
une grande faute que d'avoir voulu la soumettre par la force. Je devais me
contenter de la gouverner par l'interm�diaire de Toussaint [...]. Je
n'avais fait que c�der � l'opinion du Conseil d'�tat et � celle de ses
ministres, entra�n�s par les criailleries des colons, qui formaient �
Paris un gros parti et qui, de plus, �taient presque tous royalistes et
vendus � la cause anglaise. |
Voici ce que pensait le c�l�bre prisonnier de Sainte-H�l�ne
(M�morial de Sainte-H�l�ne, chap. VI) de Toussaint Louverture:
Toussaint n'�tait pas un homme
sans m�rite bien qu'il ne f�t pas ce qu'on a essay� de peindre dans le
temps. Son caract�re pr�tait peu, il faut le dire, � inspirer une
v�ritable confiance; il �tait fier, astucieux; nous avons eu fort � nous
en plaindre; il fallut toujours s'en d�fier [...]. |
Le g�n�ral Leclerc �tait d�c�d� le 2 novembre 1802 de la
fi�vre jaune. Avec l'aide des Britanniques et des Espagnols, la longue guerre de
lib�ration de Saint-Domingue aboutit � la capitulation de l'arm�e fran�aise le
19 novembre 1803, d�cim�e par la fi�vre jaune. Dans cette guerre futile et inutile,
Bonaparte
avait perdu 35 000 soldats et 20 g�n�raux. Le 30
avril 1803, il vendit toute la Grande Louisiane aux �tats-Unis,
parce qu'il
n'�tait plus en mesure de d�fendre la colonie, ses troupes ayant �t� compl�tement
an�anties.
Ainsi, s'il n'avait pas envoy� son arm�e p�rir en Ha�ti, il aurait
conserv� � la France la Grande Louisiane qu'il aurait pu
alors d�fendre contre les
Am�ricains.
- La d�claration de l'ind�pendance
L'ind�pendance de la colonie de Saint-Domingue fut proclam�e le 1er janvier 1804
et celle-ci devint officiellement Ha�ti, la premi�re r�publique noire
libre. Voici la d�claration de l'Acte d'ind�pendance, r�dig�e en fran�ais:
Gona�ves, le 1er janvier
1804, an 1er de l'Ind�pendance
Aujourd'hui premier
janvier, mil huit cent quatre, le g�n�ral en chef de l'arm�e indig�ne,
accompagn� des g�n�raux, chefs de l'arm�e, convoqu�s � l'effet de
prendre les mesures qui doivent tendre au bonheur du pays;
Apr�s avoir fait conna�tre
aux g�n�raux assembl�s ses v�ritables intentions d'assurer � jamais
aux indig�nes d'Ha�ti un gouvernement stable, objet de sa plus vive
sollicitude; ce qu'il a fait par un discours qui tend � faire conna�tre
aux puissances �trang�res la r�solution de rendre le pays ind�pendant,
et de jouir d'une libert� consacr�e par le sang du peuple de cette �le;
et, apr�s avoir recueilli les avis, a demand� que chacun des g�n�raux
assembl�s pronon��t le serment de renoncer � jamais � la France, de
mourir plut�t que de vivre sous sa domination et de combattre jusqu'au
dernier soupir pour l'ind�pendance.
Les g�n�raux, p�n�tr�s
de ces principes sacr�s, apr�s avoir donn� d'une voix unanime leur adh�sion
au projet bien manifest� d'ind�pendance, ont tous jur� � la post�rit�,
� l'univers entier, de renoncer � jamais � la France, et de mourir plut�t
que de vivre sous sa domination.
Fait aux Gona�ves, le
1er janvier 1804, et le 1er jour de l'ind�pendance
d'Ha�ti
|
L'appellation Ha�ti proviendrait d'un terme
am�rindien ayiti, a�tij ou ahitij. Plusieurs auteurs
affirment qu'il s'agit d'un d�riv� de l�arawak aetti signifiant
�pierre� et lui donnent comme d�finition �terre� ou �pays� qualifi� de
�pierreux�, �rocheux�, �escarp�, c'est-�-dire �terre �lev�e� ou �terre de
hautes montagnes�. Il semblait aller de soi que la langue officielle resterait
le fran�ais, en d�pit du fait que seulement 2 % de la population parlait
cette langue. � l'�poque, le fran�ais b�n�ficiait au plan international d'un
grand prestige. Son usage �tait consid�r� comme un moyen d�acc�s � la
civilisation et il fallait montrer au monde que �la premi�re r�publique
noire� n'�tait pas un pays �barbare�, mais ax�e sur l'Occident et ses
valeurs. Il n'�tait donc pas question de verser dans l'id�ologie
�nationaliste� (on dirait aujourd'hui �indig�niste�) avec des valeurs africaines. La n�gritude allait venir plus
tard, apr�s 1915. Au moment de l'ind�pendance, les Ha�tiens devaient prouver
au monde des Blancs qu'ils �taient tout aussi intelligents qu'eux et que
leur �ducation �tait aussi respectable que celle des �pays �volu�s�.
3.2 L'ind�pendance effective
En Ha�ti, une p�riode confuse
ne faisait que commencer quand on sait que, entre 1804 et 1957, quelque 24
chefs d'�tat sur 36 seront renvers�s ou assassin�s. L'�lite mul�tre
s'appropria les terres des colons fran�ais, reproduisant ainsi l'ordre colonial
avec quelques am�nagements de circonstance. Or, les esclaves s'�taient r�volt�s pour avoir acc�s
� la terre et ils se croyaient propri�taires � la place des anciens ma�tres.
L'�lite ne l'a jamais per�u ainsi: les anciens esclaves devaient devenir des
travailleurs agricoles. Apr�s une diminution d�mographique due � la p�riode
r�volutionnaire, Ha�ti comptait 380 000 citoyens en 1805.
 |
C'est Jean-Jacques Dessalines qui avait expuls� les derniers Fran�ais et
proclam� l�ind�pendance de Saint-Domingue devenu Ha�ti. Lors de son accession �
l'ind�pendance, Ha�ti �tait encore la partie la plus riche, la plus puissante
et la plus peupl�e de l'�le d'Hispaniola. Mais aucun pays n'appuya le nouvel
�tat noir, qui fut abandonn� � son sort. La France ne
reconna�tra Ha�ti qu'en 1838. Ce fut la seule �r�publique de n�gres� de tout
le XIXe si�cle. Dessalines prit aussit�t le titre d�empereur en 1804 sous le nom de Jacques Ier.
Le fran�ais fut utilis� comme langue officielle de facto, et ce, m�me si la totalit� de la
population noire parlait le cr�ole. Seule l'�lite
mul�tre et quelques Noirs instruits parlaient fran�ais. |

 |
Apr�s l�assassinat de Dessalines, en 1806, le pays se
scinda en deux: au nord, un royaume dirig� par Henri Christophe (1767-1820), au sud une r�publique gouvern�e par un
Mul�tre, Alexandre Sab�s, dit P�tion. En 1807, Henri Christophe, un ancien
esclave, se
proclama pr�sident et g�n�ralissime des forces de terre et de mer de
l'�tat d'Ha�ti. En 1811, il se fit couronn� �roi d'Ha�ti�, mais il
ne contr�la que le Nord, le fief traditionnel des factions noires
radicales. Malgr� ses efforts pour promouvoir l'�ducation et
codifier les lois (le �Code Henri� comme le �Code Napol�on), Henri
Ier fut un
roi peu populaire et son royaume entra constamment en conflit avec
le Sud r�publicain. C'est lui qui fit construire une
gigantesque forteresse (citadelle) dans le but de contrer une
�ventuelle attaque europ�enne. De son c�t�, Alexandre P�tion (1770-1818), un
Mul�tre, fut en principe un partisan de la d�mocratie
constitutionnelle. En 1816, il se proclama �pr�sident � vie� et
suspendit la l�gislature. Il d�c�da de la fi�vre jaune en 1818; son
prot�g�, Jean-Pierre Boyer, lui succ�da.
Les Ha�tiens ne parvinrent � se maintenir que
dans la partie occidentale de l��le. Le trait� de Paris de 1814
rattacha � nouveau Santo Domingo � l�Espagne. La dictature impos�e
par l'Espagne provoqua, en d�cembre 1821, la r�volte des Dominicains
qui proclam�rent � leur tour leur ind�pendance. |
En 1818, Jean-Pierre Boyer,
un Mul�tre, fut reconnu pr�sident sans opposition. En 1822, il
annexa la partie espagnole de l'�le et gouverna toute l'�le d'Ha�ti pendant
vingt-cinq ans. Son r�gne constitue jusqu'� ce jour le record de long�vit� d'un
pr�sident dans
ce pays. Les Ha�tiens esp�raient ainsi unifier l'�le pour se prot�ger contre
les Fran�ais qui auraient pu revenir et mettre fin � l'ind�pendance. En 1825, le roi de France, Charles X, accepta de reconna�tre
l'ind�pendance de la r�publique d'Ha�ti moyennant une indemnit� de 150
millions de francs-or. Le pr�sident J.-P. Boyer r�ussit � r�duire la somme � 90 millions.
Pour honorer cette dette, il dut instaurer de lourds imp�ts, mais ses
mesures suscit�rent une hostilit� populaire. En fait, il faudra plus de cent
ans � Ha�ti pour acquitter cette �crasante cr�ance.
C'est sous la pr�sidence
de Boyer que
furent �mis en 1827 les premiers billets de banque, des �gourdes� (mot
originaire de l'espagnol gordo signifiant �gros� ou �gras�). Ce terme
r�f�rait au peso, une monnaie d'�change accept�e � l'�poque dans toutes les
colonies fran�aises des Antilles. Puis l�antagonisme entre les Noirs d�Ha�ti, les
Cr�oles et les M�tis hispanophones rendit le maintien de l'unit� de l��le
pratiquement impossible. Une insurrection chassa en 1844 la garnison ha�tienne de Saint-Domingue et
entra�na la proclamation de la �r�publique de Santo Domingo� (partie orientale).
Les Dominicains ont toujours gard� de cette occupation ha�tienne un souvenir
extr�mement douloureux. Pour eux, il s'agissait d'Africains qui avaient
voulu les asservir. En 1843, le pr�sident Boyer d�missionna et se retira � la Jama�que, puis
en France o� il termina ses jours. Fragilis�e par la menace d�une invasion ha�tienne, la
nouvelle r�publique de Santo Domingo demanda l'aide de l�Espagne qui annexa � nouveau le pays
(lequel
redeviendra d�finitivement ind�pendant en 1865 sous le nom de Rep�blica
Dominicana ou R�publique Dominicaine).
En 1849, Faustin Soulouque, un Noir, se proclama empereur (Faustin
Ier) d'Ha�ti et se lan�a dans une s�v�re r�pression contre les Mul�tres;
il r�gna en despote sur le pays pendant dix ans, avant d��tre renvers�, en 1859, par le
Mul�tre Nicolas Geffrard, qui restaura la R�publique et gouverna le pays jusqu�en 1867.
� l'�poque du gouvernement de Geffrard, la population ha�tienne �tait estim�e
� 900 000 habitants. Apr�s avoir �t� mis au ban des nations, Ha�ti fut progressivement reconnu par la France, puis par le Saint-Si�ge et les �tats-Unis.
C'est � cette �poque que commen�a
le d�bat sur l'enseignement du cr�ole dans les �coles. L'article 29 de la
Constitution de 1843 et l'article 34 de la Constitution de 1867 pr�cisaient
cette mesure : �Les langues usit�es dans le pays seront enseign�es dans les
�coles.� Le texte ne pr�cisait pas de quelles langues il s'agissait, mais il
�tait �vident que c'�tait le fran�ais et le cr�ole. Cependant, cette disposition
sur les langues est demeur�e sans sans effet, puisque le fran�ais
est toujours rest� la langue officielle de facto et celle des gens instruits; le cr�ole
�tait consid�r� comme un �patois� ou la �langue des analphab�tes�. Une Banque
nationale fut fond�e en 1881. Il s'agissait d'une soci�t� anonyme fran�aise
ayant son si�ge social � Paris et son principal �tablissement � Port-au-Prince.
En 1910, la Banque nationale deviendra la Banque nationale de la r�publique
d�Ha�ti. Vers 1900, les �valuations concernant la d�mographie varient entre 1,5
million et 2,5 millions d'habitants. On explique cette augmentation de la
population par le taux �lev� de la f�condit� et par l�immigration des Noirs en
provenance des �tats-Unis et des Cara�bes (Guadeloupe, Martinique, Grenade,
Jama�que, etc.). Il y eut aussi des Blancs europ�ens et am�ricains qui, apr�s
avoir �pous� des Ha�tiennes, s'�taient install�s dans le pays. � cette �poque,
90 % de la population ha�tienne �tait rurale.
Ha�ti fut gouvern� exclusivement par des Mul�tres
jusqu'en 1910, mais les Am�ricains avaient commenc� � prendre possession du pays
en construisant des voies ferr�es et en expropriant les paysans sans titres de
propri�t�. Les luttes entre les diverses factions militaires reprirent de plus
belle. Ha�ti connut une p�riode de grande instabilit�: entre 1908 et 1915, il
y eut neuf pr�sidents. � partir de 1911,
d�buta une p�riode de crise g�n�rale en Ha�ti. En 1910, la National City, une
banque am�ricaine, acheta une part importante de la Banque de la r�publique
d'Ha�ti.
3.3 L'occupation am�ricaine
(1915-1934)
En raison de la Premi�re Guerre mondiale et de ses
effets sur Ha�ti, qui allait toujours mal, Washington consid�ra qu'il valait
mieux occuper le pays. En r�alit�, les Am�ricains voulaient d�fendre les
int�r�ts de la banque d'affaires am�ricaine Kuhn, Loeb & Co. Le 28 juillet
1915, ils finirent par occuper militairement Ha�ti: ce fut fait
lorsque le pr�sident am�ricain
Woodrow
Wilson envoya ses marines � Port-au-Prince. En 1918, tout le pays �tait en
�tat d�insurrection.
Washington mit en place un gouvernement soumis � ses volont�s et s�engagea en contrepartie � fournir
� Ha�ti une aide politique et �conomique. L�administrateur am�ricain r�sidant
� Port-au-Prince avait le pouvoir de veto sur toutes les d�cisions
gouvernementales d�Ha�ti. Les institutions locales continuaient � �tre
dirig�es par les Ha�tiens, sauf l'arm�e, les banques et les finances. C'est
pourquoi 40 % des recettes de l'�tat passaient sous le contr�le direct des
�tats-Unis. Au cours de cette p�riode, les
Am�ricains firent adopter trois lois restreignant la libert� de presse.
Les travaux de modernisation, dont la mise en place d�une infrastructure routi�re,
l'am�lioration des techniques agricoles et le d�veloppement du r�seau
t�l�phonique furent acc�l�r�s. Toutefois, cette marche forc�e vers la modernit� se
fit aux d�pens des couches les plus d�favoris�es de la population. Les
Ha�tiens manifestaient une forte hostilit� envers l'occupant am�ricain qui
n'h�sitait pas, si la situation semblait l'exiger, � fusiller des
Ha�tiens par centaines � la fois. � plusieurs reprises, les paysans
r�volutionnaires, appel�s les �cacos�, se soulev�rent contre le gouvernement
et l'emprise des Am�ricains sur le peuple. Malgr� tout, les Am�ricains
modernis�rent Ha�ti (t�l�phone, �clairage, ports, routes, etc.),
d�velopp�rent un syst�me de sant� publique avec h�pitaux et dispensaires,
firent cesser la corruption, stabilis�rent la monnaie nationale (la gourde),
firent augmenter le taux d'alphab�tisation, am�lior�rent l'enseignement
primaire ax� sur la formation professionnelle, mais cette modernisation
impos�e se fit aux d�pens des institutions d�mocratiques, avec un S�nat
dissous et un parlement enti�rement soumis. Par exemple, l�insurrection des
�cacos�, qui se prolongea de 1916 � 1920, fut tr�s durement r�prim�e par les
marines, sans avoir demand� l'avis du gouvernement ha�tien. On estime que la
gu�rilla contre l'occupation am�ricaine a fait au moins 15 000 morts. De
plus, pr�s de 250 000 paysans quitt�rent Ha�ti pour �migrer vers Cuba,
ensuite
en R�publique Dominicaine. Puis le g�n�ral Rafael Trujillo, dictateur de la
R�publique Dominicaine, d�cida d'arr�ter le mouvement migratoire en faisant
massacrer en 1937 plusieurs milliers d'Ha�tiens � la fronti�re.
Peu de temps apr�s le d�but
de l'occupation am�ricaine, en 1918, les Ha�tiens adopt�rent une
nouvelle constitution pr�cisant formellement pour la premi�re fois que le
fran�ais �tait la langue officielle du pays. L'article le stipulant se lisait
comme suit: �Le fran�ais est la langue officielle. Son emploi est
obligatoire en mati�re administrative et judiciaire.� Selon les observateurs
de l'�poque, il semble bien que cette disposition ait �t� pr�vue pour �viter
que l'anglais ne remplace le fran�ais. Auparavant, il n'�tait jamais paru
n�cessaire de pr�ciser quelle �tait la langue officielle du pays, le
fran�ais �tant consid�r� comme faisant partie du patrimoine national. Pour ce qui
�tait du
cr�ole, aucune disposition n'�tait adopt�e. Sous la pr�sidence de
Franklin D.
Roosevelt, les �tats-Unis quitt�rent Ha�ti
le 21 ao�t 1934. La fin de l�occupation, ajout�e aux cons�quences de la crise �conomique mondiale,
engendra le retour � l�instabilit� et encouragea les vell�it�s
dictatoriales des dirigeants locaux.
Au cours de cette p�riode d'occupation, la culture et la
langue anglaises ont n�anmoins laiss� des traces dans le cr�ole ha�tien. Non seulement le
cr�ole a emprunt� des mots � l'anglais, mais les commer�ants ont commenc� �
apposer des affiches en anglais, pendant que les �lites cherchaient � faire instruire
leurs enfants en fran�ais et en anglais. Plus tard, plus d'un million
d'Ha�tiens se sont r�fugi�s au �tats-Unis, surtout en Floride, o� ils ont appris
l'anglais. Cette langue est devenue en Ha�ti un nouvel instrument de promotion
sociale.
3.4 La dictature des Duvalier
Arriv� au pouvoir en ao�t 1945, Dumarsais Estim�, un
militant de la cause noire, fut renvers� en novembre 1949 par une junte militaire.
L'exercice effectif du pouvoir
resta entre les mains de l�arm�e jusqu�en septembre 1957, date � laquelle
Fran�ois Duvalier,
dit �Papa Doc�, un ancien membre du gouvernement d'Estim�, fut �lu pr�sident
de la R�publique, gr�ce au soutien des Noirs qui voyaient en lui le moyen de
mettre fin au �r�gne des Mul�tres�.
 |
D�s le d�part, Fran�ois Duvalier imposa une politique r�pressive en
interdisant les partis d�opposition, en instaurant l��tat de si�ge et en
exigeant du Parlement l�autorisation de gouverner par d�crets (31
juillet 1958). Le 8 avril 1961, il pronon�a la dissolution du
Parlement.
Le r�gime s�appuya sur une milice paramilitaire, les Volontaires de la s�curit�
nationale surnomm�s les �tontons macoutes�. Avec cette garde pr�torienne
personnelle, Duvalier neutralisa l�arm�e, sema la terreur dans tout le pays et
parvint � �touffer toute r�sistance. Profitant des rumeurs de complot, il
renfor�a la r�pression et, en 1964, se proclama �pr�sident � vie�. Il
exer�a jusqu'� sa mort une implacable dictature (on compta 2000
ex�cutions pour la seule ann�e 1967).
|
Durant toute sa vie, Fran�ois Duvalier, un champion de la n�gritude, a r�dig�
ses discours uniquement en fran�ais.
En janvier 1971, une modification de la Constitution permit � Fran�ois
Duvalier de d�signer son fils, Jean-Claude, comme successeur. � la mort (de fa�on naturelle) de Papa Doc, le 21 avril 1971,
Jean-Claude Duvalier, 19 ans (d�o� son surnom de �Baby Doc�
ou �B�b� Doc�),
acc�da � la pr�sidence de la R�publique. Amor�ant une timide lib�ralisation du
r�gime, Jean-Claude Duvalier appliqua par la suite une dictature dont son p�re aurait �t�
fier. Puis son r�gime s'enfon�a dans la corruption et l'incomp�tence. En
1986, un soul�vement populaire renversa le fils Duvalier qui partit se
r�fugier dans le sud de la France pour dilapider l'argent vol� � son peuple.
Il allait revenir au pays un quart de si�cle plus tard, compl�tement
ruin�; il devait d�c�der le 4 octobre 2014. Entre-temps, une nouvelle
constitution fut adopt�e par le Parlement le 10 mars 1987, puis le
r�f�rendum constitutionnel du 29 mars 1987 l'a approuv�e avec 99,81% des
bulletins exprim�s.
On y trouve, entre autres, le texte suivant �
l'article 5:
�Le
cr�ole et le fran�ais sont les langues officielles de la R�publique.�
Toutefois, la fin de la dictature des Duvalier n'a pas signifi� la fin de
la r�pression. Une junte militaire dirig�e par le g�n�ral
Henri Namphy s'empara aussit�t du pouvoir. Un nouveau coup d'�tat rempla�a la junte par le g�n�ral
Prosper Avril qui dirigea le pays de 1988 � 1990.
Il fut accul�
� la d�mission en mars 1990, ce qui ouvrit � des �lections sous contr�le
international.
2.5 Le retour � la d�mocratie
Madame Ertha Trouillot, membre de la Cour de cassation, exer�a la
pr�sidence d'un gouvernement civil de transition. Jean-Bertrand Aristide, un pr�tre catholique qui s��tait fait l�avocat des pauvres,
remporta la victoire en d�cembre 1990. Son accession � la pr�sidence de la R�publique
redonna un peu d'espoir au peuple ha�tien, mais, en septembre 1991, il fut renvers� par une
junte militaire dirig�e par le g�n�ral Raoul C�dras (1993); il se r�fugia
alors aux �tats-Unis.
Apr�s que la situation politique et �conomique se fut passablement
d�grad�e, les �tats-Unis d�cid�rent d'intervenir militairement. Les troupes am�ricaines
d�barqu�rent en Ha�ti le 19 septembre 1994. Le 15 octobre 1994, le
pr�sident Aristide fut r�tabli dans ses fonctions, qu'il laissa � Ren�
Pr�val, �lu � la pr�sidence de la R�publique en 1995. Le mandat
d'Aristide touchait � sa fin et la Constitution ne l�autorisait pas � en briguer un
second cons�cutivement.
�lu en d�cembre 1995, Ren� Pr�val, ancien premier ministre d'Aristide, entra en
fonction en f�vrier 1996. Il
tenta en vain de remettre en �tat les infrastructures du pays. Le gouvernement ha�tien
dut faire face � une opposition constitu�e de ses anciens alli�s. Et ce ne fut qu'apr�s deux ann�es marqu�es de graves incidents (plusieurs assassinats
politiques) que le pr�sident Ren� Pr�val et cinq partis d�opposition
parvinrent � un accord pour former un nouveau gouvernement.
 |
Des
�lections l�gislatives furent organis�es pour le mois de mai 2000. En novembre de la
m�me ann�e, Jean-Bertrand Aristide fut
proclam� vainqueur de l��lection pr�sidentielle avec 93 % des voix, mais
avec seulement 5 % de participation. Compte tenu des irr�gularit�s commises lors des �lections, le
pr�sident Aristide (seconde mani�re) commen�a un mandat controvers�. Le
scrutin, qui avait �t� marqu� par de multiples malversations, plongea de nouveau
le pays dans une situation des plus confuses. Entretemps, le trafic de
drogue d�passait les records atteints sous la junte militaire. Quant �
la classe moyenne, elle n'a pas sembl� appr�cier l'ancien �petit cur�.
Elle lui reprocha ses sermons, ses origines, son caract�re
impr�visible et son emprise sur les masses. Ses adversaires
consid�raient alors Aristide comme un dangereux d�magogue, voire le champion
de la duplicit� et du vol.
Enfin, �Titid� (sobriquet),
comme l'appelait le peuple, n'a jamais accept� les trois ann�es vol�es lors de
son exil
forc� � Washington. Appr�hendant une nouvelle tentative de putsch, il
glissa dans une d�rive autoritaire, comme bien d'autres pr�sidents avant lui!
� partir des �lections de
2000, ce fut l'impasse entre le Lafanmi Lavalas, le parti du
pr�sident, et l'Organisation du peuple en lutte, qui contr�lait le
Parlement. C'est un v�ritable r�gime d'anarchie qui s'installa
une fois de plus en Ha�ti. |
Puis, le 29 avril 2004, Jean Bertrand Aristide finit
par d�missionner de la pr�sidence ha�tienne, alors qu'arrivaient les
premiers marines am�ricains, avant-garde d'une force internationale envoy�e
par l'ONU pour ramener l'ordre dans la capitale, Port-au-Prince. Ces forces
comprenaient des troupes am�ricaines, fran�aises, canadiennes et autres en
provenance des
Cara�bes. Peu apr�s le d�part d'Aristide, le pr�sident de la Cour de
cassation d'Ha�ti, Boniface Alexandre, annon�a qu'il assurait l'int�rim en
vertu de la Constitution. � l'issue de neuf jours d'un
d�pouillement chaotique, Ren� Pr�val
(sobriquet �Ti-Ren�) fut finalement d�clar�, le 16 f�vrier
2006, vainqueur de l'�lection pr�sidentielle d'Ha�ti, avec 51,5 % des voix. Le
jour de son investiture, le 14 mai suivant, le nouveau pr�sident d�clarait en
cr�ole: �Je promets de me d�vouer � la Constitution, de respecter les lois ha�tiennes et de prot�ger la souverainet� du pays.�
2.6 Un �tat faible
Malheureusement, Ha�ti est rest� l'un des �tats les plus
pauvres du monde et une partie importante de sa population survit dans des
conditions extr�mement pr�caires. Le pays conna�t un ch�mage officiel de 60 % et
affiche un
produit int�rieur brut par habitant de 469 $ US (moins de 350 euros) par ann�e, une esp�rance de
vie de moins de 50 ans pour les hommes et de 54 ans pour les femmes. Selon
l'indice de d�veloppement humain des Nations unies, Ha�ti se classe 150e
sur les 173 pays recens�s (mais il y en a en r�alit� 194). Pourtant, le temps presse pour redresser ce pays,
car on estime que le nombre d'habitants pourrait atteindre les 20 millions en
2019. Or, 20 millions de personnes vivant dans un �tat de mis�re inacceptable, aux
portes des �tats-Unis, c'est une situation constituant une bombe � retardement qu'il faut d�samorcer
au plus vite. C'est que, dans l'�tat actuel des choses, Ha�ti n'a pas de r�el avenir,
ou il est sans
issue. Cet �tat est si pauvre et si d�muni de ressources naturelles ainsi
qu'en
citoyens instruits ou form�s qu'il appara�t tr�s difficile de voir pointer
quelque progr�s que ce soit � l'horizon. Il n'emp�che que les Ha�tiens aiment leur
pays. Ils sont encore galvanis�s par leur histoire et leur statut de
�premi�re r�publique noire� du monde et obs�d�s par l'exploit de leur ind�pendance
arrach�e � la France en 1804. Mais cette premi�re historique ne les a jamais
rendus prosp�res ni jamais sortis de la mis�re.
Comme si ce n'�tait pas assez, Ha�ti est constamment aux
prises avec des catastrophes naturelles. Selon une �tude men�e en 2006 par la
Banque mondiale (Natural Disaster Hotspots : �Cartographie des
catastrophes naturelles�), Ha�ti est l�un des pays les plus vuln�rables aux
catastrophes naturelles. Cette extr�me vuln�rabilit� r�sulte, en plus d'un degr� �lev� de pauvret�, d�une infrastructure inadapt�e,
d�un environnement d�grad� et de l'inaction d�une s�rie de gouvernements inefficaces
confront�s � de graves probl�mes fiscaux et � la corruption end�mique. La convergence de ces diff�rents
facteurs amplifierait l�impact et les cons�quences de toute catastrophe naturelle.
Autrement dit, les
Ha�tiens, surtout la classe dirigeante, seraient aussi partie prenante de leurs
propres malheurs. On l'a vu en 2004 durant la saison des ouragans, au
cours de laquelle plus de 5000 Ha�tiens sont morts � la suite du passage de la
temp�te tropicale Jeanne. En 2008, ce furent la temp�te tropicale Fay et les
ouragans Gustav, Hanna et Ike, qui ont caus� d'importants dommages et entra�n�
de nombreux d�c�s. Mais le pire attendait les Ha�tiens: le s�isme
du 12 janvier 2010. Cette autre catastrophe naturelle qui a d�truit presque tout le
pays, au premier chef la capitale Port-au-Prince, et occasionn� plus de 250 000 morts, 300
000 bless�s et au moins un million de d�plac�s. Le
pays en aura pour dix � quinze ans � s'en remettre, et ce, gr�ce � l'indispensable aide internationale!
Depuis le tremblement de terre, de nombreux habitants d'Ha�ti ont d�cid� de
bannir certains mots de leur vocabulaire, comme �b�ton�, �effondrement�,
�s�isme�, �fissure�, etc. On a trouv� des �quivalents imag�s tels que
�l'artiste� (en redessinant la ville), �le monsieur� (par crainte ou respect) ou
�cette chose-l� (en cr�ole: "bagay la").
Tous ces �v�nements ont mis en relief un �tat en pleine
d�route. En temps
normal, c'est-�-dire sans tremblement de terre, le gouvernement ha�tien est de
toute fa�on techniquement en
faillite, avec le r�sultat que les employ�s de l'�tat sont r�guli�rement priv�s
de leur salaire, parfois durant des mois. Depuis longtemps, 80 % du budget de
l'�tat provient de l'aide internationale, le reste de la diaspora. Apr�s le tremblement de terre, c'est l'ONU
qui s'est charg�e de la s�curit� du pays; c'est une puissance �trang�re, les
�tats-Unis, qui a fait atterrir les avions � l'a�roport; ce sont les �amis de
J�sus� qui ont soign� les citoyens. Les ONG ont fini par prendre la rel�ve
� il y en a eu plus de 900 qui ont �t� implant�es dans le
pays, des plus grosses aux plus petites �, alors que le gouvernement ha�tien
est demeur� invisible, d�pass�
et impuissant. Le Parlement ha�tien a m�me produit un rapport provisoire
condamnant l'incurie du gouvernement dans cette crise sans pr�c�dent.
L'homme le plus puissant en Ha�ti n'�tait pas le
pr�sident d'Ha�ti (Ren� Pr�val, qui achevait son mandat), mais plut�t l'ambassadeur des �tats-Unis,
M. Kenneth H. Merten. � voir l'imposante ambassade,
�videmment demeur�e intacte lors du s�isme, et � constater l'omnipr�sence des troupes
am�ricaines (plus de 16 000 soldats), il valait mieux comprendre qu'Ha�ti se
trouvait sous la
tutelle de Washington. Devant le mouvement de militarisation dont les �tats-Unis ont
pris la t�te en Ha�ti, la communaut� internationale a exprim� ses inqui�tudes
parce que cette situation aurait pu se transformer en une nouvelle ing�rence de
l'Am�rique sur Ha�ti. Si tel �tait le cas, ce n'�tait surtout pas le moment de
s'en plaindre, car seuls les �tats-Unis poss�daient les moyens de r�pondre � une
telle situation d'urgence. Le vrai motif des Am�ricains, c'est qu'ils voulaient �viter que des dizaines de
milliers d'Ha�tiens aillent se r�fugier en Floride par la mer. D'o�
l'importance de l'armada am�ricaine! Le peuple
ha�tien, par ailleurs, n'avait aucune confiance en son gouvernement; il
voyait bien que celui-ci ne d�cidait rien et, lorsqu'il s'y risquait, c'�tait
pour donner des contrats aux �ti zamis� (amis du r�gime).
Les parlementaires ont condamn� la pratique du parti du pr�sident Pr�val d'utiliser des
candidats clairement identifi�s dans des op�rations de distribution de vivres.
La corruption, c'est tout ce que contr�le le gouvernement, celle-ci �tant,
rappelons-le,
l'une des gangr�nes qui rongent le pays depuis deux si�cles. Le peuple en subit
les cons�quences depuis ce temps-l�.
2.7 Un avenir peu reluisant
Dans ces conditions,
continuer � aider Ha�ti comme on l'a fait jusqu'� pr�sent, soit comme avant le
s�isme du 12
janvier 2010, ce serait cr�er une autre g�n�ration de �mis�reux�. Depuis plusieurs
d�cennies, la communaut� internationale pompe en vain de l'argent dans ce pays. C'est pourquoi il
faudrait dor�navant proc�der autrement. Si la communaut� internationale r�p�tait les m�mes erreurs que
par le pass�, Ha�ti aura encore besoin d'aide dans deux cents ans, et ce, avec
l'appui des �lites du pays.
- Les hypoth�ses de travail
Au plan
politique, il faudrait, entre autres, faire entrer des �loups� (comprendre des ��trangers�)
dans la bergerie politique. Ayant depuis fort longtemps prouv� son incomp�tence,
sinon sa quasi-inutilit�, l'�tat ha�tien doit, pendant quelques ann�es, �tre
�troitement surveill� et compos� aussi d'Ha�tiens de la diaspora et m�me
minoritairement de
non-Ha�tiens (�tats-Unis, France, Canada, etc.), de fa�on � �viter la corruption
qui paralyserait tout et pomperait une grande partie des milliards
dans les poches des �ti zamis�.
Il faudrait �videmment reconstruire les villes,
dont Port-au-Prince, avec un code du b�timent d�ment approuv� et avec des
centaines d'inspecteurs (internationaux) pour surveiller les chantiers. Il
faudrait aussi reconstruire les �coles et ensuite en donner un acc�s r�el gratuit �
tous les enfants, sans exception, en abolissant les pots-de-vin pour les
admissions et les frais cach�s hypocrites, en formant ad�quatement les enseignants, en
les payant mieux et surtout r�guli�rement, et en construisant des routes praticables en tout temps; il faudrait
aussi que l'�cole fournisse dans les zones rurales un repas gratuit aux enfants � l'heure du midi,
sinon fournir un transport scolaire gratuit.
Il faudrait entreprendre la reforestation des sols et favoriser l'autosuffisance
alimentaire en prenant soin au pr�alable de former des agronomes et de mieux
�duquer les paysans, tout en leur fournissant une machinerie agricole ad�quate.
Et sans aucun doute, il faudrait aussi des milliers d'autres interventions possibles!
Une fois que les nouveaux dirigeants ha�tiens
se seraient appropri� les
nouveaux codes d'�thique, ils pourraient poursuivre l'�uvre de reconstruction de
leur pays. Rappelons cependant que, lorsque les Am�ricains occupaient
Ha�ti, ils avaient tent� sans succ�s de
supprimer la corruption; malheureusement, ils s'y sont mis eux aussi en
constatant que c'�tait la r�gle.
En 2011, Transparency International (ou
Transparence internationale), un organisme non gouvernemental
international d'origine allemande, a publi� son
�Indice de perception de la corruption� (IPC):
Ha�ti est l'un des pays les plus
corrompus du monde (en 177e place sur
un total de 180
pays en 2008), venant juste avant l'Irak, le Birmanie et la Somalie, mais apr�s
le Tchad, la Guin�e, le Soudan et l'Afghanistan.
�videmment, il s'agit de la classe politique, non du peuple
lui-m�me. Comment faudrait-il s'y prendre pour extirper la
corruption incrust�e dans les mentalit�s de la bureaucratie en Ha�ti au point d'en faire quasiment
une �caract�ristique culturelle�? Comment reconstruire un pays qui �tait d�j� d�moli avant le tremblement de terre, avec
une population traumatis�e, extr�mement pauvre, sous-scolaris�e et sans
direction politique! L'�conomie, la sant�, l'�ducation, les communications, le
logement, etc., tout est d�faillant dans ce pays. Et les Ha�tiens n'ont pas de
travail; la violence est partout. L'�tat ha�tien demeure impuissant.
- La �r�publique des ONG�
De fait, trois ans apr�s le s�isme de 2010, Ha�ti ne
s'est pas encore relev�. Peu d'�difices publics ont �t� reconstruits. Pire, la population a �t� aux
prises avec le chol�ra. Elle est aujourd'hui
d�s�uvr�e, alors que plus de 1,5 million d'enfants ne sont pas scolaris�s.
L'aide internationale pr�vue pour la reconstruction n'avance pratiquement pas,
car tout est bloqu� en raison, notamment de l'inexistence des cadastres, la plupart �tant
disparus au cours du s�isme: on ne sait m�me plus � qui appartiennent les
terrains. Trente pour cent des fonctionnaires ont p�ri dans le tremblement de
terre de janvier 2010. Inqui�te des risques de corruption et d'instabilit�
politique, la communaut� internationale est n�anmoins responsable d'avoir
affaibli le gouvernement ha�tien et d'avoir fait du pays une �r�publique
des ONG� en cr�ant des structures parall�les dans les domaines de l'�ducation,
de la sant� et
dans toutes sortes d'autres domaines que les Ha�tiens eux-m�mes devraient assumer.
En janvier
2013, quelque 70 % des sommes promises � Ha�ti ont �t� vers�es, ce qui est d�j�
exceptionnel, car dans la plupart des crises humanitaires les �tats d�boursent
moins de 50 % de ce qu�ils ont promis, l'attention se d�pla�ant ailleurs. Des
9,5 milliards de dollars d�bours�s par la communaut� internationale, seulement
579 millions ont pass� par les mains du gouvernement ha�tien et � peine 36
millions sont all�s aux organisations non gouvernementales ha�tiennes. Bref, les
organisations internationales se sont install�es en Ha�ti et offrent des
services que le gouvernement ha�tien devrait donner. Par le fait m�me, les ONG
se substituent � l��tat ou cr�ent un �tat parall�le.
Il faut aussi savoir que
l'aide humanitaire repr�sente avant tout des �occasions d'affaires� pour les
entreprises des pays donateurs. Prenons l'exemple de l'ACDI, l'Agence canadienne
de d�veloppement international. Cette agence exige que les programmes qu'elle
finance aient �un contenu canadien�. Pour l'ACDI, la participation
d'entreprises, d'organisations et de citoyens canadiens � des projets dans des
pays en d�veloppement aide � projeter �une image positive du Canada�. Cette
approche permet de garder pr�s de 90 % de l'aide publique dans l'�conomie du
Canada. Autrement dit, l'argent est d�pens� au Canada, pas en Ha�ti. Et il ne faudrait pas
croire que l'ACDI constitue une exception. C'est devenu m�me une r�gle pour les
pays riches comme les �tats-Unis, la France, le Royaume-Uni, l'Allemagne, etc.
Seuls les dons priv�s peuvent s'affranchir de cette contrainte. En r�alit�,
les projets financ�s par les contribuables des pays donateurs servent davantage
� dynamiser l'�conomie de ces pays et n'ont que peu de retomb�es �conomiques en
Ha�ti.
En somme, il
faudrait absolument changer les r�gles du jeu et s�assurer que l�argent circule
dans les mains ha�tiennes et que les produits soient achet�s localement plut�t
qu�import�s de l��tranger. Dans le cas contraire, Ha�ti ne pourra pas accro�tre
sa propre capacit� pour r�pondre aux besoins de sa population et se remettre sur
pied.
Les
quelques 10 000 ONG pr�sentes en Ha�ti et les repr�sentants des organisations
internationales font la pluie et le beau temps, pendant que les Ha�tiens sont
exclus, ce qui cr�e un �tat de d�pendance envers l'aide �trang�re, ce qui
favorise aussi l'inertie et l'irresponsabilit�. Au nom de la souverainet� nationale,
la communaut� internationale fait comme si Ha�ti �tait un pays �normal�, avec un
gouvernement en possession de ses moyens. On veut y consacrer des
milliards, mais sans programme, sans aucune direction, sans coordination, en s'en
remettant � un �tat exsangue qui doit r�pondre � des besoins immenses de la part
d'un peuple d�sesp�r�. Jusqu'ici, l'aide internationale n'a pas donn� les
r�sultats escompt�s. La question est aussi de savoir si la langue de travail de l'aide
internationale, l'anglais, ne contribue pas � �vincer davantage la population
ha�tienne. En somme, la mise en �uvre des projets d'aide internationale est
lente et plus de 300 000 sinistr�s continuent de vivre dans le plus complet
d�nuement, et ce, trois apr�s le sinistre de 2010. Ha�ti serait devenu �le pays de tous les malheurs�.
- Le �club des ex�
Alors que le pays
�tait paralys� par une impasse politique et des �lections pr�sidentielles qui
n'aboutissaient plus, l'ancien dictateur, Jean-Claude Duvalier, est revenu dans son pays
le 16 janvier 2011, ajoutant encore davantage � la confusion, et ce, pendant
qu'un autre ex-pr�sident
chass� du pouvoir, Jean-Bertrand Aristide, est arriv� dans son pays le 18 mars
2011, juste avant le second tour de scrutin des pr�sidentielles. Depuis le d�part de J.-C. Duvalier en
1986, malgr� les espoirs qu'Aristide avait soulev�s, malgr� une tutelle
internationale toujours plus pr�sente, rien ne semble avoir avanc� en Ha�ti non
seulement dans
le domaine de la reconstruction, mais aussi aux plans de la d�mocratie, de la justice et de l'impunit�.
L'ex-chanteur populaire
Joseph Michel Martelly, dit �Sweet
Micky� (ou �Micky le Doux� en fran�ais), voire �Tet Kal� en cr�ole (�cr�ne
ras�), a succ�d� � Ren� Pr�val, le 14 mai 2011, apr�s avoir remport� la
pr�sidentielle avec 67,57 % des suffrages, loin devant sa rivale Mirlande
Manigat (31,74%). Le nouveau pr�sident d'Ha�ti, le 56e
pr�sident d'Ha�ti, a pris alors la t�te de l�un des
pays les plus mal en point de la plan�te, avec une
administration amput�e apr�s le s�isme d�vastateur du 12 janvier 2010, sans
majorit� au Parlement et en proie � l�instabilit� li�e aux retours r�cents des
ex-pr�sidents en exil Jean-Bertrand Aristide et Jean-Claude Duvalier (d�c�d� en
octobre 2014).
 |
Dans son discours d�investiture du 14 mai
2011, Martelly a employ� les langues
officielles de son pays, alors que traditionnellement seul le fran�ais �tait
utilis� dans de telles circonstances. Sur une trentaine de paragraphes, seul les
trois premiers furent exclusivement r�dig�s en fran�ais, mais tout le reste le
fut en cr�ole, sauf pour certaines sections ponctu�es d'expressions ou de mots
fran�ais. Sans la
moindre exp�rience politique, le nouveau pr�sident Martelly devait prouver aux Ha�tiens et au reste du
monde qu'il avait les qualit�s n�cessaires pour gouverner un pays dans des conditions
difficiles. Quoi qu'il arrive, il ne pouvait
faire pire que ses
pr�d�cesseurs. Plus de huit mois apr�s son �lection, la pr�sidence de Michel Martelly
�tait contest� dans son pays; beaucoup de d�put�s
l'accusaient de �d�rives dictatoriales�. Au cours de plusieurs manifestations
publiques, le pr�sident Martelly a eu plusieurs �changes virulents avec des
citoyens en les apostrophant et les insultant publiquement. Pour
plusieurs, ce genre de situation para�t indigne de la part d'un chef
d'�tat, et ce, d'autant plus que ces attitudes peuvent provoquer des
incidents regrettables dont le pays pourrait faire l��conomie. De
plus, le pr�sident a d� faire face � un pouvoir l�gislatif
ouvertement hostile, ce qui lui compliquait la poursuite des
affaires. |
Depuis le mois de septembre
2012, le pr�sident Martelly a �t� confront� � un mouvement de contestation qui a
jet� des milliers de personnes dans la rue et qui ont d�nonc� l'absence de
r�action du gouvernement face � la hausse des prix des produits de consommation.
Les Ha�tiens se sont plaints que le pr�sident Martelly n'ait pas r�ussi � am�liorer
leur sort, alors que leur pays figure parmi les plus pauvres au monde.
Plusieurs ont r�clam� sa d�mission, un an seulement apr�s son arriv�e au
pouvoir.
- L'Acad�mie du cr�ole
ha�tien
L'article 213 de la
Constitution ha�tienne
de 1987 a pr�vu une Acad�mie
ha�tienne afin de normaliser la langue cr�ole et de permettre son
d�veloppement scientifique et harmonieux.
Article 213
Une Acad�mie ha�tienne est
institu�e en vue de fixer la langue cr�ole et de permettre son d�veloppement
scientifique et harmonieux.
Article 213.1
D'autres acad�mies peuvent
�tre cr��es.
Article 214
Le titre de Membre de
l'Acad�mie est purement honorifique.
Article 214.1
La loi d�termine le mode,
l'organisation et le fonctionnement des acad�mies. |
Un comit� d�initiative a �t� form�. Il �tait
compos�, entre autres, des repr�sentants de l�Universit� d��tat d�Ha�ti, du
minist�re de l��ducation nationale et de la Formation professionnelle, de la
Secr�tairerie d��tat pour l�alphab�tisation, de la Facult� de linguistique
appliqu�e de l'Universit� d'�tat, de la Conf�d�ration nationale des vodouisants
ha�tiens et la Soci�t� d�animation et de communication sociales. Puis le S�nat a
adopt� cette loi sur la cr�ation de l'Acad�mie le 10 d�cembre 2012 et la Chambre
des d�put�s a fait de m�me le 23 avril 2013. Le pr�sident Michel Martelly avait fait objection
� la promulgation de la loi en raison de l'absence d�une version fran�aise, car
seule la version cr�ole �tait disponible, un geste hautement symbolique de la
part du l�gislateur. Mais l'attitude presque timor�e du pr�sident ha�tien avait
irrit� les organismes
impliqu�s dans l'�laboration de la loi. Finalement, la
Loi portant cr�ation de l'Acad�mie du cr�ole
ha�tien a �t� publi�e dans
Le Moniteur, n� 65, le 7 avril 2014, soit plus d'un an apr�s son adoption par le
Parlement.
Journal officiel de la
r�publique d'Ha�ti, le 7 avril 2014
Par les pr�sentes,
Le pr�sident de la R�publique
ordonne que la Loi portant cr�ation de l'Acad�mie du cr�ole ha�tien, vot�e
par le S�nat, le lundi 10 d�cembre 2012, et par la Chambre des d�put�s, le
mardi 23 avril 2013, soit rev�tue du sceau de la R�publique, imprim�e,
publi�e et ex�cut�e.
Donn� au Palais national, �
Port-au-Prince, le 20 mars 2014, an 211e
de l'Ind�pendance.
Par le pr�sident
Michel Joseph Martelly |
C'est la premi�re fois qu'une loi ha�tienne
est r�dig�e et promulgu�e uniquement en cr�ole, bien que l'avis de promulgation
dans Le Moniteur (Journal officiel) soit en fran�ais. Le Conseil des
acad�miciens de la langue cr�ole devait �tre institu� le 28 octobre 2014, lors
de la Journ�e internationale de la langue cr�ole.
- La pauvret� end�mique
Les faits concernant la pauvret� en Ha�ti
sont alarmants. En d�cembre 2012, l'Indice de d�veloppement humain (IDH) des
Nations unies classait Ha�ti au 158e rang sur
177 parmi les pays les moins avanc�s au monde. Environ les trois quarts des
Ha�tiens sont pauvres et vivent avec moins de deux dollars par jour. La moiti�
de la population n'a pas acc�s � l'eau potable. Un tiers des Ha�tiens n'a pas
d'installations sanitaires. Seulement 10 % des Ha�tiens re�oivent les services de
l'�lectricit�; m�me les �coles publiques n'ont pas d'�lectricit�. Quatre-vingt-quinze pour cent de l'emploi en Ha�ti demeure dans
l'�conomie souterraine, tandis que 80 % des entreprises dans les zones urbaines
ont des taux de ch�mage officiels oscillant entre 50% et 70%. Le peuple ha�tien a �t� anesth�si� depuis
plus de deux si�cles. Il n'a jamais pu se prendre en main.
Serait-il possible que la r�publique d'Ha�ti paie encore pour
avoir �t� le premier pays noir � se lib�rer du joug de l'esclavage et de la
colonisation? Depuis, Ha�ti souffre du chaos politique auquel les pays
occidentaux sont intimement li�s et qui a conduit � un exode massif de son
�lite. Malheureusement, les crises r�p�t�es en Ha�ti ne permettent pas de cr�er
les conditions n�cessaires ni � la croissance �conomique ni � la consolidation
de la d�mocratie.
Le mandat du pr�sident Martelly prenait fin
le 7 f�vrier 2014. Quelques jours plus tard, le 14 f�vrier, la communaut�
internationale saluait l��lection du pr�sident int�rimaire d�Ha�ti, Jocelerme
Privert, tout en rappelant qu�elle ne constitue que la premi�re �tape dans la
r�solution de la crise politique caus�e par le report sine die des
�lections pr�sidentielle et l�gislatives.
- Un autre pr�sident incomp�tent
Le 28 novembre 2016, Jovenel Mo�se,
candidat choisi par l�ex-chef de l��tat Michel Martelly pour repr�senter le
Parti ha�tien T�t Kale (PHTK), a remport� l'�lection pr�sidentielle ha�tienne au
premier tour avec 55,6 % des voix. N� en 1968 � Trou-du-Nord, Mo�se est un
entrepreneur et politicien ha�tien, membre du (PHTK). Alors qu�il �tait en
campagne en 2015, le futur pr�sident Mo�se a fait le tour du pays en promettant
mer et monde; il a cru avoir trouv� la formule miracle pour r�pondre aux besoins
de la population en mettant ensemble �le soleil, la terre, les rivi�res et les
hommes�. Cependant, le pr�sident Mo�se n'a pas
eu la faveur populaire bien longtemps. Apr�s deux ans au pouvoir, cet ancien
homme d�affaires s'est montr� incapable de livrer la marchandise. Au d�part, la
communaut� internationale avait promis 10 milliards � Ha�ti � la suite du s�isme
qui a frapp� le pays; on estime qu�� peine 5 % de cette somme a r�ellement �t�
vers�e.
� l'�t� 2018, l�annonce d�une hausse
soudaine du prix de l�essence provoqua une premi�re vague de protestations, ce
qui for�a le gouvernement � revenir sur sa d�cision. Impuissant � renflouer
ses coffres en laissant monter le prix du carburant, le gouvernement reporta ses
vell�it�s de taxation dans d'autres secteurs avec des cons�quences quasi
catastrophiques pour la population. Ainsi, le prix des denr�es les plus essentielles, comme
le riz, s'est emball�, l�inflation atteignit 15%, et la devise ha�tienne
perdit 40% de sa valeur. En 2019, les repr�sentants de la soci�t�
civile commenc�rent � prendre leur distance du pr�sident Mo�se. Toute la grogne du
pays se tourna contre celui-ci: il avait le choix de d�missionner ou bien le pays se
dirigeait encore une fois vers une p�riode de grande instabilit�.
� l�aube de 2020, Ha�ti restait aux prises avec une grave
crise sociale. Le pays fut paralys� par des manifestations; les routes furent
obstru�es par des barricades; des groupes arm�s sem�rent la violence. L�ins�curit�
est devenue telle que 70 % des �coles furent ferm�es pendant une bonne partie
de l�automne de 2019. La col�re de la rue
face � la corruption et � la raret� des produits de base comme le carburant
devint
telle que le pays se retrouva au bord de la guerre civile. En janvier 2020,
faute d'avoir approuv� une nouvelle loi �lectorale, l'Assembl�e nationale fut
dissoute, sans �tre remplac�e. Jovenel Mo�se se mit alors � gouverner par
d�crets. Les r�alisations �conomiques du pr�sident Mo�se se sont r�v�l�es
d�sastreuses, tandis que les services publics sont devenus dysfonctionnels.
Bref, ce pr�sident s'est r�v�l� un incomp�tent notoire. En m�me temps, le pays
�tait d�chir� par des guerres entre bandes criminelles rivales qui n'h�sitaient
pas � ran�onner la population, par ailleurs d�j� tr�s pauvre. Finalement, le 7
juillet 2021, Jovenel Mo�se �tait assassin� par un groupe de commando, plongeant
encore davantage Ha�ti dans le chaos.
La situation en Ha�ti est devenue telle que les solutions
purement politiques sont devenues inefficaces. Il faudrait commencer par
nettoyer le pays de la racaille qui paralyse les Ha�tiens. �tant donn� que
l'�tat ne poss�de pas d'arm�e et que ses forces polici�res sont faibles, il
n'existe aucun moyen de jeter en prison les politiciens et les fonctionnaires
corrompus. De fait, la corruption
est devenue tellement monnaie courante que les Ha�tiens ne cherchent m�me plus �
la combattre, car ils ont abandonn� tout espoir de changement politique. Les
derniers �v�nements qui se sont d�roul�s en Ha�ti constituent les sympt�mes d�un
�tat incapable de gouverner. Si l'on savait d�j� qu�Ha�ti �tait un �tat
d�faillant, on assiste maintenant � la d�sint�gration totale de l��tat. En
effet, que ce soit la police, le syst�me judiciaire, le Parlement, la fonction
publique, toutes ces institutions se sont �croul�es et d�sint�gr�es. Les
dirigeants actuels ont perdu toute l�gitimit�, ce qui augmente encore les
risques de chaos. Dans ces conditions, rien ne permet d'�tre optimiste.
4 Le statut du fran�ais
et du cr�ole
La premi�re reconnaissance linguistique officielle n'appara�t, rappelons-le, dans la l�gislation ha�tienne qu'en 1918, au cours de
l'occupation am�ricaine. Il est probable que les Ha�tiens ont
voulu ainsi manifester leur opposition � la menace que repr�sentait
la langue de l'occupant (l'anglais). Voici le libell� de cet article
de la Constitution de 1918 (au moment de l'occupation am�ricaine): �Le
fran�ais est la langue officielle. Son emploi est obligatoire en mati�re
administrative et judiciaire.� Comme on le voit, la Constitution ne faisait aucune allusion au cr�ole. Les constitutions subs�quentes
reprendront le m�me libell�.
Mais en 1964 une nouvelle constitution (art. 35) a fait pour la premi�re
fois mention du cr�ole:
Article 35
[abrog�]
Le
fran�ais est la langue officielle.
Son emploi est obligatoire dans les services publics. N�anmoins, la loi
d�termine les cas et conditions dans lesquels l'usage du cr�ole est permis
et m�me recommand� pour la sauvegarde des int�r�ts mat�riels et moraux des
citoyens qui ne connaissent pas suffisamment la langue fran�aise.
|
La Constitution du 24 ao�t 1983 accordait (art. 62), quant � elle,
au cr�ole le statut de langue co-nationale, avec le fran�ais:
Article 62
[abrog�]
Le fran�ais est la langue
officielle. Son emploi est
obligatoire dans les services publics. N�anmoins, la loi d�termine les cas
et conditions dans lesquels l'usage du cr�ole est permis et m�me recommand�
pour la sauvegarde des int�r�ts mat�riels et moraux des citoyens qui ne
connaissent pas suffisamment la langue fran�aise.
Les langues nationales sont le
fran�ais et le cr�ole. Le fran�ais
tient lieu de langue officielle de la r�publique d'Ha�ti.
|
C'est la Constitution de mars 1987 qui rendra co-officiels le fran�ais et le cr�ole (art. 5), mais il n'y a jamais eu de
version cr�ole officielle de la Constitution. Il a fallu une initiative de
la part d'un militant ha�tien pour obtenir une �traduction� cr�ole.
Atik 5
[en vigueur]
1)
S�l lang ki
simante tout Ayisyen n�t ansanm, se krey�l la.
2) Krey�l ak Franse lang
Ofisy�l Repiblik Ayiti. |
Article 5
[en vigueur] 1) Tous les Ha�tiens sont unis par une langue
commune: le cr�ole.
2)
Le cr�ole et le fran�ais sont
les langues officielles de la R�publique.
|
La r�publique d'Ha�ti est donc juridiquement bilingue avec
le fran�ais et le cr�ole comme langues officielles.
En vertu de cette proclamation, les deux langues devraient, en principe,
�tre employ�es dans tous les organismes de l'�tat. En r�alit�, le
bilinguisme d'Ha�ti rel�ve plus du symbole, puisque la Constitution a �t�
r�dig�e uniquement en fran�ais. On le sait, toute version cr�ole du texte constitutionnel ne rel�ve que
d'initiatives personnelles de la part de traducteurs b�n�voles ou de bonne
volont�.
L'article 213 de la Constitution a pr�vu une Acad�mie
ha�tienne afin de normaliser la langue cr�ole et de permettre son
d�veloppement scientifique:
Atik 213
[en vigueur]
Yo kreye Akademi Ayisyen. Li gen misyon pou li bay lang Krey�l la
jar�t pou li fikse epi pou li ba li tout mwayen lasyans pou li devlope
n�mal. |
Article 213
[en vigueur]
Une Acad�mie ha�tienne est institu�e en vue de fixer la langue cr�ole et de permettre son d�veloppement scientifique et harmonieux. |
Cette acad�mie n'a vu le jour qu'en 2014. Par contre,
il existe depuis longtemps une acad�mie ha�tienne de police, une acad�mie ha�tienne des sciences
et des arts, mais aucune acad�mie ha�tienne de la langue cr�ole. Il faut comprendre que le bilinguisme institutionnel d'Ha�ti est
fondamentalement diff�rent de celui institu�, par exemple, au Canada,
lequel compte deux groupes linguistiques principaux, les anglophones et les
francophones. Ha�ti,
pour sa part, ne comprend qu'un seul peuple, qui parle le cr�ole, car
le fran�ais est une langue h�rit�e
du colonialisme et n'est parl� que par ceux qui ont fr�quent� l'�cole assez
longtemps. Au Canada, les deux langues officielles sont des langues
maternelles parl�es par la grande majorit� des habitants.
La situation d'Ha�ti se compare davantage � celle du Burundi et
du
Rwanda;
dans ces deux pays, le fran�ais est co-officiel, mais la population
parle le kirundi (Burundi) ou le kinyarwanda (Rwanda).
On peut consulter des extraits de la Constitution
ha�tienne, sous sa forme bilingue fran�ais-cr�ole,
en
cliquant ICI. Notons
que la traduction cr�ole est de P�l
Dejan (Paul Dejean; il ne s'agit nullement d'une version officielle.
5 La l�gislation ha�tienne
La l�gislation est pratiquement muette en ce qui concerne l'emploi
des langues en Ha�ti. En fait, � part l'article 5 de la
Constitution
de 1987, les textes juridiques portant quelque peu sur cette question
sont surtout contenus dans le Code rural et le Code du travail h�rit�s
du r�gime
Duvalier. Ces codes sont aujourd'hui d�suets et incompr�hensibles
pour la tr�s grande majorit� de la population. En fait, la �l�gislation linguistique� la plus importante
concerne le domaine de l'�ducation et la justice: le
Code
d�instruction criminelle (1962), le
D�cret sur la conservation fonci�re et l'enregistrement (1977), la
Loi autorisant l'usage du cr�ole dans les �coles comme langue d'enseignement et
objet d'enseignement (1979), le
D�cret organisant le syst�me �ducatif ha�tien en vue d'offrir des chances �gales
� tous et de refl�ter la culture ha�tienne (1982), le
D�cret
sur le Code douanier (1987), le
D�cret portant r�vision du statut g�n�ral de la Fonction publique (2005), le
D�cret sur l'imp�t sur le revenu (2005) et le
Document de strat�gie nationale pour la croissance et pour la r�duction de la
pauvret� (2007).Le programme p�dagogique diffus� par le minist�re
de l'�ducation nationale (1987-1988) d�finissait les r�les
respectifs du cr�ole et du fran�ais dans la formation fondamentale
des enfants et leur place dans le syst�me scolaire (niveau primaire).
La fonction instrumentale du cr�ole, premi�re langue nationale,
dans le processus d'apprentissage est de jouer �un r�le d'int�gration
sociale et culturelle�; il constitue �galement �la base sociolinguistique
de l'unit� nationale�. Quant au fran�ais, il devient la
seconde �langue nationale� des Ha�tiens: �Sa place privil�gi�e
dans le programme de l'�cole fondamentale au m�me titre que
le cr�ole vise � l'instauration d'un bilinguisme �quilibr�.
L'enseignement du fran�ais doit permettre notamment l'acquisition
des connaissances scientifiques et l'acc�s � la culture universelle.
6 La politique linguistique
Les pratiques administratives h�rit�es de la France
ont toujours favoris� le fran�ais aux d�pens du cr�ole.
C'est pourquoi le fran�ais est demeur� la langue prestigieuse, le cr�ole, la langue
du peuple. On peut se demander si les dispositions constitutionnelles en mati�re
de langue ont permis une extension de l'usage du cr�ole � des fins officielles.
6.1 La l�gislation et la justice
Au Parlement ha�tien, le fran�ais et le cr�ole sont
effectivement utilis�es par les d�put�s, mais le fran�ais
demeure tr�s nettement pr�dominant; il arrive parfois qu'un
m�me parlementaire emploie les deux langues alternativement. Les
textes de lois sont presque tous r�dig�s et promulgu�s exclusivement
en fran�ais; n�anmoins, certains d'entre eux peuvent tr�s
exceptionnellement �tre traduits en cr�ole. Rappelons, une fois de plus, qu'il n'existe m�me pas
de version officielle de la Constitution en cr�ole. Diverses consid�rations politiques interviennent
de sorte que le cr�ole n'obtient presque aucune place dans les documents
juridiques. Il faut aussi remarquer que, le pays �tant demeur� tr�s d�muni
�conomiquement, un organisme
officiel de traduction relevant de l'�tat � du type au Canada d'un �Bureau de
la traduction� (ou �Translation Bureau�) � ne semble pas constituer une priorit� en
Ha�ti.
En ce qui a trait aux tribunaux, les d�lib�rations peuvent
se d�rouler en cr�ole, mais les proc�s-verbaux ne
paraissent qu'en fran�ais; hors de la capitale, les juges utilisent
en priorit� le cr�ole. Pr�cisons que les articles 24.2 et 24.3 de la
Constitution traitent des
arrestations et des d�tentions. Selon l'article 24.3 (par. a), il faut
qu'on exprime formellement, en cr�ole et en fran�ais, les motifs de l'arrestation ou de la d�tention:
Atik 24.2
Depi
yo pa kenbe yon moun nan men, yo pa gen dwa arete li, ni mete li nan
prizon. F�k se yon manda moun ki plase pou sa a voye ba li.
Atik 24.3
Men sa manda-a dwe genyen pou yo ka
egzekite li:
a) F�k manda a di akl�, an krey�l
an franse, rezon pou arete moun nan osinon pou mete li nan prison,
epi ki lwa ki pini sa yo repwoche li a.
|
Article 24.2
L'arrestation et la d�tention, sauf en cas de flagrant d�lit, n'auront lieu que sur un mandat �crit d'un fonctionnaire l�galement comp�tent.
Article 24.3:
Pour que ce mandat puisse �tre ex�cut�, il faut:
a) Qu'il exprime formellement en cr�ole et en fran�ais le ou les motifs de l'arrestation ou de la d�tention et la disposition de loi qui punit le fait imput�;
|
Mentionnons aussi le
Code d�instruction criminelle (1962)
qui, dans son article 332, pr�voit le recours � un interpr�te lorsque les
justiciables ne parlent pas la m�me langue:
Article
332
Dans le cas ou l'accus�, les t�moins ou l'un d'eux ne
parleraient pas la m�me langue ou le m�me idiome, le doyen du
tribunal criminel nommera d'office, � peine de nullit�, un
interpr�te �g� de vingt-et-un ans au moins, et lui fera, sous la
m�me peine, pr�ter serment de traduire fid�lement les discours �
transmettre entre ceux qui parlent des langages diff�rents.
L'accus� et le commissaire du
gouvernement pourront r�cuser l'interpr�te, en motivant leur
r�cusation. |
6.2 Les services publics
Dans les services publics, le fran�ais est la premi�re langue
employ�e tant par les fonctionnaires que par le citoyen �
la condition que ce dernier connaisse le fran�ais; une fois �tablie,
la communication peut se poursuivre uniquement en cr�ole. Un cr�olophone
unilingue se fait toujours servir dans sa langue maternelle, mais
la plupart des documents �crits ne sont r�dig�s qu'en
fran�ais. Certaines missives ou communiqu�s d'extr�me
importance peuvent n�anmoins �tre traduits en cr�ole.
L'article 78 du
D�cret sur la conservation fonci�re et l'enregistrement (1977) mentionne que
tous les documents en langue �trang�re devant �tre d�pos�s au registre
foncier doivent �tre accompagn�s d'une traduction, mais le texte ne pr�cise
pas dans quelle langue. On peut croire qu'il s'agit du fran�ais:
Article 78
Aucun notaire, greffier, huissier ou autre officier public ne pourra
faire ou r�diger un acte, en vertu d'un acte sous signature priv�e
ou d'un acte pass� en pays �trangers, en faire note ou mention,
l'annexer � ses minutes, le recevoir en d�p�t, ni en d�livrer
extrait, copie, exp�dition ou collation si cet acte n'a �t�
pr�alablement enregistr�, sous peine de dix gourdes d'amende et de
r�pondre personnellement du droit. Sont except�s :
1. Les
traductions des actes r�dig�s en langue �trang�re
qui devront toujours �tre pr�sent�es �
l'enregistrement en m�me temps que lesdits actes. Le sceau de
l'enregistrement sera appos� tant sur l'acte original que sur la
traduction.
|
L'article 166 du
D�cret
sur le Code douanier (1987) pr�cise, pour sa part, que c'est le fran�ais:
Article 166 (modifi� comme suit
par le d�cret du 13 septembre 1990)
La d�claration sera dactylographi�e
en langue fran�aise, sans rature,
ni surcharge. Elle comprendra tous les colis � �tre port�s sur
le connaissement d'exportation et devra �tre accompagn�e des
pi�ces suivantes pour �tre recevable :
- Le permis d'exportation, d�livr�
par le minist�re du Commerce et de l'Industrie;
- L'attestation d'exportation, vis�e par la Banque de la
r�publique d'Ha�ti;
- Et toutes les autres pi�ces et informations que la douane
jugera bon d'exiger, soit pour son contr�le, soit en
conformit� avec d'autres lois, r�glements ou circulaires en
vigueur.
|
Il en est ainsi � l'article 89 du
D�cret portant r�vision du statut g�n�ral de la Fonction publique (2005):
Article 89
Les fonctionnaires sont regroup�s en quatre cat�gories d'emplois
d�sign�es par ordre d�croissant
�
partir des quatre premi�res lettres de l'alphabet fran�ais.
Il s'agit des corps de cat�gories A, B, C et D. |
Toutefois, l'article 44 du
D�cret sur l'imp�t sur le revenu (2005) accepte que les documents soient
r�dig�s en fran�ais ou en cr�ole:
Article 44
Dans un d�lai n'exc�dant pas les quatre-vingt-dix (90) jours qui
suivront la date de cl�ture de leur ann�e financi�re, les
contribuables vis�s � l'article 43, sont tenus de faire
parvenir, � l'office de la Direction g�n�rale des imp�ts (DGI)
le plus proche du lieu de leur �tablissement, leurs �tats
financiers en conformit� avec les principes comptables
g�n�ralement reconnus par l'�tat Ha�tien, figur�s dans le Plan
comptable national et selon les normes internationales de
comptabilit�. Ces �tats financiers comprennent : le bilan,
l'�tat des revenus et d�penses, l'�tat de l'�volution de la
situation financi�re, les notes et autres annexes aux �tats
financiers, incluant le relev� des immobilisations,
amortissements et provisions ainsi que celui des comptes
relatifs aux op�rations en portefeuille ext�rieur, le tout
exprim� en gourde ha�tienne en indiquant le taux de conversion,
s'il y a lieu. Toutes ces pi�ces
devront �tre r�dig�es en fran�ais ou en cr�ole.
Ces �tats financiers seront accompagn�s des d�clarations
r�capitulatives pr�vues � l'article 7 du pr�sent D�cret.
|
Il ne faut pas croire l'�tat ha�tien est devenu subitement
bilingue, il s'agit uniquement d'une fa�on pour le gouvernement d'esp�rer
que les contribuables paient plus facilement leur imp�t en cr�ole qu'en
fran�ais. �videmment, il n'en est rien. Peu de contribuables sont
suffisamment solvables au point de payer un quelconque imp�t.
6.3 L'�cole
En principe, l'�tat offre gratuitement l'instruction � tous les degr�s dans
les �coles publiques dites nationales. Celles-ci comptent des �coles
primaires rurales et des �coles primaires urbaines, puis des
�coles professionnelles, des �coles secondaires, des lyc�es et des coll�ges et
enfin des �coles sup�rieures (universit�s). L'instruction primaire est
th�oriquement obligatoire.
- L'�ducation primaire : le fran�ais et le cr�ole
Dans les six ann�es du primaire, le fran�ais et le cr�ole
constituent les deux langues d'enseignement � �galit�,
th�oriquement du moins. L'enseignement du cr�ole en Ha�ti trouve son fondement
juridique dans la loi du 18 septembre 1979. Cette loi importante autorisait
l'usage du cr�ole comme langue �crite et parl�e dans l'enseignement.
Les enfants re�oivent leur enseignement
tant�t en fran�ais, tant�t en cr�ole. Il s'agit
d'un enseignement bilingue, mais les pratiques scolaires ne semblent pas
uniformes. Selon les villes, les villages, les quartiers ou les enseignants
eux-m�mes,
la langue d'enseignement peut �tre presque exclusivement le fran�ais
ou presque exclusivement le cr�ole. Ainsi, dans la capitale, l'enseignement
se fait surtout en fran�ais; dans les petites villes et les villages
de province, il se fait en cr�ole; dans les �coles des milieux
favoris�s de la capitale, on n'enseigne qu'en fran�ais. Dans toutes les �coles, les manuels scolaires
sont presque tous r�dig�s en fran�ais, � l'exception
des grammaires du cr�ole. Au secondaire, le fran�ais b�n�ficie de sept ou huit
heures d'enseignement, contre une seule pour le cr�ole.
En tout �tat de cause, le bilinguisme fran�ais-cr�ole n'est pas ce qu'on appelle un
�bilinguisme �quilibr�, au contraire. Alors que le cr�ole est une langue �
usage oral et informel, le fran�ais reste la langue destin�e aux usages formels
et � l��criture. C'est ce que les linguistes appellent une diglossie. Ce
contexte est d�crit ainsi par le linguiste Vernet Luxana: �La diglossie est un n�ologisme qui d�signe la
coexistence dans une m�me communaut� de deux vari�t�s de langue g�n�tiquement
apparent�es dont l�une baptis�e "vari�t� haute" et l�autre "vari�t� basse". Ces
deux vari�t�s de langue entretiennent des relations hi�rarchiques et assument
des fonctions sp�cialis�es et des domaines d�emploi diff�rents� (voir la
bibliographie, p. 47).
- Les �coles priv�es
Il existe en Ha�ti de nombreuses �coles priv�es, lesquelles appliquent
les programmes d'�tudes arr�t�s par le secr�taire d'�tat de l'Instruction
publique. Ces �coles b�n�ficient d'un grand prestige, mais elles sont parfois
tr�s ch�res pour une famille ha�tienne. Les droits de scolarit� varient �norm�ment
selon qu'il s'agit d'une petite �cole rurale ou d'une imposante �cole priv�e
de Port-au-Prince. Dans une �cole r�put�e,
le co�t annuel est d'un
peu plus de 800 dollars US
(env. 580 euros). Or, le salaire annuel moyen pour les femmes est 1146 $ US (ou
835 euros) et de 2195 $ US
(1600 euros) pour les hommes. Avec deux enfants � l'�cole priv�e, une famille
est vite accul�e � la ruine. D'apr�s
l�UNICEF, la moiti� des enfants en �ge d�aller � l��cole
fr�quentaient des �coles
priv�es avant le tremblement de terre. Souvent, les parents envoient leurs
enfants dans ces �coles parce qu�il n�y a pas assez de places dans les
�tablissements publics. La corruption �tant ce qu'elle est, il faut souvent payer
quelqu�un travaillant dans une �cole publique pour faire admettre son enfant.
Or, les pots-de-vin peuvent co�ter plus cher que les droits de scolarit� dans une
�cole priv�e.
C'est
ce qui explique qu'environ 90 % des �coles primaires sont des �coles priv�es
(plus de 10 000), donc non soutenues financi�rement
par l��tat ha�tien.
Parmi ces �coles, 33 % sont de confession protestante, 29 % sont la�ques, 24 % de
confession catholique et 12 % sont autres (ind�termin�es). Dans la plupart des
pays du monde, l'�ducation est consid�r�e comme un service public dont l'�tat assume
la responsabilit�. Mais en Ha�ti ce sont les entreprises priv�es qui dominent de
plus en plus le monde de l'enseignement. L'�tat occupe un r�le secondaire dans
l'�ducation et sa gestion. Il ne prend que
faiblement en charge les frais reli�s � ce domaine, puisque les co�ts sont
acquitt�s, selon le Fonds d'assistance �conomique et sociale (FAES),
� 85 % par les familles. La participation de l'�tat est minoritaire m�me dans la
formation et la r�mun�ration des enseignants.
- Les
probl�mes du syst�me d'�ducationSelon le Bilan commun de pays
pour Ha�ti, une �tude publi�e en 2000 par
les Nations unies et le gouvernement ha�tien, un tiers des enfants d'�ge
scolaire n'avait pas acc�s � l'�cole. Qui plus est, seule une faible minorit�
d'enfants devrait demeurer � l'�cole au moins quatre ann�es cons�cutives. Quant aux
installations, la majorit� des �coles sont improvis�es dans des b�timents qui
n'ont pas �t� con�us � cette fin. Avant le s�isme du 12 janvier 2010, � peine 21 % d'entre elles disposent de l'�lectricit� et
42 % b�n�ficient de l'eau courante. Depuis le s�isme, quelque 4000
�tablissements d'enseignement ont �t� d�truits uniquement � Port-au-Prince. Les
classes ont repris dans des abris temporaires, g�n�ralement des tentes. De plus,
il faut faire dispara�tre des montagnes de d�bris avant d'installer les tentes.
Il faut aussi pr�voir des latrines, un approvisionnement en eau potable, etc.
Dans sa grande sagesse, la communaut� internationale a d�cid� qu'il fallait
construire rapidement des �coles pour renvoyer les �l�ves sur les bancs d'�cole.
On a donc construit ici et l� des �coles avec des toits de t�le en plein soleil
! Quand on sait que le changement dans un pays comme Ha�ti ne peut se faire que
par l'�ducation, on reste perplexe.
Plus de 70 % de la population est analphab�te et 500 00 enfants ne vont pas
aller � l'�cole, faute de moyens. Par comparaison, le Nicaragua est tout aussi
pauvre, mais il compte beaucoup moins d'analphab�tes. L'�tat ha�tien ne d�bourse
que 13 % des montants associ�s � l'�ducation, le reste �tant assum� par les
parents. Si l'�cole en Ha�ti est obligatoire,
elle n'est pas vraiment gratuite, et de moins en moins publique. La qualit�
variable de l'enseignement, les probl�mes de malnutrition, les pi�tres
conditions mat�rielles, l'analphab�tisme des parents (au moins de 70 %),
l'absence de biblioth�ques publiques ou scolaires, l'�loignement des �coles et
l'absence d'�lectricit� dans les foyers sont d'autant d'�l�ments responsables du
taux de scolarisation peu �lev�.
Or, l'�lite ha�tienne a toujours consid�r� que
l'�ducation, comme les soins de sant�, �tait un privil�ge r�serv� � une
minorit�, non un droit pour tous. La plupart des Ha�tiens voudraient bien
s'instruire, mais ils ne le peuvent tout simplement pas. Bon nombre d'entre eux
ont honte d'�tre analphab�tes, mais s'instruire dans ce pays ne d�pend
apparemment pas uniquement de soi, avec un syst�me aussi pourri.
Comme l'�tat n'a aucun moyen pour prendre des dispositions permettant � tous
de s'instruire, il est accul� � un r�el cul-de-sac. Sur 1000 �l�ves inscrits au
primaire, 900 abandonneront l'�cole avant la fin de leurs �tudes. Les causes
sont multiples et pas toutes d'ordre p�dagogique: infrastructures inexistantes
ou d�su�tes, programmes mal adapt�s, enseignants mal form�s, distances �
parcourir trop longues dans les zones rurales, chemins impraticables par mauvais
temps, absence d'�lectricit� dans les �coles et � la maison, manque
d'�quipements scolaires ad�quats, p�nurie de manuels, sous-alimentation de
plusieurs �l�ves, etc. Le proverbe Ventre affam� n'a pas d'oreilles
traduit bien ce qui se passe dans ce pays; il correspond � la maxime cr�ole
Sak vid pa kanpe (�sac vide pas camp� debout�) ou encore Celui qui n'est
pas nourri ne tient pas sur ses pieds.
En 2012, l'�tat ha�tien a r�ussi � introduire l��ducation gratuite au niveau
primaire; quelque 1,27 million d�enfants fr�quenteraient maintenant l��cole
publique sans frais. Ha�ti compte cinq millions d'enfants d'�ge
scolaire. L'ambition du Pr�sident Martelly serait que, � la fin de son mandat,
tous les enfants ha�tiens aillent gratuitement � l��cole. La scolarisation
universelle et gratuite pr�n�e par le pouvoir est li�e � plusieurs autres
aspects tels la formation des professeurs, la construction d��coles et
l�am�lioration de la qualit� de l��ducation. Or, ces objectifs sont loin d'�tre
atteints. N�anmoins, l'�tat aurait distribu� plus de 974 000 kits scolaires pour
l�ann�e scolaire 2012-2013. Plus de 230 autobus assureraient le transport des
�l�ves dans les dix d�partements; vingt autres devraient �tre ajout�s. De plus,
l'�tat assureraient la formation de plus de 11 000 nouveaux professeurs. Si l'on
fait fi des pol�miques soulev�es par la m�thode du pr�sident ha�tien, il demeure
l�gitime de s'interroger sur les objectifs et le contenu de son programme
d��ducation universelle, notamment sur les conditions du succ�s et l�efficacit�
de ce programme de scolarisation de masse, un an apr�s sa mise en �uvre.
N'oublions pas que ce programme est mis en �uvre en l�absence de tout
cadre l�gislatif et r�glementaire, notamment en ce qui a trait � la collecte et
l�affectation des fonds. Pour les partis d'opposition, cette
politique du pr�sident Martelly serait un leurre. Il faudrait expliquer comment
l'�tat ha�tien va s'y prendre pour envoyer cinq millions d'enfants � l'�cole
avec des revenus en perp�tuel d�ficit. Ha�ti demeure l'un des pays ayant les
plus faibles taux de scolarisation au monde. En effet, le taux d'analphab�tisme
s��l�ve � 37,9 %. Seulement 50 % des enfants d'�ge scolaire sont inscrits �
l��cole. De plus, � cause du redoublement fr�quent, 50 % des enfants qui
fr�quentent l��cole sont plus �g�s que l��ge pr�vu pour leur classe.
Il n'en demeure pas moins qu'au moins 20 % des �coles ont
l'�lectricit�, 39 % disposent d'eau potable et 15 % poss�dent une biblioth�que.
L�intervention de l��tat ha�tien dans le domaine de la construction d��coles a
toujours �t� insuffisante.
- L'enseignement du cr�ole
En 1979, alors que Jean-Claude Duvalier, dit �B�b� Doc�, �tait
pr�sident d'Ha�ti, le gouvernement trouva un(e) coupable pour expliquer le
probl�me li� � l'analphab�tisme r�voltant dans le pays: la langue fran�aise. D�s
lors, le cr�ole fut per�u comme le rem�de inesp�r� pour rem�dier � la situation.
Il fallait �d�chouquer le fran�ais� (l'�extirper� ou le �d�raciner�) de la t�te des futurs
alphab�tis�s en cr�ole ha�tien. Ce fut la c�l�bre �r�forme Bernard�, du nom du
ministre Joseph C. Bernard qui voulait �liminer l'�litisme dont souffraient les
�coles ha�tiennes. Le premier objectif de la r�forme de 1979 �tait d'�radiquer
l'analphab�tisme. L'article 1er de la
loi du 18
septembre 1979 stipulait:
Article 1er
L'usage du cr�ole,
en tant que langue commune parl�e par les 90 % de la population
ha�tienne, est permis dans les
�coles comme instrument et
objet d'enseignement.
|
Afin de r�duire les r�ticences � l'enseignement du cr�ole, le ministre
Bernard pr�cisait: �Dispenser l'enseignement en cr�ole ne signifie pas renoncer
au fran�ais. Les deux langues sont enseign�es en m�me temps: le cr�ole comme
langue maternelle et le fran�ais enfin abord� comme langue �trang�re.�
Le second texte de loi, en date du 30 mars 1982, ayant trait au cr�ole comme
langue d'enseignement est le
D�cret organisant le syst�me �ducatif ha�tien en
vue d'offrir des chances �gales � tous et de refl�ter la culture ha�tienne.
Ce d�cret de Jean-Claude Duvalier d�finit les objectifs g�n�raux de l'�ducation, les dispositions
communes et les dispositions particuli�res aux diff�rentes structures
d'enseignement et de formation. Le chapitre IV porte sur l'usage des langues
dans l'enseignement fondamental. Les articles 29, 30 et 31 concernent la langue
d'enseignement:
Article 29 Le cr�ole est
langue d'enseignement et langue enseign�e
tout au long de l'�cole fondamentale.
Le fran�ais est
langue enseign�e
tout au long de l'�cole fondamentale et langue d'enseignement �
partir de la 6e
ann�e.
Article 30
En 5e ann�e de l'enseignement fondamental,
l'enseignement
du fran�ais est renforc�
en vue de son utilisation comme langue
d'enseignement en 6e ann�e.
Article 31
Un plan d'�tude fixe de fa�on pr�cise l'articulation p�dagogique
pour chaque cycle et chaque ann�e en rapport avec les dispositions
des articles 34 et 35.
Dans tous les cas, � partir de la 6e
ann�e, le volume horaire r�serv�,
soit au fran�ais,
soit au cr�ole,
dans le plan d'�tude d'enseignement, ne peut �tre inf�rieur � 25
% de l'horaire hebdomadaire. Dans tous les cas, � partir de la 6e
ann�e, le volume horaire r�serv�, soit au fran�ais,
soit au cr�ole,
dans le plan d'�tude d'enseignement, ne peut �tre inf�rieur � 25
% de l'horaire hebdomadaire. |
Quant � l'article 35, il est particuli�rement important, car il limite
l'application du d�cret. Il se lit comme suit:
Article 35
Les dispositions du pr�sent d�cret entreront en application d�s sa
publication et au fur et � mesure de l'implantation de la r�forme. |
L'introduction du cr�ole devait �tre l'enjeu principal de la r�forme en
�ducation. Mais l'�tat ha�tien n'introduisit le cr�ole comme langue
d'enseignement et comme discipline qu'en 1982 par un d�cret minist�riel, puis
comme langue officielle, � c�t� du fran�ais, dans la Constitution de 1987. La
r�forme de 1979 peut �tre pr�sent�e sommairement par le tableau
suivant:
Niveau |
Objectifs |
Premier cycle
Quatre ans: 6 � 9 ans |
Alphab�tisation
dans la langue cr�ole. |
Deuxi�me cycle
Deux ans: 10 � 11 ans |
Orientation et
approfondissement des exp�riences.
Initiation � la langue fran�aise (orale et �crite). |
Troisi�me cycle
Trois ans: 12 � 14 ans |
Approfondissement
du fran�ais et initiation aux langues vivantes �trang�res.
Orientation: fili�re classique et fili�re technique/professionnelle. |
Au cours du premier cycle du primaire (quatre ans), l'�l�ve
re�oit en principe, si l'horaire est respect�, 752 heures d'enseignement du fran�ais
et 763 heures d'enseignement du cr�ole. Au total, 1515 heures devraient
�tre consacr�es � l'enseignement des deux langues.
 |
C'est depuis cette �poque que le cr�ole est devenu obligatoire dans les
quatre premi�res ann�es du primaire. �videmment, ce n'est pas le statut de la langue
fran�aise qui �tait responsable de la mauvaise qualit� du syst�me d'�ducation,
mais bien l'�tat ha�tien. Dans les trente ann�es qui ont suivi la r�forme, le taux d'analphab�tisme est
demeur� stable. En 2001, le pr�sident Aristide annon�a une nouvelle
campagne d'alphab�tisation, mais elle ne vit jamais le jour. Le
livre Le cr�ole ha�tien de poche de l'�diteur Assimil n'est
pas utilis� dans les �coles, mais la seule parution de l'ouvrage t�moigne de la
vitalit� de cette langue. Dans la m�me collection, il existe aussi
Le cr�ole guadeloup�en, Le cr�ole martiniquais, Le cr�ole
guyanais, Le cr�ole cap-verdien, Le cr�ole mauricien, Le cr�ole
r�unionnais, sans oublier Le cr�ole sans peine.
Malgr� les mesures prises par le
gouvernement, la pratique qui r�gissait l'in�galit� des chances pour l'acc�s �
l'�cole n'a jamais chang�. Les �lites ha�tiennes ont toujours utilis� l'�cole
comme instrument de reproduction des in�galit�s sociales. Le fait d'enseigner le cr�ole dans les �coles n'a
donc pas modifi� la situation.
Au lieu d'alphab�tiser un petit nombre d'enfants, il suffisait maintenant de
dispenser un enseignement � un plus grand nombre de fa�on � s�lectionner parmi
les meilleurs �l�ves pour continuer � renforcer la classe de l'�lite. C'est � se demander
si les divers gouvernements qui se sont succ�d� n'ont jamais d�sir�
autre chose que de maintenir leur peuple dans un �tat permanent d'ignorance. |
Quoi qu'il en soit, apr�s la chute de Jean-Claude Duvalier en 1986, la r�forme
de l'�ducation fut
mise en quarantaine pour �tre appliqu�e de nouveau en 1992, avant d'�tre g�n�ralis�e �
partir de 1995. En r�alit�, la plupart des �coles n'avaient pas appliqu� la
r�forme de 1979 au moment du d�part de Duvalier (1986). Les �lites avaient fui les ��coles
Jean-Claude�, qui appliquaient la r�forme, en raison de l'introduction du cr�ole
dans l'enseignement. De leur c�t�, la plupart des familles des classes
populaires ont cru que ladite r�forme constituait une fa�on pour les �lites de les
enfermer dans une sorte de �ghetto cr�ole� afin de r�duire toute possibilit� de
promotion sociale � leurs enfants. Encore en 2000, il �tait possible d'entendre
un enseignant dire � ses �l�ves: �Parlez en fran�ais ou taisez-vous.� Plus
encore: �Vous n'avez pas honte de parler en cr�ole?� Et encore aujourd'hui, le
cr�ole est interdit dans certaines �coles priv�es.
En Ha�ti, le fait de ne parler que le cr�ole est un signe d'appartenance � une classe sociale
�inf�rieure�, mais pourvoir aussi s'exprimer en fran�ais est synonyme d'appartenance �
un statut social �sup�rieur�. Tous les Ha�tiens aspirent � parler le fran�ais, non
pas pour r�pudier leur cr�ole, mais pour devenir bilingues (cr�ole-fran�ais), sinon
trilingues (plus l'anglais ou l'espagnol), et acc�der ainsi � des postes ou �
des emplois mieux
r�mun�r�s.
- Les enseignants
Depuis le tremblement de terre, la moiti� des �coles du pays (de 10 000 � 12
000) ont �t� d�truites ou sont r�put�es dangereuses. Il faut aussi souligner la
situation
des enseignants, qui n'est pas nouvelle.
Avant le 12 janvier 2010, il y avait environ 20 000 enseignants
dans les �coles publiques du pays, dont 7000 � Port-au-Prince. Nous savons
maintenant que 38 000 �l�ves et 1300 enseignants sont d�c�d�s lors du s�isme.
Chose certaine, il y aura p�nurie, tant dans les
�coles publiques que priv�es. Pr�s de 70 %
des enseignants d�tiennent un niveau de scolarit� inf�rieur au brevet d'�tudes
primaires (�quivalant � la 4e secondaire). Dans
l'ensemble, la formation des enseignants du secteur priv� est meilleure que
celle observ�e dans le secteur public; et ceux qui enseignent dans les milieux urbains sont
mieux pr�par�s que ceux qui enseignent dans les �coles rurales. En g�n�ral,
les enseignants ne sont pas form�s pour instruire les enfants en cr�ole et ne
peuvent que difficilement l'�crire; dans les zones rurales, beaucoup
d'enseignants ma�trisent mal le fran�ais.
Signalons aussi que le salaire des
enseignants est g�n�ralement bas (entre 150 $ et 200 $US, soit 110 � 145 euros
par mois au primaire), insuffisant (ce qui correspond au salaire national moyen)
et souvent pay� en retard (trois mois, six
mois, jusqu'� un an), ce qui n'aide gu�re � attirer les candidats qualifi�s. Les
enseignants du secteur public re�oivent un salaire sup�rieur � ceux du
secteur priv�; par contre, ces derniers sont pay�s r�guli�rement. On constate
que de nombreux enseignants travaillent � la fois dans le public et le
priv�, de fa�on � profiter des avantages des deux syst�mes, une meilleure
r�mun�ration dans l'un et une r�mun�ration r�guli�re dans l'autre, ce qui
engendre des probl�mes de non-disponibilit�, c'est-�-dire d'absences p�riodiques
des professeurs dans les �coles.
La formation inad�quate des enseignants ainsi que la modicit� et
l�irr�gularit� des salaires repr�sentent des probl�mes importants dans le
syst�me scolaire ha�tien. Le recrutement des enseignants manquent aussi de
rigueur, ce qui occasionne une formation relativement faible du personnel
enseignant. En effet, au niveau primaire, seuls 15 % des ma�tres poss�dent les
qualifications des enseignants de base (y compris les dipl�mes universitaires),
et pr�s de 25 % n'ont jamais fr�quent� l'�cole secondaire. Grosso modo, 75 % des
enseignants n�ont eu de formation ad�quate.
- Les �tudes sup�rieures
En ce qui a trait aux �tudes sup�rieures, l'article 211
de la Constitution pr�cise que le fonctionnement de tout �tablissement doit �tre soumis � l'approbation technique du Conseil de l'Universit�
d'�tat et � une participation majoritaire ha�tienne au niveau du corps professoral ainsi qu'� l'obligation d'enseigner
�en langue officielle du pays� (sans en mentionner aucune d'elles):
Atik 211
Konse�y iniv�site
Leta Ayiti dwe bay Konsantman teknik li anvan Leta otorize moun
louvri Iniv�site ak lek�l sipery� prive. F�k se ayisyen plis ki gen
k�b dey� nan sa epi f�k se yo menm plis tou ki pwofes�. Se sitou nan
lang ofisy�l peyi a lek�l konsa f�t pou yo anseye.
Atik 213
Yo kreye Akademi Ayisyen. Li gen
misyon pou li bay lang Krey�l la jar�t pou li fikse epi pou li ba li
tout mwayen lasyans pou li devlope n�mal. |
Article 211
L'autorisation de fonctionner des
universit�s et des �coles Sup�rieures priv�es est subordonn�e �
l'approbation technique du Conseil de l'Universit� d'�tat, � une
participation majoritaire ha�tienne au niveau du Capital et du Corps
Professoral ainsi qu'� l'obligation d'enseigner notamment en
langue officielle du pays.
Article 213
Une Acad�mie ha�tienne est
institu�e en vue de fixer la langue cr�ole et de permettre son
d�veloppement scientifique et harmonieux.
|
Dans les faits, la langue officielle dont il s'agit ici
est le fran�ais, pas le cr�ole, l'autre langue officielle. Manifestement, les
r�dacteurs de la Constitution n'ont pas vu l'incoh�rence de cette
disposition. Seuls 1,2 % des Ha�tiens peuvent s�engager dans des �tudes sup�rieures.
L'Universit� d'�tat d'Ha�ti (UEH) est la seule institution nationale
publique d'enseignement sup�rieur dans le pays. Elle ne dispense que des dipl�mes de baccalaur�at. La
plupart des professeurs d'universit� sont form�s dans des universit�s
�trang�res (surtout en France, au Qu�bec ou aux �tats-Unis).
Dans tout le territoire, cette universit� rassemblait, avant le s�isme du 12
janvier 2010, plus de 20 000 �tudiants, 1500 enseignants et 800 agents et cadres
administratifs. La r�gion m�tropolitaine demeure le si�ge de l'administration
centrale et de onze unit�s d'enseignement et de recherche. Le Cap-Ha�tien
h�berge l'unique facult� de l'UEH en province, alors que six autres villes sont
dot�es d'une �cole de droit. L'Universit� ne survit que gr�ce � des partenaires
�trangers, dont l'ACDI, l'Universit� Laval (Qu�bec) et l'Universit� de Montr�al.
Les �tudiants sont admis � la suite d'un concours: ils sont s�lectionn�s �au
m�rite�. Depuis le s�isme, le tiers des �tudiants n'est jamais revenu �
l'universit�. La plupart des locaux de l'universit� ont �t� d�truits par le
tremblement de terre du 12 janvier 2010. On a m�nag� des abris temporaires
(tentes).
Jusqu'en 1986, l�Universit� d'�tat d'Ha�ti demeurait la seule universit� du
pays. Depuis une trentaine d'ann�es, de nombreuses institutions priv�es se sont
autoproclam�es �universit�s� � Port-au-Prince, dans le but de r�pondre � la
demande croissante des bacheliers. Dans ces conditions, il devient difficile de
parler d'��ducation nationale�, car le gouvernement n�a jamais encore r�ussi �
centraliser ni � planifier l'enseignement sup�rieur.
En 2012, le
syst�me universitaire comptait seulement 50 000 �tudiants pour un
pays de huit millions d�habitants, ce qui repr�sente 1 % des Ha�tiens �g�s de 18
� 24 ans.
Par ailleurs, devant l'inefficacit� de l'�tat ha�tien, qui
demeure incapable de soutenir et de coordonner les universit�s toutes
sous-financ�es, celles-ci ont �labor� diverses formes de partenariats avec des
�tablissements d'enseignement sup�rieur situ�s en France, au Canada ou aux
�tats-Unis. Ces partenariats consistent essentiellement � envoyer des
�tudiants ha�tiens boursiers, pendant quelques ann�es, dans les pays du Nord.
Faute de ne pouvoir former ad�quatement des �tudiants � Ha�ti,
cette forme d'�externalisation� des services d'enseignement sup�rieur �
l'�tranger est apparue comme une solution pratique et apparemment peu co�teuse.
Le probl�me, c'est que cette �politique de coop�ration� entra�ne l��migration de
85 % des dipl�m�s ha�tiens qui, apr�s la fin de leur s�jour � l'�tranger, ne
reviennent pas en Ha�ti.
6.4 Les m�dias
L'article 40 de la Constitution porte sur la question des m�dias, ou plut�t de
la publicit�. L'�tat s'engage � diffuser � la fois en fran�ais et en
cr�ole les informations relevant de la vie de l'�tat:
Atik 40
Leta f�t pou li pran radyo, jounal,
televizyon pou esplike popilasyon an, an krey�l ak an
franse, tout lwa, tout arete, tout dekr�, tout ak� ent�nasyonal, tout
trete, tout kovansyon ki kons�nen
lavi nasyon an. S�l sa ki pa ladan li, se enf�masyon ki kapab mete
sekirite lavi nasyon an. |
Article 40 Obligation est faite � l'�tat de donner publicit� par voie de presse parl�e, �crite et t�l�vis�e, en langues cr�ole et fran�aise aux lois, arr�t�s, d�crets, accords internationaux, trait�s, conventions, � tout ce qui touche la vie nationale, exception faite pour les informations relevant de la s�curit� nationale. |
Dans les m�dias, le cr�ole est la langue la plus utilis�e
� la radio. C'est l'un des rares domaines o� la progression
du cr�ole a connu un v�ritable succ�s. Dans les ann�es
soixante, la presque totalit� des stations de radio diffusaient
en fran�ais. La situation s'est compl�tement invers�e.
Parmi la cinquantaine de stations radiophoniques � les stations de radio
ha�tiennes sont
g�n�ralement petites et de faible rayon de diffusion, mais elles sont tr�s
nombreuses �, la plupart ne diffusent qu'en cr�ole, m�me dans
la capitale, Port-au-Prince. Si la majorit� des stations portent un nom fran�ais (parfois en
cr�ole), c'est le cr�ole qui domine les ondes:
Radyo Atlantik (Cap-Haitien),
Radio 4VEH (Cap-Ha�tien: fran�ais-anglais), Radio Nirvana (Cap-Ha�tien),
Radio Lumi�re (Cap-Ha�tien), Radio Gamma (Fort-Libert�), Radio V�nus
FM (Cap-Ha�tien), Radio T�l� Paradis (Cap-Ha�tien), Radio Vision 2000
(Cap-Haitien), Radio Sans Souci FM (Cap-Ha�tien), Radio Papillon (Gona�ves),
Radio Media 89 (Saint-Marc), Radio Centrale (Liancourt), Radio Jupiter Plus
(Liancourt), Radio Provinciale (Gona�ves), RTC-Radio T�l�-Caleb (Saint-Marc),
Radyo LeveKanpe (Hinche), Radio Super Gemini (Saint-Marc), Radio Delta
Stereo (Saint-Marc), Radio Sonic Plus (Saint-Marc), Radio T�l�-Express (Jacmel),
Radio Vision 2000 (Jacmel), Radio N�gritude (Jacmel),
Radio Hispaniola (Jacmel), Radio Shekina (Les Cayes), Radio Vibration (Les
Cayes), Radio Macaya (Les Cayes), Kiskeya|on
FM (Port-au-Prince), Radyo Ginen (Port-au-Prince), Radio-M�tropole
(Port-au-Prince), Radio Lakansy�l (Port-au-Prince), Voix de l'Esp�rance
(Port-au-Prince), Radio One ( P�tionville), Radyo Timoun (Port-au-Prince),
Radio Nouvelle G�n�ration (Port-au-Prince), M�gastar (Port-au-Prince), Radio Soleil (Port-au-Prince), Radio Balade
(Port-de-Paix), etc.
Aucune station de radio n'est unilingue fran�aise, mais
certaines diffusent en fran�ais et en espagnol (Radio-M�tropole), d'autres
en fran�ais et en anglais (Radio Lumi�re FM). Il est possible aussi de
syntoniser des stations internationales au moyen de satellites: Radio-France
Internationale (RFI), Radio-Canada, La Voix de l'Am�rique, Radio-Havana,
etc.
Quant � la t�l�vision, c'est le fran�ais et
l'anglais qui dominent,
et le cr�ole est bon dernier. Voici les principales stations de
t�l�vision:
Canal 11 4VTKT (Port-au-Prince), Galaxy 2 (Jacmel), PVS Antenne
16 (Port-au-Prince), T�l� Cara�bes (Port-au-Prince), T�l� Eclair
(Port-au-Prince), T�l� Express Continentale (Jacmel), T�l� Ha�ti
(Port-au-Prince), T�l� Ginen (Port-au-Prince), T�l� M�tropole
(Port-au-Prince), T�l� Smart (Hinche), T�l� Soleil (Port-au-Prince), T�l�
Timoun (Tabarre), T�l� Voix du Bonheur (Port-de-Paix), T�l�diffusion
Jacm�lienne (Jacmel), T�l�max (Port-au-Prince), T�l�vision Nationale
(Port-au-Prince), Trans-Am�rica (Gona�ves), TV Magik (Jacmel), TVA (Gona�ves).
Il existe en Ha�ti une pr�dominance de l'anglais, laquelle s'explique par le fait que la majorit� des cha�nes
de t�l�vision priv�es diffusent des �missions am�ricaines. En Ha�ti, du fait que
la plupart des villages n'ont pas d'�lectricit�, la t�l�vision ne constitue
gu�re un moyen de communication tr�s utilis� par la
majorit� de la population. Par contre, la radio, qui fonctionne ordinairement avec des piles,
demeure un instrument privil�gi� de communication pour les masses.
La presse �crite est tr�s majoritairement en langue fran�aise.
Les quotidiens tels que Le Matin et Le Nouvelliste ne paraissent
qu'en fran�ais. Parmi les revues, hebdomadaires et mensuels (Ha�ti en
Marche, Ha�ti Observateur, Ha�ti Progr�s, Le Messager du
Nord-Ouest, Le Moniteur, L'Union, etc.), quelques rares journaux
sont publi�s en cr�ole. Citons, entre autres, Jounal Lib�t�, Boukan, Bon Nouv�l, Sol�y Leve, etc.
Quelques p�riodiques consacrent r�guli�rement au cr�ole
une ou deux pages. Un p�riodique para�t en anglais, le Haitian Times.
6.5 L'affichage
 |
La libert� compl�te d'expression et d'usage r�gne
dans le domaine de l'affichage en Ha�ti. Les pratiques sont r�parties
de fa�on fonctionnelle. L'affichage des �difices gouvernementaux
ne para�t qu'en fran�ais. Les �difices et organismes
municipaux portent des inscriptions unilingues fran�aises dans la
capitale (Port-au-Prince) et parfois bilingues (fran�ais-cr�ole)
dans les villes de provinces. La monnaie, les timbres, la toponymie et
la signalisation routi�re sont �galement en fran�ais.
La diversit� est tr�s grande en ce qui concerne l'affichage
commercial. Les grands magasins et les grandes entreprises de la capitale
affichent seulement en fran�ais, les moyennes entreprises en fran�ais
et en cr�ole, les petites en cr�ole. Les entreprises d'import-export
et toutes les entreprises faisant du commerce international utilisent l'anglais
et le fran�ais, de m�me que les boutiques pour touristes; c'est
donc dire que le trilinguisme est relativement fr�quent en Ha�ti,
particuli�rement dans la capitale. Cependant, on peut aussi trouver des affiches
unilingues anglaises � Port-au-Prince.
Photo: Whereislarry.com (http://www.whereislarry.com/haiti.htm). |
7 La loi sur l'Acad�mie du cr�ole ha�tien
L'article 213 de la
Constitution ha�tienne
de 1987 avait pr�vu la cr�ation d'une Acad�mie
ha�tienne afin de normaliser la langue cr�ole et de permettre son
d�veloppement scientifique et harmonieux. Ce n'est qu'en d�cembre 2012 que le
S�nat a adopt� la Loi portant cr�ation de
l'Acad�mie du cr�ole ha�tien, puis la Chambre des d�put�s a fait de m�me
en avril 2013. Apr�s avoir fait objection durant un an en raison de
l'absence d�une version fran�aise de la loi, le pr�sident Michel Martelly a
finalement sign� le 20 mars 2014 l'avis de promulgation de la loi dans le
journal officiel Le Moniteur. Cette loi risque de modifier
consid�rablement la politique linguistique du gouvernement d'Ha�ti.
L'article 6 de la Loi portant
cr�ation de l'Acad�mie du cr�ole ha�tien en donne ici les obligations
concernant l'�tat ha�tien:
Article 6
(traduction) L'Acad�mie du cr�ole ha�tien
remplira toutes les fonctions suivantes :
a) Prendre toutes les dispositions pour
que toutes les institutions publiques et priv�es fonctionnent dans la langue cr�ole selon les
principes, les r�gles et le d�veloppement de la langue cr�ole;
b) Prendre toutes les dispositions pour encourager les institutions et
les individus qui �crivent la langue cr�ole � suivre les r�gles
de la langue;
c) Prendre toutes les dispositions pour aider la population ha�tienne
� obtenir tous les services n�cessaires dans la langue cr�ole;
d) Prendre toutes les mesures pour soutenir et encourager
la
fonction publique � que ce soit le pouvoir ex�cutif, le pouvoir
l�gislatif ou le pouvoir
judiciaire � � respecter les dispositions linguistiques de la
Constitution. e) Servir de r�f�rence
pour la langue cr�ole en ce qui concerne la standardisation de la
langue, que ce soit en Ha�ti ou dans les autres pays o�
vivent des Ha�tiens;
f) Faire tout ce qui est n�cessaire pour
que Ha�ti soit un chef de
file mondial pour les cr�olophones.
|
Ce genre de dispositions devrait changer compl�tement la
donne de la politique linguistique en Ha�ti, car toute la fonction publique
devra pouvoir fonctionner en cr�ole non seulement � l'oral (ce qui est d�j�
le cas), mais aussi � l'�crit. Une fois constitu�e, l�Acad�mie du
cr�ole ha�tien devra s'organiser pour que tous les fonctionnaires de l'�tat
re�oivent une formation dans la langue cr�ole dans un d�lai de trois ans,
ainsi que faire en sorte que toutes les lois du pays soient traduites en
cr�ole dans un d�lai ne d�passant pas trois mois, que le Parlement adopte
toutes les lois � la fois en cr�ole et en fran�ais dans un d�lai de six mois
et que l'�tat prenne des dispositions en vue de permettre � ses employ�s et
� son administration de pouvoir fonctionner en cr�ole, tant � l'oral qu'�
l'�crit. Le probl�me n'est pas l'emploi du cr�ole � l'oral, mais � l'�crit.
L'article 12 de la Loi portant
cr�ation de l'Acad�mie du cr�ole ha�tien comporte aussi des contraintes
concernant la politique linguistique sur le cr�ole lui-m�me, notamment en
mati�re de dictionnaire, de syntaxe, de terminologie, de glossaire, de
phonologie et d'orthographe :
Article 12
Dans la r�alisation de sa mission, l'Acad�mie du cr�ole ha�tien doit :
a) Assurer la reconnaissance publique des r�sultats des
recherches et de tout travail effectu� sur la langue cr�ole, qu'il
s'agisse d'inventaires, de dictionnaires, d'�tudes sur la syntaxe,
de
terminologie, de lexique, de phonologie, de r�gles d'orthographe et tout
instrument pertinent sur la langue cr�ole;
b) �mettre des recommandations sur des enqu�tes et des travaux �
ex�cuter
sur la langue cr�ole, par exemple des inventaires, des dictionnaires, des
recherches
sur la syntaxe, la terminologie, le lexique, la phonologie, les
r�gles d'orthographe et tout autres outils important pour la langue;
c) Offrir des conseils et servir de r�f�rence sur les
questions touchant la langue cr�ole;
d) Formuler des recommandations sur le bon usage de la langue cr�ole et sur les travaux �
poursuivre pour que la langue cr�ole continue d'�tre au service de
la population ha�tienne en mati�re de
d�couverte, de cr�ation et de production orale et �crite;
e) Prendre les d�cisions n�cessaires sur les questions concernant la mission
de l'Acad�mie du cr�ole ha�tien.
|
Au final, pour exister, cette acad�mie devra b�n�ficier d'un
budget suffisant afin de mener � bien sa mission d�crite � l'article 11 de
la Loi portant cr�ation de l'Acad�mie du cr�ole
ha�tien, dont notamment :
- faire tout le n�cessaire pour
promouvoir la production en langue cr�ole;
- encourager les exp�riences du peuple ha�tien en mati�re de recherche,
de
cr�ation, de production en cr�ole, � l'oral comme � l'�crit;
- faire tout le n�cessaire pour assurer un grand prestige et un tr�s
haut rayonnement du cr�ole aupr�s du peuple ha�tien et
� d'autres populations dans le monde;
- faire en sorte que les institutions de l'�tat appliquent la
Constitution en publiant tous les documents officiels dans la langue cr�ole;
- favoriser les travaux sur l'�laboration d'outils tels que
des grammaires, des dictionnaires et des glossaires dans tous les
domaines;
- encourager et proposer des travaux de recherche de haute valeur
sur la langue cr�ole;
- intervenir pour que les institutions r�gionales utilisent la langue
cr�ole � des fins d'int�gration de la population cr�olophone.
Encore une fois, l'Acad�mie ne pourra remplir sa mission
qu'avec l'aide d'un budget substantiel, ce qui n'est pas acquis.
Manifestement, l'�tat ha�tien n'a pas d'argent pour une question aussi
triviale que... la langue. Pour nombre d'Ha�tiens, l'entretien et les co�ts
d'une acad�mie de la langue cr�ole ne constituerait gu�re une priorit�. Il
est probable que l'�tat ha�tien n'aura pas les ressources
financi�res pour mettre en �uvre l'Acad�mie du cr�ole ha�tien, c'est-�-dire
entretenir un �difice avec du personnel administratif, une biblioth�que, des
traducteurs, des juristes, etc. Dans les conditions actuelles de l'�conomie
ha�tienne, l'�tat ne pourrait pas se permettre de d�penser une seule gourde pour cette
entreprise au demeurant l�gitime.

Ha�ti est un �tat officiellement bilingue. Ce bilinguisme
est toutefois encore tr�s in�gal, sinon d�s�quilibr�
dans certains r�les sociopolitiques. Malgr� son statut de
langue officielle, le cr�ole n'appara�t pas davantage comme
un idiome prestigieux. Il est m�me difficile de parler de diglossie pour Ha�ti dans
la mesure o� la r�partition in�gale des langues n'est
pas assur�e par l'ensemble de la soci�t�. Celle-ci n'est pas une soci�t� bilingue (moins de 10
%), mais l'�tat l'est, de m�me qu'une petite �lite.
Autrement dit, Ha�ti est un pays juridiquement bilingue, mais socialement
unilingue. Il s'agit d'un bilinguisme qui favorise ind�ment le
fran�ais aux d�pens du cr�ole, langue de l'immense
majorit� de la population. Au sein de l'�tat, le bilinguisme
reste non seulement d�s�quilibr�, mais symbolique. Rappelons qu'il n'existe
m�me pas de version officielle de la Constitution en cr�ole. Bref, Ha�ti, comme bien d'autres pays d'Afrique
francophone, est rest� � un stade colonial dans sa politique linguistique, mais avec cette diff�rence que
tout le pays parle une m�me langue, le cr�ole.
Ha�ti pourrait cependant se doter d'une v�ritable
politique linguistique, qui reconna�trait une place r�elle au cr�ole tout en menant parall�lement
�le combat� de la Francophonie. Pour ce faire, la politique linguistique
ha�tienne devrait viser un bilinguisme �quilibr�, ainsi que la r�conciliation
des diff�rentes forces sociopolitiques nationales. � l'heure actuelle, la
politique linguistique ha�tienne ne concorde pas avec la Constitution qui a
formellement reconnu le cr�ole comme l'une des deux langues officielles d'Ha�ti.
Ce n'est donc pas un �pays bilingue� puisque seule une fraction de la population
peut l'�tre, c'est-�-dire environ 10 % des Ha�tiens. Non seulement il y a trop
d'unilingues cr�olophones, mais l'�tat ne pratique pas lui-m�me une v�ritable
dualit� linguistique. Il est vrai que le bilinguisme r�el entra�nerait des co�ts
�lev�s pour un pays aussi pauvre. C'est pourquoi les dispositions de la
Loi portant cr�ation de l'Acad�mie du cr�ole
ha�tien de 2014 peuvent prendre des ann�es avant d'atteindre les effets
escompt�s.
Avant
toute chose, il faudra quand m�me r�gler � tout prix la plus grande difficult� : le fait que plus
de 70 % de la
population ha�tienne, parlant et comprenant uniquement le cr�ole, soit analphab�te.
Le pays �prouvera toujours de graves probl�mes tant qu'il n'aura pas trouv� une
solution � cette grande in�galit� sociale.
Il faut tout de m�me admettre que, face � la pauvret� end�mique qui ronge le pays, les questions
linguistiques ne font pas le poids. Comment pourrait-il en �tre autrement? Une
fois le pain et le beurre acquis, on peut passer � autre chose. Et l'�tat
d'Ha�ti n'est pas rendu l�.
Derni�re r�vision
en date du
17 mai 2025
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