R�publique bolivarienne du Venezuela

Venezuela

(3) La politique de valorisation de l'espagnol


La politique linguistique du Venezuela � l'�gard de l'espagnol, appel� g�n�ralement �castillan�, est extr�mement simple et tr�s ais�e � appliquer: c'est le tout-castillan (ou le tout-espagnol), sauf pour les mesures pr�vues � l'�gard des indig�nes. Dans ce pays, tout se d�roule exclusivement en espagnol: la vie parlementaire, l�administration publique, la justice, l��ducation, les affaires, les m�dias, la religion, les loisirs, la culture, etc. C�est un pays massivement unilingue espagnol. Cet �tat de fait semble conforme � l'article 9 de la Constitution de 1999, qui d�clare que �la langue officielle est le castillan� (�El idioma oficial es el castellano�). La politique linguistique du Venezuela se limite pour l'essentiel � l'�ducation et la r�forme de l'enseignement.

1 Le domaine de l'�ducation

Depuis son accession au pouvoir, en f�vrier 1999, Hugo Chavez a entrepris une r�forme de l�enseignement sans pr�c�dent dans l�histoire bicentenaire du pays en d�non�ant les �pratiques corrompues� et les �iniquit�s�, et en stigmatisant le r�le d�une �oligarchie� constitu�e par les classes privil�gi�es et par l��glise accus�e de priver les pauvres de l��ducation. Le pr�sident Chavez a supprim� les droits d�inscription dans les �coles publiques, envoy� l�arm�e r�parer �coles et h�pitaux ou en construire de nouveaux dans les zones rurales, et lanc� un programme-pilote destin� aux enfants d�favoris�s, les �laiss�s-pour-compte�. Toutefois, l�ensemble du syst�me �ducatif du pays est traditionnellement d��une m�diocrit� notoire�; c'est pourquoi l�enseignement priv� est devenu la �voie de l�excellence�. Lors d�une visite au Venezuela en janvier 2001, le directeur g�n�ral de l�UNESCO (Ko�chiro Matsuura), a salu� les �s�rieux efforts� du Venezuela en faveur de l��ducation. Par exemple, les d�penses en �ducation atteignent aujourd�hui 6 % du PIB, contre une moyenne de 3,9 % dans les pays en d�veloppement. 

La Ley Org�nica de Educaci�n du 9 juillet 1980 (Loi organique sur l'�ducation) contient une disposition sur la langue. L'article 11 mentionne qu'il est interdit de publier des imprim�s incitant � la haine et � l'agressivit�, et �qui d�forment le langage et attentent aux valeurs saines du peuple v�n�zu�lien, la morale et les bonnes coutumes� (�deformen el lenguaje y atenten contra los sanos valores del pueblo venezolano�).  

L'article 107 de la Constitution, qui porte sur l'�ducation, stipule qu'�il est obligatoire d'enseigner avec respect la langue castillane dans les institutions publiques et priv�es, jusqu'au cycle diversifi�, ainsi que l'histoire et la g�ographie du Venezuela, et les principes de l'id�ologie bolivarienne�:   

Article 107

L'�ducation environnementale est obligatoire � tous les niveaux et toutes les modalit�s du syst�me d'�ducation, ainsi que dans l'instruction informelle des citoyens. Il est obligatoire d'enseigner avec respect la langue castillane dans les �tablissements publics et priv�s, jusqu'au cycle diversifi�, ainsi que l'histoire et la g�ographie du Venezuela, et les principes de l'id�ologie bolivarienne. 

Sur les 20 000 �coles primaires et secondaires du Venezuela, plus de 2000 ont �t� d�clar�es �bolivariennes�. Ces �coles proposent huit heures de classe par jour, des repas gratuits, des soins m�dicaux et du sport. Les symboles patriotiques y ont acquis �une valeur quasi religieuse�, chaque classe disposant de leur �espace Bolivar� orn� du drapeau, des paroles de l�hymne national et du portrait du h�ros de l�ind�pendance. Chaque matin, les �l�ves assistent au lever du drapeau et doivent se conformer aux �principes bolivariens� d�finis par la Constitution (2009). Afin d'am�liorer la situation du pays et de �cr�er une arm�e de patriotes�, les �l�ves des �coles secondaires doivent suivre une formation pr�militaire. Or, en janvier 2001, de nombreux parents (environ 5000) et enseignants ont d�fil� dans les rues de Caracas aux cris de �Chavez, touche pas � mes enfants�. Les V�n�zu�liens n'appr�cient gu�re l'id�ologie bolivarienne qui fait que les enfants subissent un �endoctrinement � la cubaine�. De leur c�t�, les intellectuels tournent en d�rision les tentatives de r��criture des manuels d�histoire pour promouvoir la pens�e du pr�sident Chavez. Un historien et enseignant r�put�, Guillermo Moron, d�clarait � ce sujet: �Chavez veut effacer toute une p�riode historique, celle qui s�est d�roul�e entre la fin de Bolivar et sa propre �lection � la pr�sidence.� Beaucoup de V�n�zu�liens croient plut�t que les enfants doivent apprendre � lire et � �crire avant tout. L'id�ologie actuelle, avec son caract�re anti-occidental, s�oppose en principe � l�id�e d�une transmission des valeurs universelles et du respect des autres cultures.

De plus, les syndicats d'enseignants ne semblent gu�re avoir appr�ci� le d�cret no 1011 du 14 octobre 2000 (Decreto Presidencial N� 1011 de 14 de octubre 2000), qui cr�ait une nouvelle cat�gorie d�inspecteurs p�dagogiques � "Supervisores Itinerantes Nacionales", les superviseurs nationaux itin�rants � dont les pouvoirs ont �t� renforc�s, notamment parce qu'ils ont la possibilit� de cong�dier des enseignants. L'article 2 du d�cret incorpore un nouvel article 201 accordant des pouvoirs discr�tionnaires au ministre de l'�ducation, de la Culture et des Sports:

Article 2

Il est ins�r� un nouvel article num�rot� 201, avec le texte qui suit:

�Article 201: Afin de garantir l'am�lioration de la qualit� du syst�me d'�ducation v�n�zu�lien et l'extension de son champ d'application, le ministre de l'�ducation, de la Culture et des Sports pourra �dicter les mesures administratives qu'il juge n�cessaires.�

Le d�cret no 1011 est accompagn� d'une �instruction� ("Instructivo del Decreto 1.011"), dont l'article 4 d�crit les fonctions des superviseurs de la fa�on suivante:

Article 4

Les fonctions des superviseurs itin�rants doivent s'�tendre sur tout le territoire de la R�publique.

Elles doivent �tre exerc�es aupr�s des organismes et des fonctionnaires des autres niveaux de supervision, des �coles, des �tablissements, des chaires et des services d'�ducation et de leur personnel, ainsi qu'aupr�s des communaut�s scolaires.

Pour le gouvernement, ces nouvelles dispositions sont consid�r�es comme indispensables pour lutter contre la corruption, mais les opposants croient plut�t que le d�cret sert surtout � �carter ceux qui refusent d�enseigner l�id�ologie anti-corruption, anti-�litiste et anti-imp�rialiste de Chavez.

La Loi organique sur la culture d'octobre 2001 vient compl�ter les principes de l'id�ologie bolivarienne. Le paragraphe 1 de l'article 15 proclame que �la d�fense des valeurs culturelles de la nation comporte la protection du castillan en tant que langue officielle�, sans porter atteinte � la protection des langues ancestrales des peuples indig�nes:

Article 15

1) La d�fense des valeurs culturelles de la nation comporte la protection du castillan en tant que langue officielle, sans porter atteinte � la protection des langues ancestrales des peuples indig�nes et au droit de ces communaut�s � leur utilisation officielle comme patrimoine culturel de la nation et de l'humanit�.

2) Est garanti le droit aux communaut�s d'�trangers r�sidant dans le pays l'utilisation leurs langues et de leurs dialectes nationaux. Le Conseil national de la culture favorisera l'�tude des langues �trang�res comme lien de fraternit� afin d'interagir avec les cultures des autres nations.

N�anmoins, il existe des possibilit�s d'ouverture aux autres langues dans l'enseignement des langues secondes. Le paragraphe 2 de l'article 15 �nonce justement cet enseignement �comme lien de fraternit� afin d'interagir avec les cultures des autres nations�.

Lorsque les �l�ves arrivent au secondaire, ils doivent obligatoirement apprendre une langue seconde. Ils choisissent g�n�ralement l�anglais, mais le fran�ais et le portugais leur sont aussi offerts. L�anglais appara�t parfois dans certaines raisons sociales d�entreprises �trang�res (am�ricaines). Pour le reste, ce pays est tellement hispanophone qu�un citoyen peu instruit pourrait ne jamais se rendre compte que d’autres langues existent sur la plan�te.

Il faudrait ajouter aussi les programmes d'alphab�tisation appel�s �missions�, qui correspondent � des structures parall�les � l'�tat. Le pr�sident Chavez a cr�� ces programmes �sociaux� malgr� l'opposition des fonctionnaires. La �mission Robinson� veille � enseigner les mati�res de l��cole primaire aux analphab�tes. Suit alors la seconde �tape, c'est-�-dire la �mission Robinson� et la � mission Ribas � responsables de de l��ducation au secondaire. Le processus se termine par la �mission Sucre� en vertu de laquelle le gouvernement esp�re que tous les �l�ves du secondaire pourront poursuivre leurs �tudes s�ils le veulent. L�aide de l'�tat pr�voit des subventions pour les personnes sans emploi.  Selon des statistiques officielles, � peine 27 % de la population d�munie peut acc�der � l�universit�.

Ces derni�res ann�es, trois �tudes entreprises par la Banque mondiale, la BID (Banque interam�ricaine de d�veloppement) et l'UNESCO ont d�montr� des r�sultats d�cevants en mati�re d'�ducation au Venezuela. La Banque mondiale r�v�le que les tests de rendement scolaire du Venezuela se situent au dernier rang dans le groupe des pays de l'Organisation de coop�ration et de d�veloppement �conomiques (OCDE). L'�tude de la BID indique que, parmi tous les pays latino-am�ricains, le Venezuela se classe dans les derniers rangs, comme les pays du Sud-Est asiatique. Enfin, l'�tude de l'UNESCO rapporte que, sur une �chelle de 0 � 20, l'apprentissage des enfants se situe en moyenne � 10 pour l'ensemble du continent sud-am�ricain, mais que le Venezuela n'appara�t m�me pas dans ce score. En somme, l'�cole bolivarienne tra�nerait de la patte.

Pourtant, le gouvernement Chavez a accord� un r�le vital � l'�ducation qui doit d'abord servir � l'�mancipation du peuple v�n�zu�lien. Ainsi, entre 2001 et 2005, l'�ducation a vu son budget augmenter de 288 % pour constituer aujourd'hui 15 % des d�penses totales de l'�tat. D'une part, le pr�sident Chavez a voulu rembourser la �dette sociale� accumul�e sous les administrations pr�c�dentes, d'autre part, l'id�ologisation excessive de l'�ducation a un co�t, notamment par la �participation citoyenne� et la �responsabilit� conjointe�. Le syst�me d'�ducation bolivarien, en �tant contre toute forme de discrimination et de domination �conomique entre les individus et les classes sociales, aurait eu aussi pour cons�quence de rabaisser le niveau national de l'�ducation.

2 Le domaine des m�dias

Les m�dias, surtout �lectroniques (radio et t�l�vision), font aussi l'objet d'une politique de valorisation de la langue  officielle, mais de fa�on moins intensive que pour l'�ducation. Tout diffuseur, qui a obtenu un permis de diffusion au Venezuela, doit transmettre les informations en castillan. L'article 4 de la Loi sur la responsabilit� sociale � la radio, � la t�l�vision et dans les m�dias �lectroniques (2011) est pr�cis � ce sujet, y compris les cas d'exception:

Article 4

Parler local, langue, identit�, intensit� audible et hymne national


Les informations, qui sont diffus�es par les services de radio et de t�l�vision, doivent �tre en langue castillane, sauf :

1. Dans le cas des �missions devant public et en direct, culturelles et �ducatives; des �missions d'informations, d'opinion, de divertissements et de sports; et des �missions mixtes pr�sent�es dans des langues �trang�res et qui utilisent la traduction simultan�e orale en castillan.

2. Dans le cas des �uvres musicales.

3. Dans le cas des termes d'usage universel, qui ne supportent pas, entre autres, la traduction technique, scientifique et artistique.

4. Dans le cas des mentions de marques commerciales.

5. Pour tout autre cas autoris� par la Commission nationale des t�l�communications, en conformit� avec la loi.

Il n'est cependant pas interdit de diffuser des informations �trang�res (par exemple en anglais) en direct avec une traduction simultan�e en castillan ou des �uvres musicales (en anglais), ni d'employer des termes �trangers pour lesquels il n'y a pas de traduction, ni d'avoir recours � des marques commerciales (en anglais). Dans le cas de la musique, la loi oblige un quota de 50 % pour la diffusion d'�uvres musicales de tradition v�n�zu�lienne, dans lesquelles doit appara�tre �l'emploi de la langue castillane�. L'article 28 pr�voit m�me des sanctions, soit une amende de 1 % � 2 % des recettes brutes, pour les infractions � la loi, notamment pour ne pas avoir diffuser  l'hymne national v�n�zu�lien ou pour ne pas avoir utiliser le castillan ou une langue indig�ne:

Article 28

Sanctions

1)  Tout fournisseur de services de radio, de t�l�vision, de diffusion par abonnement, le cas �ch�ant, est passible d'une amende d'un (1 %) � deux pour cent (2 %) des recettes brutes acquises au cours de l'exercice budg�taire pr�c�dant imm�diatement celui auquel l'infraction a �t� commise, par:

a) Non-respect de l'obligation de diffuser l'hymne national, conform�ment � l'article 4 de la pr�sente loi.

b) Non-respect de l'obligation de diffuser des messages en castillan ou dans les langues indig�nes, comme il est pr�vu � l'article 4 de la pr�sente loi.

Ce type de l�gislation, d'inspiration nationaliste, est l'une des rares du genre en Am�rique latine. Il s'agit sans doute, pour les autorit�s v�n�zu�liennes, d'une autre politique �bolivarienne�.

Derni�re r�vision en date du 04 janv. 2024

Le Venezuela


(1) G�n�ralit�s & donn�es d�molinguistiques
 
(2) Donn�es historiques (3) Politique linguistique
de l'espagnol

(4) Politique linguistique
destin�e aux indig�nes

 
(5) Bibliographie Carte linguistique

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