Histoire du fran�ais
Chapitre 2


Clovis (466-511)

(2) La p�riode gallo-romane

La langue romane rustique

(La �lingua romana rustica�)

(VIe - IXe si�cle)


Plan du pr�sent article

1. La supr�matie franque et la germanisation du roman rustique
    La langue franque
    La germanisation du roman rustique
2. L'Empire carolingien et la naissance du plus ancien fran�ais
    Le concile de Tours (813)
    Les Serments de Strasbourg (842)
    Le trait� de Verdun

3. Les cons�quences linguistiques
    La fragmentation linguistique (dialectalisation)
    La d�marcation du latin au roman
    La germanisation du roman
4. L'�tat de la langue romane rustique
    Le phon�tisme roman
    Une grammaire simplifi�e
    L'�volution du vocabulaire

Les linguistes avancent le VIIIe si�cle comme la date (th�orique) indiquant le passage du latin au roman, mais il ne s'agit l� que d'une moyenne. La langue latine, avec ses diverses composantes, n'a pas chang� partout au m�me moment. Ces importantes transformations se sont �tendues, selon les r�gions, de la fin de l'Empire romain jusqu'� la premi�re moiti� du IXe si�cle. On peut consid�rer que les locuteurs du nord de la Gaule ont pris conscience de la coexistence de deux entit�s distinctes: le latin et les parlers vernaculaires courants, les langues d'o�l, un terme invent� par l'�crivain florentin Dante qui, dans De vulgari eloquentia (1303-1304), classa les langues romanes d'apr�s la fa�on de dire �oui� dans chacune d'entre elles: la langue d'o�l (le fran�ois�), la langue d'oc (l'occitan) et la langue de si (l'italien).
 

Texte original latin

Totum autem quod in Europa restat ab istis, tertium tenuit ydioma, licet nunc tripharium videtur; nam alii oc, alii o�l, alii s� affirmando locuntur, ut puta Yspani, Franci et Latini.

Traduction fran�aise

Tout ce qui reste en Europe, en dehors de ceux-ci, parla une troisi�me langue, commune bien qu'aujourd'hui r�partie en trois groupes: car les uns utilisent, comme particule affirmative, oc, les autres o�l, les autres s�, autrement dit les Espagnols, les Francs et les Latins.

On employait au singulier �langue d'o�l�, car, � cette �poque (IXe-XIIe si�cles), il s'agissait davantage de vari�t�s linguistiques mutuellement compr�hensibles que de langues distinctes. Durant tout le Moyen �ge, le mot �dialecte� ne fut jamais employ�, seul le terme �patois� est attest� pour d�signer un �parler incompr�hensible� ou un comportement jug� grossier. Ce sens p�joratif est rest� encore aujourd'hui pour d�signer une �langue� hi�rarchiquement inf�rieure. 

Si Dante ne s'est pas tromp� pour d�signer l'aire linguistique des langues italiennes, il a consid�rablement err� pour ce qui concerne les langues d'o�l et d'oc en France et en Espagne. N�anmoins, les termes o�l, oc et si utilis�s par Dante ont connu beaucoup de succ�s, bien que ces termes ne recouvrent pas les m�mes aires linguistiques ni les m�mes r�gions que pour nous. Dante n'�tait pas linguiste et il n'avait pas les connaissances qui se sont d�velopp�es depuis la fin du XIXe si�cle. On peut consulter aussi le texte �Les domaines d'oc, si et o�l, selon Dante� de MM. Jean Lafitte et Guilhem P�pin, en cliquant ICI, s.v.p.

1 La supr�matie franque et la germanisation du roman rustique

Au cours des VIe et VIIe si�cles, les diff�rents royaumes germaniques s'affaiblirent: les Ostrogoths furent conquis par les Romains d'Orient, puis par les Lombards; les Wisigoths �limin�rent les Su�ves avant d'�tre extermin�s � leur tour par les Francs au nord et par les Arabes en Espagne; les Vandales subirent le m�me sort en Afrique du Nord et les survivants furent islamis�s. Finalement, les Francs sortirent grands vainqueurs de ces affrontements en soumettant presque toute l'Europe romanis�e � l'autorit� de quelques monarques. Clovis, le roi des Francs (rex Francorum), de 466 � 511, combattit le dernier repr�sentant de l'autorit� romaine � Soisson en 486; il �tendit ses �tats de la Loire jusqu'au Rhin, puis se convertit au catholicisme et re�ut ainsi l'appui de ses sujets gallo-romans.

Clovis fut le premier roi � parler le germanique (et non plus le latin), plus pr�cis�ment le francique ripuaire, une situation qui ne prendra fin qu'avec Hugues Capet (en 987), dont le langue maternelle sera le �fran�ois�. N�anmoins, Clovis et ses soldats avaient une certaine connaissance du latin, car ils �taient familiers avec la discipline et l'administration romaines. Avec Clovis, commen�a la dynastie des M�rovingiens (< de M�rov�e, le grand-p�re de Clovis et troisi�me roi franc, qui aurait vaincu Attila le 20 juin 451, gr�ce � une coalition).

1.1 La langue franque

Le nombre r�duit des Francs (environ 5 %) par rapport � la population gallo-romane leur interdit d'imposer leur langue � tout le pays. Apr�s une p�riode de bilinguisme germano-latin, la plupart des colons francs se latinis�rent, mais pas l'aristocratie franque qui continua d'employer sa langue. Quant � de nombreux notables gallo-romans, ils apprirent la langue franque (ou francique) afin de communiquer avec les communaut�s franques install�es dans le Nord-Est demeur� germanophone.
 

Seuls ces �irr�ductibles�, habitant pr�s de la fronti�re linguistique des langues romanes et des langues germaniques, conserv�rent leur langue francique. Aujourd'hui, quatre formes de francique (voir la carte linguistique) sont parl�es en Moselle (no 57): le francique mosellan (dans le pays de Nied); le francique rh�nan (du bassin houiller jusqu'� l'Alsace); le francique ripuaire; le francique luxembourgeois (dans le pays thionvillois). Le francique parl� encore dans le nord-est de la France n'est pas celui des Francs (Clovis) qui ont fond� la France, car cette langue a disparu sans laisser de trace d�s le VIIe si�cle; elle s'est fondue dans le latin des Gallo-Romans, qui �tait sur le point de se transformer en une langue romane qui deviendra l'anc�tre du fran�ais.

Lorsqu'on observe la g�ographie linguistique de l'Europe, on constate que l'ancien territoire de la Francie occidentale co�ncide aujourd'hui avec une aire linguistique exclusivement romane (exception faite de la Bretagne et des provinces basques), soit les deux tiers de la France actuelle, ce qui prouverait l'assimilation de la langue franque.

En revanche, l'ancienne Francie orientale a maintenu la langue franque, le francique, puisque ce territoire correspond aujourd'hui � des pays germaniques tels que l'Allemagne, l'Alsace, la Suisse al�manique et l'Autriche. Dans l'ensemble du pays franc, les Francs romanis�s avaient d�laiss� leur langue d�s le VIIIe si�cle, tandis que l'aristocratie se vit dans l'obligation d'envoyer ses enfants � l'ext�rieur du pays pour leur faire apprendre la langue franque, qui n'�tait plus la lingua franca (au sens de �langue v�hiculaire�). Apr�s avoir �t� longtemps un territoire bilingue, l'�lite parlant une langue germanique, le peuple une langue latine, les Francs finirent par s'assimiler aux populations romanis�es.

N�anmoins, le francique des Francs a laiss� des vestiges linguistiques dans la France d'aujourd'hui. Le francique mosellan (ou francique lorrain) fait partie des parlers franciques de l'Ouest et est parl� aujourd'hui par environ 400 000 locuteurs dans le d�partement de la Moselle (n� 57), notamment dans la r�gion de Thionville. Quatre formes de francique sont parl�es en Moselle: le francique mosellan (dans le pays de Nied); le francique rh�nan (du bassin houiller jusqu'� l'Alsace); le francique ripuaire; le francique luxembourgeois (dans le pays thionvillois). N'oublions pas que cette r�gion est coup�e en deux par la fronti�re linguistique s�parant les langues romanes et germaniques. Le francique lorrain ou francique de Lorraine demeure donc une sorte de reliquat des Francs qui ont fond� la France.

Si la plupart des Francs ont perdu leur langue d�s le VIIIe si�cle, ils ont en m�me temps exerc� une influence profonde sur la langue rustique des populations locales, et par cons�quent, au fran�ais, en particulier dans le nord du pays franc.

1.2 La germanisation du roman rustique

La population gallo-romane (autochtone) parlait ce qu'on appelait � l'�poque la �lingua romana rustica�, c'est-�-dire la langue romane rustique, encore per�ue dans la conscience populaire comme du �latin�, un latin dit �vulgaire� (de vulgus : qui signifiait �peuple�) bien diff�rent de celui des si�cles pr�c�dents. Affranchie de toute contrainte, favoris�e par le morcellement f�odal et soumise au jeu variable des lois phon�tiques et sociales, cette langue romane dite rustique se d�veloppa spontan�ment sur son vaste territoire. Elle prit, selon les r�gions, des formes les plus vari�es. C'est ainsi que sortit du sol de l'ancienne Gaule romaine toute une floraison de parlers r�gionaux, subdivis�s en �patois�, c'est-�-dire des vari�t�s locales des langues n�o-latines.

Pendant que le latin �crit restait intact, les langues n�o-latines, qui allaient devenir le fran�ais, l'occitan, l'italien, l'espagnol, etc., se transform�rent lentement. C'est en ce sens qu'on emploie aujourd'hui l'expression �langues romanes�: issues du latin, elles se sont modifi�es en passant par le roman. Elles se sont distingu�es de plus en plus pour devenir distinctes (fran�ais, espagnol, italien, etc.) tout en conservant de nombreux �l�ments communs. Mais quelque 400 � 500 ans s�pareront le latin populaire du IVe si�cle du premier texte fran�ais (IXe si�cle) et encore davantage pour l'espagnol et l'italien. On peut consulter, d'une part, un tableau montrant une typologie historique des langues romanes, d'autre part, une carte des langues romanes. Dans le pays de Clovis, qui deviendra la France, la langue fran�aise n'existait pas encore. Elle ne sera attest�e qu'au IXe si�cle et portait alors le nom de �langue rustique�. C'est ainsi qu'elle �tait appel�e lors du Concile de Tours en 813 qui la pla�ait sur le m�me pied que la langue tudesque (theotisca), c'est-�-dire germanique.  

Mais la cohabitation linguistique du francique et du roman rustique entra�na de profonds bouleversements linguistiques. Ces changements sont d'ordre phon�tique, morphologique, syntaxique et lexical. De fait, les Francs donn�rent au roman rustique de nouvelles tendances phon�tiques en raison de leur accent nordique et de leur syst�me vocalique (�voyelles�) dans lequel les voyelles longues s'opposaient aux br�ves; cela portait les Francs � prononcer les voyelles romanes beaucoup plus fortement que ne le faisaient les populations autochtones. Celles-ci se h�t�rent d'adopter les nouvelles prononciations qui �taient socialement tr�s valoris�es. Les phon�mes prononc�s � la franque modifi�rent totalement la langue gallo-romane. Ce contact prolong� des langues romanes sur le territoire franc avec les langues germaniques fera en sorte que le fran�ais deviendra distinct de toutes les autres langues romanes. Ce sera la langue romane la plus germanis�e. Mais ce qui peut para�tre plus paradoxal pour nous, qui vivons au XXIe si�cle, c'est que les populations de l'�poque m�rovingienne croyaient parler encore le latin.

- La phon�tique

Par exemple, mentionnons l'introduction du [w] germanique qui fut trait� comme le [v] latin et devint une gutturale comme dans guerre (< francique werra), tandis que vastare passait � wastare puis � g�ter, vespa � wespa puis � gu�pe, et vipera � wispara puis � guivre (animal imaginaire � corps de serpent, � ailes de chauve-souris et � pattes de pourceau). Des mots latins comme huit (< octo), huis (< ostium, d'o� huissier), hermine (< arminia), hu�tre (< ostrea), etc., doivent leur [h] initial � une ancienne prononciation germanique utilis�e dans des mots comme hache, hotte, huche, haillons, hangar, h�ron, hareng, etc. Quelques diphtongaisons nouvelles sont aussi imputables � une influence germanique, dont l'habitude �tait notamment de prononcer plus �nergiquement les voyelles que les Gallo-Romans.

- La morphologie et la syntaxe

Au point de vue morphologique, les finales -and, -ard, -aud, -ais, -er et -ier sont d'origine francique, sans oublier un assez grand nombre de verbes en -ir du type choisir, jaillir, blanchir, etc. Soulignons que l'influence germanique s'exer�a consid�rablement sur les noms de lieux (Criquebeuf, Elbeuf, Caudebec, Honfleur, Trouville, etc.) ou de personnes en raison de la p�n�tration politique.

De plus, la syntaxe germanique exer�a �galement une influence assez importante, comme l'atteste le fait de faire placer le sujet apr�s le verbe lorsqu'un compl�ment ou adverbe pr�c�de celui-ci. Par exemple, l'endemain manda le duc son conseil pour le duc appela le lendemain son conseil. Tous ces faits illustrent que la germanisation de la �langue romane rustique� fut tr�s consid�rable au point o� les langues d'o�l prendront des aspects tr�s diff�rents des autres langues issues du latin, notamment au sud o� les langues occitanes sont rest�es plus pr�s du latin. 

- Le vocabulaire

L'influence du francique fut consid�rable sur les parlers romans de cette �poque. Les historiens de la langue affirment souvent que le fran�ais ne doit au francique que quelques centaines de mots.  Henriette Walter en d�nombre exactement 544, ce qui repr�sente 13 % de tous les mots �trangers introduits dans le fran�ais, notamment dans les domaines de la guerre, l'ornementation, la nourriture, l'agriculture, etc., sans oublier les adjectifs de couleurs (bleu, gris, brun, blanc) et de quantit� (gu�re, trop, etc.). Nous y reviendrons plus loin (cf. 3.2)

2 L'Empire carolingien et la naissance du plus ancien fran�ais

Lorsque le royaume des Francs passa aux mains de Charlemagne en 760 (dynastie des Carolingiens (latin: Carolus), celui-ci entreprit la r�implantation de l'ancien Empire romain. Il y r�ussit presque en Occident: lui �chapp�rent la Grande-Bretagne et l'Espagne, qui demeur�rent respectivement aux mains des Anglo-Saxons et des Arabes. Ses tentatives pour r�unir l'Empire d'Orient (appel� Empire byzantin) �chou�rent. Lorsqu'il se fit couronner empereur du Saint Empire romain germanique � en latin: Sacrum Romanorum Imperium Nationis Germanicae; en allemand: Heiliges R�misches Reich Deutscher Nation � en d�cembre 799, son royaume s'�tendait du nord de l'Espagne jusqu'aux limites orientales de l'Allemagne actuelle, de l'Autriche et de la Slov�nie (voir la carte de l'empire de Charlemagne).

L'unification politique r�ussie par Charlemagne ne dura pas assez longtemps pour que celui-ci imposa dans tout son empire le francique rh�nan, sa langue maternelle (et la langue locale de sa r�gion de naissance), et probablement la langue courante � la cour carolingienne (mais en concurrence certaine avec le latin). L'�poque de Charlemagne se remit aux �tudes latines. Les clercs et les lettr�s d�vor�rent, copi�rent massivement et pill�rent litt�ralement les classiques romains. Dans les faits, la population ne comprenait plus le discours de l'�glise ni celui du pouvoir royal.

Des centaines de mots latins furent emprunt�s par les contemporains de Charlemagne, eux qui parlaient la langue romane rustique, mais n'�crivaient (pour ceux qui pouvaient le faire) qu'en �latin d'�glise�. Durant plusieurs si�cles, les parlers romans furent rejet�s au profit du latin classique (emprunts) et du latin eccl�siastique (�criture). Les rares lettr�s pratiquaient une sorte de bilinguisme dans la mesure o� ils parlaient la langue romane rustique de leur r�gion, communiquaient entre eux par le latin r�appris et v�n�r�. 

2.1 Le concile de Tours (813)

On sait que, lors du concile de Tours de 813, l'�glise catholique eut � choisir entre le caract�re sacr� du latin et le besoin de compr�hension des fid�les. � cette �poque, le latin �tait consid�r� comme une langue �divine�, comme le grec et l'h�breu, alors que chez les musulmans c'�tait l'arabe coranique. Toutes les autres langues �taient per�ues par les autorit�s comme des dialectes issus de la tour de Babel. Finalement, l'�glise catholique choisit la compr�hension:
 

Texte original

Visum est unanimitati nostrae, ut quilibet episcopus habeat omelias continentes necessarias ammonitiones, quibus subiecti erudiantur, id est de fide catholica, prout capere possint, de perpetua retributione bonorum et aeterna damnatione malorum, de ressurrectione quoque futura et ultimo iudicio et quibus operibus possit promereri beata vita quibusve excludi.

Et ut easdem omelias quisque aperte transferre studeat in rusticam Romanam linguam aut Thiotiscam, quo facilius cuncti possint intellegere quae dicuntur.

Traduction fran�aise

Nous avons d�cid� � l'unanimit�, que tout �v�que tienne des hom�lies contenant les avertissements n�cessaires � l'instruction de ses fid�les, notamment au sujet de la foi catholique, dans la mesure o� ils sont capables de la comprendre, au sujet de l'�ternelle r�tribution des bons et de l'�ternelle damnation des mauvais, et �galement au sujet de la r�surrection future et du jugement dernier, et par quels actes ils peuvent m�riter la vie bienheureuse, et par quels actes ils peuvent en �tre exclus.

Et que chacun d'eux s'efforce de traduire ces m�mes hom�lies en langue rustique romane ou tudesque, afin que tous puissent plus facilement comprendre ce qui est dit.

L'�glise ordonna ainsi aux pr�tres de faire leurs hom�lies ou leurs pr�nes de mani�re � ce que le peuple puisse les comprendre, car les fid�les ne comprenaient plus la langue des lettr�s et des clercs. Ainsi, dans le canon 17, les �v�ques rassembl�s par Charlemagne d�cid�rent que les hom�lies ne devaient plus �tre prononc�es en latin, mais en �rusticam Romanam linguam aut Theodiscam, quo facilius cuncti possint intellegere quae dicuntur�, autrement dit en �langue rustique romane� ou en �langue tudesque� (germanique), selon le cas. On peut lire les exemples qui suivent :
 

- Qu'� aucun dimanche et aucune f�te ne manque quelqu'un qui pr�che la parole de Dieu de mani�re � ce que le peuple des fid�les puisse le comprendre. (Mayence, canon 25).

- Que l'on s'efforce de prononcer les sermons de l'�v�que et les hom�lies des saints p�res dans une langue appropri�e, afin que tous puissent comprendre. (Reims, canon 15).

- Et que chacun s'efforce de traduire clairement ces dites hom�lies en langue romane rustique ou en tudesque, afin que tous puissent plus facilement comprendre ce qui est dit. (Tours, canon 17).

Mais les termes utilis�s pour d�signer la langue des fid�les paraissent parfois ambigus.  Ainsi, la �lingua romana rustica� pouvait �tre comprise comme �tant la �langue romane rustique� ou la �langue romaine rustique�, et la  �lingua theodisca� comme la �langue germanique�, le �francique� ou le �tudesque�. Quelques d�cennies plus tard, Haito (d�c�d� en 836), �v�que de B�le et conseiller de Charlemagne, dont le dioc�se comprenait des communaut�s romanes et germaniques, exigea que ses pr�tres enseignent le Pater et le Credo �tant en latin qu'en langue barbare� (tam latine quam barbarice): 
 

2. Il faut ordonner que l'oraison du Seigneur dans laquelle toutes les choses n�cessaires � la vie humaine sont renferm�es, et le symbole des ap�tres dans lequel la foi catholique est renferm�e toute enti�re, soient appris par tous, tant en latin qu'en langue barbare, afin que ce qu'ils disent par la bouche soit cru par le coeur et soit compris.

Dans ce cas, on oppose la langue �latine� � la langue �barbare�, sans qu'il ne soit question de la langue �romane� ou �rustique�. Dans le vocabulaire des VIe et VIIIe si�cles, le mot rusticus signifiait �inculte� ou illettr�. Plus pr�cis�ment, la �langue romane rustique� correspondait au �latin des illettr�s�, ceux qui ne savaient ni lire ni �crire.

En 858, l'�v�que de Tours ordonna ce qui suit : �Que personne ne s'approche de la source baptismale s'il n'a pas compris, m�me dans sa langue, le Notre P�re et le Symbole.� Quoi qu'il en soit, tous ces canons et capitula (�capitulaires� ou lois des rois francs) ont �t� g�n�ralement d'interpr�tation plut�t d�licate et il n'est pas surprenant que l'�glise ait maintenu son latin encore une bonne centaine d'ann�es, car on sait que les habitudes sont lentes � se modifier. Il faut aussi comprendre que la forme linguistique recommand�e par le concile de Tours ne correspondait pas vraiment � la �langue vulgaire r�elle� ou la �langue naturelle� du peuple, mais plut�t � la �langue intelligible� par le peuple.  De plus, la �langue du peuple� devait se d�finir comme une sorte de comp�tence passive, du moins suffisamment pour permettre la compr�hension, donc pas le dialogue, la communication �tant unidirectionnelle. Ces consid�rations linguistiques t�moignent �loquemment que les �lites parlant le latin avaient conscience que la langue employ�e par le peuple au IXe si�cle n'�tait plus celle du VIIIe si�cle et que la �traduction� en �latin d'illettr�s� supposait d�sormais une norme linguistique diff�rente. 

Bien qu'�crits en latin, les textes du  concile de Tours constituent la premi�re reconnaissance officielle de l'existence d'une autre langue que le latin. �videmment, l'�glise �tait un peu en retard sur son temps, car ces langues existaient s�rement d�j� depuis un certain temps. Le temps de s'en rendre compte et de l'officialiser... de nombreuses d�cennies peuvent se passer. Rappelons que le fran�ais n'existait pas encore au moment du concile de Tours, c'est ce qui explique les mots "lingua rustica romana".    

2.2 Les Serments de Strasbourg (842)

� la mort de Charlemagne en 814, et apr�s celle de son fils, Louis le Pieux en 840, ses trois petits-fils se disput�rent l'Empire: Lothaire (795-855), P�pin (803-838) et Louis (805-976), puis tardivement, d'un second lit, Charles (823-877). Finalement, Charles dit le Chauve et Louis dit le Germanique scell�rent une alliance contre leur fr�re a�n�, Lothaire, par les Serments de Strasbourg (842).

Les Serments de Strasbourg sont r�put�s pour �tre les premiers textes r�dig�s en langue vulgaire (du latin vulgus: �peuple�). Le d�roulement de l'�v�nement et les serments sont pr�sent�s dans l'Histoire des fils de Louis le Pieux, dont le texte complet a �t� r�dig� en latin par un conseiller et cousin de Charles II le Chauve, Nithard (790/800-844), celui-ci �tant le fils de Berthe (v. 779- 823), fille de Charlemagne, et du po�te Angilbert surnomm� l'�Hom�re de la cour�. Bref, Nithard �tait le cousin de Lothaire, de Louis et de Charles. C'est le roi Charles de la Francie orientale, qui avait command� cette �uvre de propagande (une histoire qui impute les fautes de gouvernement � Lothaire) � son cousin afin de voir fixer par �crit, pour la post�rit�, le r�cit des �v�nements de son temps. Toutefois, ce texte de Nithard ne nous a �t� conserv� que par une copie dat�e des environs de l'an 1000, c'est-�-dire post�rieure de plus de cent cinquante ans � la r�daction originale.

Si le texte complet des Serments de Strasbourg fut �crit en latin, de courts extraits, qui devaient �tre lus en public, furent r�dig�s en deux versions: l'une en lingua rustica romana (proto-fran�ais) et l'autre en lingua teudisca ou tudesque (francique rh�nan). Charles II le Chauve (roi de la Francie orientale) pronon�a le serment dans la langue des soldats de son fr�re, c'est-�-dire en francique rh�nan; Louis II le Germanique (roi de la Francie occidentale) s'exprima en langue romane rustique. Cet �v�nement illustre aussi le m�lange des langues qui avait cours � cette �poque et la possibilit� que les personnages influents (nobles, hauts fonctionnaires, grands commer�ants, officiers, etc.) aient �t� g�n�ralement bilingues. Une telle situation d'�change linguistique signifie certainement que les deux langues vernaculaires �taient comprises par les aristocraties franques.
 

(3a) En langue romane (lingua rustica romana) (3b) En langue tudesque (lingua teudisca) (6) En fran�ais moderne
Pro Deo amur et pro christian poblo et nostro commun salvament, d'ist di in avant, in quant Deus savir et podir me dunat, si salvarai eo cist meon fradre Karlo et in aiudha et in cadhuna cosa, si cum om per dreit son fradra salvar dift, in o quid il mi altresi fazet et ab Ludher nul plaid nunquam prindrai, qui, meon vol, cist meon fradre Karle in damno sit. In Godes minna ind in thes christianes folches ind unser bedhero gehaltnissi, fon thesemo dage frammordes, so fram so mir Got geuuizci indi mahd furgibit, so haldih thesan minan bruodher, soss man mit rehtu sinan bruher scal, in thiu thaz er mig so sama duo, indi mit Ludheren in nohheiniu thing ne gegango, the, minan uuillon, imo ce scadhen uuerdhen. [Pour l'amour de Dieu et pour le salut peuple chr�tien et notre salut � tous deux, � partir de ce jour dor�navant, autant que Dieu m'en donnera savoir et pouvoir, je secourrai ce mien fr�re, comme on doit selon l'�quit� secourir son fr�re, � condition qu'il en fasse autant pour moi, et je n'entrerai avec Lothaire en aucun arrangement qui, de ma volont�, puisse lui �tre dommageable.]

Ainsi, en ce 14 f�vrier 842, les fr�res s'exprim�rent par solidarit� dans la langue maternelle de l'autre et de celle de ses soldats. Selon la tradition, la naissance du fran�ais aurait co�ncid� ainsi avec la naissance de la France. On affirme en effet que les Serments de Strasbourg (842) constituent �l'acte de naissance du fran�ais� parce que tous les documents �crits ant�rieurement �taient r�dig�s en latin, bien qu'on trouve le mot �fran�ois� appliqu� � la langue seulement vers le XIIe si�cle. Autrement dit, ce n'est pas encore du fran�ais!
 

Cependant, on peut douter que la version �romane� de ce trait� entre deux princes carolingiens appartienne vraiment � la langue courante de cette �poque. La version romane des Serments ne peut �tre consid�r�e comme une repr�sentation de la langue parl�e au IXe si�cle, car il ne s'agit nullement de la �langue romane rustique� parl�e � l'�poque, mais un texte rapport� par des lettr�s et destin� � la lecture � haute voix.

Cela �tant dit, le texte des Serments permet de constater une certaine �volution du latin jusqu'au roman (avant de devenir plus tard le �fran�ois�), l'internaute se reportera aux traductions des Serments de Strasbourg reproduites ici (cliquer, s.v.p.). Le texte original (texte 3) a �t� r�dig� en roman rustique (ou �romanz�) en 842 pour Louis le Germanique, qui s'adressait aux soldats de Charles le Chauve (voir le texte 3), et en tudesque (ou germanique) pour celui-ci, qui s'adressait aux soldats de son fr�re. Les textes 1, 2, 4, 5 et 6 sont donc des reconstitutions reproduisant l'�tat de la �langue� � six �poques (du latin classique au fran�ais contemporain), seule la version 3 (en roman et en tudesque) �tant originale.

En comparant le texte 1 (latin classique), le texte 2 (latin populaire) et le texte 3 (roman rustique), il est possible de relever certaines diff�rences au plan phon�tique; on notera, par exemple, l'apparition en roman du [z] et du [h], qui proviennent d'influences germaniques. Au plan morphologique, on est pass� de trois genres (masculin, f�minin, neutre) � deux, le neutre �tant disparu; la d�clinaison est pass�e de six cas du latin � deux (sujet et compl�ment) en roman rustique. Pour ce qui concerne la syntaxe, les pr�positions paraissent plus nombreuses et l'ordre des mots tend � rester assez libre.

Cependant, ce texte compte aussi de nombreuses traces suspectes de ce �latin des lettr�s� habituellement utilis� par les chancelleries de cette �poque. Notons, entre autres, l'absence de l'article (alors en usage en roman), la place du verbe en fin de phrase et surtout le conservatisme graphique comme l'absence des diphtongues (alors en usage en roman oral) et l'emploi des lettres finales dans nunquam, in damno, conservat (qui n'�taient plus prononc�es en roman). On constate aussi que la correspondance entre la lettre et le son est al�atoire. Ainsi, le m�me phon�me peut �tre transcrit par les lettres e, o ou a : meon fradre Karlo, meon fradre Karle, son fradra.

N'oublions pas que la langue romane rustique demeurait une langue exclusivement orale, le latin continuant de demeurer la seule langue �crite. C'est pourquoi l'historien Nithard, en fin lettr� qu'il �tait, ne pouvait qu'�tre fortement influenc� par la fa�on d'�crire le latin de son temps au moment o� il devait transcrire le roman rustique parl�. On croit aujourd'hui que Louis le Germanique aurait �t� incapable de lire � haute voix un texte roman r�dig� en �latin des illettr�s�, mais qu'il lui �tait ais� de le faire avec les graphies latines savantes alors en usage. On peut s'imaginer, par exemple, ce que serait un texte contemporain r�dig� en cr�ole martiniquais avec une graphie exclusivement fran�aise:
 

(Texte 1) Cr�ole martiniquais
avec une graphie cr�ole
(Texte 2) Cr�ole martiniquais
avec une graphie fran�aise
(Texte 3) Version fran�aise
Tout pep kr�yol ki asou lat� annou ba k�-nou lanmen. Tout peuple cr�ole qui dessus la terre � nous ko nous la main.  Peuples cr�oles du monde entier donnons-nous la main.

Le texte 2 n'est plus vraiment du cr�ole, car il est tr�s align� sur le fran�ais. Il en fut de m�me avec la version romane transcrite par Nithard, tr�s align�e sur le latin. C'est pourquoi, plut�t que de voir dans les Serments de Strasbourg l'acte de naissance du fran�ais, il conviendrait plut�t de les consid�rer comme la marque d'un nouveau syst�me d'�criture pour une m�me langue. Cette langue des Serments n'est pas celle parl�e par le peuple � personne ne parlait cette langue �, mais plut�t une langue interm�diaire entre le �latin des lettr�s� et le �latin parl� des illettr�s�, et qui pouvait �tre n�anmoins comprise par le peuple. Il s'agit donc d'un texte artificiel, v�ritablement �reconstitu� et destin� � �tre lu oralement pour �tre compris par un ensemble d'individus disparates.

2.3 Le trait� de Verdun

Le trait� de Verdun de 843 marqua le d�but de la dissolution de l'empire de Charlemagne, consacrant ainsi sa division qui s'av�rera d�finitive.
 

Le trait� divisa en effet royaume de Charlemagne en trois �tats: Charles II (dit �le Chauve�) re�ut la partie ouest (en vert) de l'Empire franc � la Francie occidentale � l'ouest de l'Escaut, de la Meuse, de la Sa�ne et du Rh�ne (ce qui deviendra la France) �, Louis Ier (dit �le Germanique�), la partie est � la Francie orientale ou Germanie (en jaune) �, et Lothaire Ier, la partie du centre, la Francie m�diane (en orange) � l'est du Rh�ne, c'est-�-dire la Lotharingie (dont le nom se transformera plus tard en Lorraine), ainsi que la couronne imp�riale; le royaume de Lothaire s'�tendait de la mer du Nord � l'Italie et englobait notamment  la Bourgogne, les Pays-Bas et la Belgique actuels.

Charles II fut le premier �roi de France� � il parlait le francique rh�nan �, mais son r�gne fut marqu� par les premi�res incursions des Normands (856-861). Pendant qu'il guerroyait en Germanie, les Normands mettaient � feu et � sang les plus grandes villes de France (Paris, Rouen, Nantes, Bordeaux, etc.). 

Apr�s la mort de Lothaire (en 855), la Lotharingie s'affaiblit tr�s rapidement et devint l'enjeu de rivalit�s incessantes entre la France et la Germanie. Ult�rieurement, la Lotharingie fut s�par�e au profit du royaume de France (la Flandre, la Bourgogne, etc.) et du Saint Empire romain germanique (la rive gauche du Rh�ne, la Provence, la Savoie). En 875, Charles II cumula les titres de roi de la Francie occidentale (France) et d'empereur d'Occident, sans que la France ne soit int�gr�e dans l'Empire germanique. Par la suite, chacun des royaumes (France, Germanie et Lotharingie) se morcela encore au gr� des h�ritiers et des changements de r�gimes. Chaque morceau de l'ancien Empire germanique connut par la suite un destin distinct. 

Le 29 f�vrier 888, le duc Eudes fut �lu roi par ses pairs, les grands seigneurs de la Francie occidentale. Mais l'autorit� royale d�clina constamment en France, car les vassaux devinrent plus puissants que le roi. En effet, les princes y exer�aient le pouvoir politique de fa�on autonome. Celui du roi devint forc�ment limit�: il ne jouait plus que le r�le d'arbitre au pouvoir plus symbolique que r�el. Les guerres f�odales se succ�d�rent pendant que l'Europe souffrait d'une �conomie des plus rudimentaires.

Quant � la Lotharingie, elle rassemblait des aires linguistiques germaniques au nord (Belgique flamande, Pays-Bas, Luxembourg) et romanes pour le reste (Belgique wallonne, ouest de la France, Suisse romande, Italie vald�taine).

3 Les cons�quences linguistiques

La dislocation de l'Empire de Charlemagne entra�na un grand nombre de cons�quences qui eurent des incidences sur les langues: le r�gne de la f�odalit�, qui morcela l'autorit� royale; l'invasion des Normands en Angleterre, en France et en Italie; l'�re des croisades, qui fit d�couvrir l'Orient; la toute-puissance de l'�glise de Rome, qui assujettit le monde chr�tien. En m�me temps, deux grandes puissances firent leur entr�e: l'islam turc, qui arr�ta l'essor des Arabes, et l'expansion mongole dans toute l'Asie, ferm�e alors aux contacts internationaux. La soci�t� m�di�vale refl�ta un monde dans lequel l'information �tait rare, les communications difficiles et les �changes limit�s. C'est dans ce cadre peu favorable que na�tra bient�t la langue fran�aise.

3.1 La fragmentation linguistique (dialectalisation)

�tant donn� que les contacts entre les r�gions et les divers royaumes wisigoth, ostrogoth, burgonde, alaman, vandale, etc., �taient devenus peu fr�quents, les divergences linguistiques s'accentu�rent de plus en plus et donn�rent naissance � des idiomes romans distincts. La lingua romana rustica, ou �langue romane rustique�, parl�e dans le nord de la France (royaume des Francs), devint diff�rente de celle parl�e dans le sud du pays et en Espagne (royaume des Wisigoths), de celle parl�e en Italie (royaume des Ostrogoths), etc. � l'int�rieur m�me des fronti�res de ce qui est aujourd'hui la France, la langue romane rustique prit des formes particuli�res, surtout entre le Nord et le Sud. La dialectalisation a d� progresser rapidement entre l'an 800 et l'an 1000, pour s'accentuer encore davantage au cours du XIIe si�cle et se poursuivre durant les si�cles suivants.

En mai 1888, le philologue Gaston Paris (1839-1903), sp�cialiste des langues romanes, apportait ce commentaire au sujet de la langue romane dans une conf�rence intitul�e �Les parlers de France�, lors d'un r�union des Soci�t�s savantes:

Si on avait demand�, il y a un millier d'ann�es, � un habitant de la Gaule, de l'Espagne, de l'Italie, de la Rh�tie ou de la M�sie : �Que parles-tu ?�, il aurait r�pondu, suivant son pays : �romanz, romanzo, romance, roumounsch, roumeuns�, toutes formes vari�es d'un seul et m�me mot, l'adverbe romanice, qui signifie �dans la langue des Romains�. La langue que nous parlons, que parlent les autres peuples que je viens de nommer, est le roman, la langue des Romani, c'est-�-dire le latin ; c'est pour cela qu'on appelle ces peuples les peuples romans, leurs langues les langues romanes, et qu'il existe ou qu'il devrait exister entre eux un sentiment de solidarit� et d'union remontant au temps o� tous portaient avec orgueil ce nom qu'aujourd'hui ils ont oubli�, sauf dans les Alpes et dans les Balkans.

L� o� les Francs ont �t� majoritaires, ils ont maintenu leur langue germanique, qui s'est par la suite transform�e et fragment�e en un grand nombre de dialectes; l� o� ils ont �t� minoritaires, ils se sont rapidement assimil�s et se sont romanis�s (voir la carte de l'aire germanique actuelle). Dans la Francie occidentale, la langue �romane rustique� se transforme lentement avant de devenir du fran�ais, du picard, du normand, de l'artois, de l'orl�anais, etc.

3.2 La d�marcation du latin au roman

Il est difficile de d�crire avec pr�cision les langues parl�es dans le nord de la France � cette �poque, puisqu'il s'agissait de langues essentiellement orales. N�anmoins, certains documents peuvent nous aider sur ce que pouvait �tre la langue de la p�riode romane, appel�e selon le cas romanz, romant, lingua romana, etc., ce qui t�moignait que les locuteurs avaient conscience qu'ils ne parlaient plus le latin. Par exemple, les Gloses de Reichenau, vraisemblablement r�dig�es vers 750 dans le nord de la France, pr�sentent un glossaire de mots romans interpr�tant des termes de la Vulgate, avec une traduction latine officielle, attestant par le fait m�me que le latin n'est plus compris. En voici quelques exemples rapport�s par Fr�d�ric Duval dans Mille ans de langue fran�aise: histoire d'une passion (p. 85):
 

Latin biblique Glose de 750 Fran�ais moderne
semel una vice une fois
ponatur mittatur mettre
optimos meliores meilleurs
in ore in bucca bouche
femur coxa cuisse
liberos infantes enfants
canere cantare chanter
pulcra bella belle
hiems hibernus hiver
cementarii mationes ma�ons

On ne peut que constater les ressemblances formelles entre la langue du VIIIe si�cle et le fran�ais moderne (bucca/bouche, infantes/enfants, bella/belle, hibernus/hiver), et les diff�rences par rapport au latin lui-m�me (ore, liberos, pulcra, hiems). Dans les rares documents �crits au cours de cette p�riode romane, il faut toujours se rappeler que ces textes sont r�dig�s par des clercs ou des lettr�s, lesquels ont tendance � reproduire les graphies connues du latin d'�glise. On ne saurait donc se baser sur de tels textes pour reproduire la langue orale qui, par surcro�t, diff�rait selon les r�gions. On sait n�anmoins que la phon�tique avait consid�rablement chang�, que la  grammaire s'�tait transform�e, notamment avec l'apparition des articles et des pr�positions, ainsi que l'�limination de quatre cas du latin (sur six). Le lexique appara�t de plus en plus sous une forme non savante (bucca, infantes, bella, etc.), non calqu�e sur le grec ou le latin classique (ore, liberos, pulcra, etc.). La germanisation du gallo-roman fut non seulement consid�rable au plan phon�tique, mais �galement au plan lexical. 

3.2 La germanisation du roman

Il est probable que pr�s d'un millier de mots germaniques se soient implant�s dans la langue romane, mais seulement quelque 400 d'entre eux sont rest�s jusqu'� aujourd'hui. Contrairement aux mots provenant du latin vulgaire, les mots d'origine germanique peuvent �tre consid�r�s comme de v�ritables emprunts. �videmment, les mots emprunt�s par le roman vulgaire � l'ancien germanique, plus pr�cis�ment le francique, refl�tent le type de rapports ayant exist� entre les Gallo-Romans et les Francs: il s'agit de contacts reli�s � la guerre, l'agriculture, l'organisation sociale, la vie quotidienne, etc., bref, des mots qui concernent peu la science. La liste qui suit pr�sente quelques-uns des termes franciques pass�s au roman, puis au fran�ais.

Emprunts au francique

abandon
agrafe
allemand
anglais
arquebuse
attraper
aulne
banc
bande
baron
b�timent
beignet
blanc
blason
bl�
bleu
blond
bois
bord
bordel
botte
brandir
b�che
canif
chambellan
chouette
coiffe
convoi
cotte
crapaud
cric
cresson
crotte
cruche
danser
dard
d�guerpir
d�raper
d�rober
�chanson
�charpe
�chevin
�peron
�pervier
�pieu
�quipe
escrime
�trier
�tron
fa�te
fauteuil
fauve
f�lon
fief
flamand
flanc
fl�che
fourbir
fourreau
franc
frapper
froc
gage
gain
gant
gar�on
gars
gauche
gerbe
germe
grappe
gris
gu�pe
gu�rir
guerre
guetter
guide
hache
haie
hallebarde
hameau
hanneton
harde
heaume
h�berger
h�ron
h�tre
houx
jardin
laid
lice
long
marais
marcher
mar�chal
marquis
m�sange
osier
poche
rang
[re]garder
riche
r�tir
saisir
saligaud
sarrau
s�n�chal
soupe
taper
tas

L'un des apports les plus insolites de l'ancien germanique (ou francique) a trait aux adjectifs de couleur. De fait, les linguistes s'expliquent encore mal l'abandon de certaines couleurs latines. Ainsi, le fran�ais a conserv� les termes latins qui ont donn� les adjectifs rouge (< rubeus), noir (< niger), vert (< viridis), jaune (< galbinus), violet (< viola); mais il a perdu les termes albus (blanc mat), candidus (blanc brillant), caeruleus (bleu azur), cyaneus (bleu fonc�), caesius (bleu-vert), glaucus (entre vert et bleu), fuscus (basan�), pullus (brun fonc�), flavus (jaune d'or), fulvus (or-brun), etc., lesquels ont �t� supplant�s par des termes germaniques: blanc (< blank), brun (< blao), gris (< gr�s), blond (< blund), fauve (< falw), etc.

La conscience linguistique des Gallo-Romans se transforma �galement. Alors qu'ils s'�taient toujours identifi�s comme des �Romains�, les habitants du pays franc, ceux du Nord en particulier, se consid�r�rent d�sormais comme des Francs. � partir du VIIIe si�cle, le mot �Franc� ou plut�t Franci ne d�signait plus les membres des communaut�s germanophones, mais bien les habitants de la �Gaule du Nord�, par opposition aux habitants du Sud, les Romani. Le pays deviendra plus tard la �France� (�le pays des Francs�), et sa langue nationale, le �fran�ois� avant de devenir le fran�ais.

En ce sens, les Francs ont largement contribu� � germaniser les langues n�o-latines de la �Gaule du Nord� et de la Francie occidentale. Plus que pour toute autre langue romane issue du latin, les parlers du Nord s'�loign�rent de leur latinit� primitive. C'est ce qui explique aujourd'hui que le fran�ais soit la moins �romane� des langues n�o-latines (espagnol, occitan, italien, portugais, catalan, etc.).

4 L'�tat de la langue romane rustique

Il faut bien se rendre compte qu'une langue ne change pas du jour au lendemain, mais lentement durant des d�cennies ou des centaines d'ann�es. De plus, cette transformation s'effectue de diff�rentes fa�ons, mais elle touche toujours la phon�tique, le vocabulaire, puis la grammaire. Or, ce sont les transformations phon�tiques qui ont fait passer le latin au roman, puis le roman au fran�ais. C'est pourquoi il appara�t n�cessaire d'en faire une br�ve description.

Au Ier si�cle, le latin poss�dait un syst�me vocalique de cinq voyelles simples, mais chacune de ces voyelles pouvaient �tre longues ou br�ves, la dur�e �tant un trait phonologiquement pertinent. Quant au syst�me consonantique, il comprenait 18 phon�mes. � part la lettre [h], toutes les consonnes �crites se pronon�aient en latin classique, et ce, peu importe leur place (initiale, m�diane, finale) dans le mot.

4.1 Le phon�tisme roman

Dans la langue gallo-romane, le phon�tisme du latin fut radicalement modifi�. De fa�on g�n�rale, on peut affirmer que les consonnes latines ont subi des modifications relativement mineures, surtout lorsqu'on les compare aux modifications survenues aux voyelles.

- Les consonnes

Les principales transformations consonantiques sont les suivantes: la disparition du -m final de l'accusatif latin, la disparition du [h] et sa r�introduction germanisante, le maintien des consonnes en position forte et leur affaiblissement en position faible par la palatalisation. Soulignons aussi que la langue romane avait introduit les constrictives dentales [θ] et [δ] comme en anglais dans thing et this, probablement sous l'influence du francique.

Notons que les scribes des plus anciens textes �crits en �fran�ois�, par exemple, les Serments de Strasbourg (842) et la Vie de saint Alexis (vers 1045), ont tent� par la graphie de rendre compte des sons [θ] et [δ]; on trouve dans les Serments la graphie dh (p. ex., aiudha, cadhuna) pour [δ], alors que dans la Vie de saint Alexis les lettres th servent parfois � identifier le son [θ] (espethe, contrethe).

Dans les textes romans, la lettre h �tait employ�e d�s le Ve si�cle pour signaler l'aspiration dans certains mots d'origine francique comme honte, haine, hache, ha�r, h�tre, h�ron. etc. Or, la lettre h continuait de s'�crire en latin classique, mais elle ne correspondait � aucune prononciation dans la langue parl�e; c'�tait tout au plus une affectation due � un h�ritage de mots emprunt�s au grec. C'est ainsi qu'on a distingu� les mots dont l'h initial est dit �aspir� de ceux dont l'initiale est une voyelle ou un [h] �non aspir�, c'est-�-dire qu'ils ne permettent ni liaison ni �lision. On ignore le degr� d'aspiration qui se faisait sentir � l'�poque romane, mais on croit que cette prononciation, si elle �tait significative � l'origine, a diminu� plus tard pour dispara�tre au cours de l'ancien fran�ais.

- Les voyelles

L'�volution des voyelles latines a �t� beaucoup plus complexe que celle des consonnes. Les voyelles ont connu des transformations consid�rables et leur �volution fait appel � des r�gles de phon�tique combinatoire un peu difficiles � assimiler pour tout non-sp�cialiste. Ainsi, le traitement subi par les voyelles sera diff�rent selon que la voyelle est dans une syllabe dite accentu�e (ou tonique) ou dans une syllabe dite inaccentu�e (ou atone). Un fort accent d'intensit�, parce qu'il concentre l'�nergie articulatoire sur la syllabe accentu�e, peut provoquer indirectement l'affaiblissement des voyelles inaccentu�es. La syllabe accentu�e se trouve en position de force; elle aura tendance � rester accentu�e en latin vulgaire et en roman, voire � demeurer intacte, contrairement � ce qui s'est pass� avec les autres langues romanes:

�volution en fran�ais Espagnol Portugais Italien Catalan Occitan
[a] > [�] devant une consonne: mare > mer mar mar mare mar mar
[e] > [�] devant une consonne: ferru > fer ferro ferro ferro ferro ferre
[i] en syllabe libre > ni-du > nid nido nido nido niu nis
[i] en syllabe entrav�e >  vil-la > ville ciudad ciudad citt� ciutat vila
[o] > [ou] : corte > cour corte corte corte cort cort

Ce ne sont l� que quelques exemples qui ne rendent pas compte de toutes les r�gles de la phon�tique combinatoire, mais il s'agit ici de ne donner qu'une notion.

Lorsqu'une voyelle latine est dite atone, c'est qu'elle ne porte pas l'accent tonique. Parce que les voyelles atones se trouvent dans une position de faiblesse articulatoire, elles vont subir un affaiblissement g�n�ralis� en roman. Les voyelles initiales sont en position de force et c'est la raison pour laquelle elles vont se maintenir davantage. Les voyelles [i], [u] et [a] sont particuli�rement r�sistantes, probablement parce qu'elles sont ou tr�s ouvertes ou tr�s ferm�es, ce qui suppose une plus grande d�pense articulatoire; par contre, les voyelles [o] et [e] subissent des alt�rations.

[i] > se maintient                       [u] > se maintient

            LIBERARE > livrer           LUCORE > lueur
            CICONIA > cigogne           FUMARE > fumer

        [a] > se maintient                 [o] > u

            VALERE > valoir             VOLERE > vouloir
            SALUTE > salut              DOLERE > douleur

Toutes les voyelles finales disparurent (entre les VI et VIIIe si�cles), sauf [a] qui devient un [�] sourd avant de devenir un [�] muet dans la langue parl�e. 

[a] > [�] : CANTA > chant� > il chante
               ROSA > roz� > roz (rose)

[i] : MURI > mur

[o] : CANTO > chant

[u] : BONU > buen > bon-n > bon

Il y a aussi les voyelles situ�es � l'avant-derni�re syllabe (la p�nulti�me), qui disparaissent (entre le IVe et le VIIe si�cle), car elles sont en position de faiblesse:

VETULU > v�tlo > v�klo > vj�j > vieille
FEMINA > femna > f�m� > fam-m� > fam (femme)
FRIGIDU > freit > fr�t > frwa (froid)
TABULA > tabl� (table)

Encore une fois, il ne s'agit ici que de quelques exemples.

Le roman a connu aussi un processus de diphtongaison (deux voyelles prononc�es en une seule �mission) qui n'a affect� que les voyelles [e] et [o]. La premi�re manifestation de ce ph�nom�ne remonterait au IIIe ou au IVe si�cle et serait li� aux invasions germaniques.

[e:] > [ie] : pedem > *piede > pied
[�] > [u�] : bovem > *bu�ve > boeuf

La langue romane a connu une seconde diphtongaison au VIe et au VIIe si�cle, qui s'est s'est produite dans certaines conditions:

[e:] > [ie] : melius > *miejlus > mieux
[�] > [�i] > : noce > *n�idzet > nu�jdzet > nuit

Ce sont l� les seules diphtongues de la p�riode romane, mais, quelques si�cles plus tard, l'ancien fran�ais d�veloppera de nombreuses autres diphtongues.

N'oublions pas qu'il s'agit l� d'une �volution couvrant pr�s de dix si�cles. Une description couvrant une si longue p�riode r�partie en quelques lignes ne peut que tronquer la description historique. C'est pourquoi cette br�ve pr�sentation ne saurait �tre exhaustive, car elle ne tient pas compte de toute l'�volution du phon�tisme latin. N�anmoins, elle refl�te la complexit� de l'�volution du phon�tisme latin qui est devenu le roman, la langue m�re du fran�ais.

4.2 Une grammaire simplifi�e

Le latin �tait une langue � d�clinaison, qui variait selon le genre du substantif. On comptait trois genres (le masculin, le f�minin et le neutre) et cinq types de d�clinaison diff�rents: type I (Terra, -ae), type II (Dominus, -i), type III (Miles, militis), type IV (Senatus, senatu:s), type V (Res, rei). De plus, dans chaque type de d�clinaison, les cas �taient au nombre de cinq: nominatif, accusatif, g�nitif, datif, ablatif. Cinq d�clinaisons, six cas et trois genres, cela signifiait plus de 90 flexions pour les seuls noms; dans le cas des adjectifs, on en comptait six types distribu�s en deux classes, pour un total de 216 flexions. Noms et adjectifs formaient donc au moins 306 flexions.

Lors de la p�riode romane, on passa � trois types de d�clinaison et � seulement deux cas (le cas sujet et le cas objet), en plus de perdre le neutre absorb� par le masculin. La langue romane a donc grandement simplifi� le nombre de flexions nominales, en passant de 90 � 12.

Le latin poss�dait � l'origine trois genres, le masculin, le f�minin et le neutre, et deux nombres, le singulier et le pluriel. De fa�on g�n�rale, la marque du genre se trouvait en latin dans la d�sinence des noms et des adjectifs, c'est-�-dire dans leur terminaison. Dans l'�volution du latin au roman, les marques du genre ont perdu leurs caract�ristiques d'origine. Pour simplifier la description, indiquons seulement les grandes tendances suivantes:

1) La d�clinaison f�minine en -as a donn� des mots du genre f�minin en fran�ais: rosam > rose / rosas > roses.
2) Les pluriels neutres latins en -a ont �galement donn� des mots au f�minin en fran�ais: folia > feuille; arma > arme; labra > l�vre.
3) Les mots masculins latins en -is sont devenus masculins en fran�ais: canis > chien; panis> pain; rex/regis > roi; pes/pedis > pied.
4) Les noms latins termin�s en -er> sont aussi devenus masculins: pater > p�re; frater > fr�re; liber > livre; magister > ma�tre.

Pendant la p�riode romane, le latin a perdu le neutre qui a �t� absorb� par le masculin; par exemple, granum > granus > grain (masc.). Du neutre latin, granum et lactis (lait) sont pass�s au masculin en fran�ais; du masculin latin, floris (fleur) est pass� au f�minin en fran�ais; par contre, gutta (goutte) et tabula (table) sont rest�s au f�minin; mais burra (bure) a conserv� le f�minin du latin pour passer au masculin lorsqu'il a d�sign� le �bureau� en fran�ais.

4.3 L'�volution du vocabulaire

Le patrimoine lexical a aussi �volu� en roman et ces mots font aujourd'hui partie de la pr�histoire du fran�ais. Il s'agit d'un certain nombre de �reliques gauloises�, mais aussi de mots constituant le fonds latin lui-m�me, auxquels il faut ajouter les emprunts grecs pass�s au latin et, bien s�r, ceux que le roman a emprunt� au francique (cf. le no 3.2). 

- Les �reliques gauloises�

Le fran�ais n'a jamais emprunt� de mots directement de la langue gauloise. C'est plut�t le latin qui a emprunt� un certain nombre de mots gaulois � l'�poque des conqu�tes romaines. Une fois adopt�s par les Romains, les mots gaulois ont continu� d'�voluer comme des mots latins que le roman a assimil� par la suite. Aujourd'hui, seul l'historien de la langue peut en reconna�tre les origines celtiques.

Ce fonds gaulois est certes le plus ancien, mais c'est aussi le plus pauvre. Plus d'une centaine de mots (probablement environ 150) sont parvenus jusqu'� nous. Ils concernent des termes d�signant des v�g�taux, des animaux, des objets de la ferme, etc. En voici une liste non exhaustive:

Mots d'origine gauloise

alouette < alauda
arpent < arepennis
balai < banatto
benne < benna
barde < bard
boisseau < bosta
bouc < bucco
boue < bawa
bouleau < betulubriser < brissim
bruy�re < bruko
cervoise < cervesia
char < carru
charpente < carpentu*
charrue < carruca*
ch�ne < cassanus
cloche < cloc
druide < druida
galet < gallos
jarret < garra
lieue < leuga
lotte < lotta
mouton < multo
quai < caio
sapin < sappus
soc < soccos
suie < sudia
talus < talo
valet <
vasso
vassal < gwas

- Le fonds gr�co-latin

Le fonds latin correspond en premier lieu � la masse du vocabulaire h�rit� du �latin vulgaire�, c'est-�-dire � l'ensemble des mots d'origine latine qui ont subi une transformation phon�tique entre les IVe et IXe si�cles. C'est le fonds proprement originel de la langue, celui qui provient du latin parl� populaire. � partir d'un examen des dictionnaires modernes, on peut estimer ce fonds roman � environ 12 000 mots h�rit�s de cette �poque.

Le fonds roman comprend �galement les mots du latin classique, c'est-�-dire du latin qui �tait surtout utilis� par les nobles et les �crivains, mais aussi des emprunts techniques du gaulois, du grec et du germanique d�j� int�gr�s au latin vulgaire. Certaines nouveaut�s m�ritent d'�tre signal�es: les nombreux changements de sens, l'abondance de d�rivations diminutives et le grand nombre de provincialismes h�rit�s du latin vulgaire.

Voici quelques exemples de provincialismes issus du latin vulgaire, et qui ont m�me fini par supplanter les termes du latin classique:

LATIN CLASSIQUE  > LATIN VULGAIRE

anus  > vetulo   (�vieux�)
caput > testa    (�cr�ne�, �t�te�)
ictus  > colpus  (�coup�)

LATIN CLASSIQUE  > LATIN VULGAIRE

jecorem > ficato     (�foie�)
mares   >  masculi (�masculin�)

pignus   >  wadus   (�gage�)

LATIN CLASSIQUE  > LATIN VULGAIRE

plaustra > carru     (�char�)
pueros   > infantes (�enfants�)
pulcra    > bella     (�belle�)

Dans ce fonds primitif, on compte �galement des mots grecs. Le latin parl� a largement puis� dans la langue grecque, particuli�rement � l'�poque o� le sud de la Gaule subissait la colonisation grecque (Ier si�cle avant notre �re); ces mots grecs ont �t� par la suite latinis�s par le peuple. Par exemple, gond (lat. gomphus < gr. gomphos), ganse (gr. gampsos), d�me (gr. d�ma), lampe (lat. lampada < gr. lampas), etc., sont des termes qui ont �t� transform�s phon�tiquement au cours de leur passage du grec au latin et du latin au fran�ais.

Toute cette p�riode concerne la pr�histoire du fran�ais, car il s'agit de l'histoire du latin au roman, une langue aux multiples vari�t�s qui prendra des formes diff�rentes selon qu'elle �tait parl�e au nord ou au sud du territoire gallo-romain. Comme toujours, ce sont des �v�nements politiques et militaires qui finiront par assurer la disparition du latin et l'�mergence des langues romanes, lesquelles donneront naissance au fran�ais, � l'occitan, � l'espagnol, etc. Les p�riodes de bouleversements ont entra�n� des changements linguistiques, alors que les p�riodes plus calmes ont permis � la langue de �dig�rer� ses transformations. Bref, l'�tat de la langue refl�te toujours l'�tat de la soci�t�, que ce soit sous le r�gime f�odal pendant la p�riode de consolidation du pouvoir royal, pendant la R�volution fran�aise ou au cours de la p�riode moderne ou contemporaine.   

Derni�re mise � jour: 04 oct. 2024

 

Histoire de la langue fran�aise
 

Section 1: Empire romain
Section 2: vous �tes ici
Section 3: Ancien fran�ais
Section 4: Moyen fran�ais
Section 5: Renaissance
Section 6:   Grand Si�cle
Section 7:   Si�cle des Lumi�res
Section 8:   R�volution fran�aise
Section 9:   Fran�ais contemporain
Section 10: Les emprunts et le fran�ais
Section 11: Bibliographie

 
 
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