Conseil de La Réunion

La R�union 

D�partement et r�gion d'outre-mer (DROM)

(France)

Drapeau du Conseil r�gional de La R�union

La R�union n'a pas de drapeau officiel qui lui soit propre, hormis celui de la R�publique fran�aise. Le drapeau non officiel que l'on voit ici est celui du Conseil r�gional de La R�union.

Capitale: Saint-Denis 
Population: 908 000 (est. 2024)
Langue officielle: fran�ais (de jure)
Groupe majoritaire: cr�ole (55,2 %) 
Groupes minoritaires: fran�ais r�unionnais et cr�olis� (21 %), malgache (2,6 %), gujarati (2,4 %), chinois cantonais (1,6 %), chinois hakka (1,3 %), fran�ais m�tropolitain (0,3 %), tamoul (0,1 %), comorien, etc.  
Langues coloniales: fran�ais
Syst�me politique: d�partement et r�gion d'outre-mer (DROM)
Articles constitutionnels (langue): art. 2 et 75-1 de la Constitution de 1992 de la R�publique fran�aise
Lois linguistiques: toutes les lois linguistiques de la R�publique, dont les suivantes: loi no 84-747 du 2 ao�t 1984 relative aux comp�tences des r�gions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La R�union ; loi no 75-620 du 11 juillet 1975 relative � l'�ducation (loi Haby) ; loi no 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement sup�rieur; loi d'orientation no 89-486 du 10 juillet 1989 sur l'�ducation (loi Jospin) ; d�cret no 93-535 du 27 mars 1993 portant approbation du cahier des missions et des charges de la Soci�t� nationale de radiodiffusion et de t�l�vision fran�aise pour l'outre-mer (RFO) ; loi du 4 ao�t 1994 relative � l'emploi de la langue fran�aise (1994) ; Code de l'�ducation (2000) ; Loi d'orientation pour l'outre-mer (2000) ; Loi no 2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'�cole (loi Fillon).

1 Donn�es g�ographiques

L'�le de La R�union (en cr�ole: Renion), d'une superficie de 2512 km�, est situ�e dans le sud-ouest de l'oc�an Indien, � quelque 800 km � l'est de Madagascar et � 210 km de Port-Louis � l'�le Maurice. L'�le de La R�union forme avec l'�le Maurice, l'�le Rodrigues et quelques �lots mauriciens (�le Agal�ga, �le Saint-Brandon, �le Plate, �le Ronde) l'archipel des Mascareignes du nom du navigateur portugais Pedro Mascarenhas qui les explora. Toutes les �les de l'archipel des Mascareignes appartiennent � la r�publique de Maurice, sauf l'�le de La R�union qui constitue un d�partement fran�ais d'outre-mer (DOM) et aussi une r�gion (ROM), ainsi que l'�le Tromelin situ�e � 450 kilom�tres � l'est de Madagascar et � 535 kilom�tres au nord de l'�le de La R�union. La r�publique de Maurice (Mauritius), autrefois colonie fran�aise, puis colonie britannique, est un �tat ind�pendant depuis 1968. La surface de l'�le de La R�union est aux deux tiers montagneuse et 40 % de l'�le se trouve � plus de 1000 m�tres d'altitude; son caract�re volcanique est bien connu, gr�ce surtout au volcan dit du piton de la Fournaise. L'�le changea souvent de nom (voir le document �Une �le aux multiples d�nominations�) au cours de son histoire avant de s'appeler d�finitivement La R�union Les villes principales sont Le Port, Saint-Andr�, Saint-Beno�t, Saint-Denis, Saint-Joseph, Saint-Louis, Saint-Paul et Saint-Pierre. 

Depuis la r�forme de 2003, La R�union est devenue un DROM: un d�partement et une r�gion d'outre-mer. Ce d�partement d'outre-mer sert de base militaire fran�aise et �galement de base arri�re aux Terres australes et antarctiques fran�aises (TAAF). Depuis le 14 mars 1996, le si�ge de l'administration des TAAF est fix� dans la ville de Saint-Pierre, � La R�union; les TAAF sont sous la responsabilit� d'un administrateur et d'un conseil consultatif, tous les deux nomm�s par le gouvernement fran�ais. 

D'autres �les d�pendent administrativement de La R�union; en fait, elles d�pendent � la fois du pr�fet du d�partement et de la Direction r�gionale de M�t�o-France. Il s'agit, au nombre de cinq, des �les �parses de l'oc�an Indien occidental: Juan de Nova, Les Glorieuses, Bassa de India et Europa (toutes situ�es dans le canal du Mozambique) et Tromelin (au nord-ouest de La R�union). 

Rappelons encore que l'�le de La R�union n'a pas de drapeau officiel et elle utilise le tricolore de la R�publique fran�aise. Le drapeau plac� au haut de cette page a �t� �propos�� en 2003 par l'Association r�unionnaise de vexillologie; il repr�sente le volcan (ou piton) de la Fournaise et symbolise l'arriv�e des populations qui ont converg� vers l'�le.

Lo rouz, sa po volkan �k kouraz,
lo bl� po lo sy�l �k lo dou,
lo zone po lo sol�y ansanm la limy�r.
Le rouge pour le volcan et la force,
Le bleu pour le ciel et la douceur,
Le jaune pour le soleil et la clart�.


Association r�unionnaise de vexillologie

�tant donn� que l'Association r�unionnaise de vexillologie (ARV) d�sire promouvoir la cr�ation d'un drapeau local, elle a lanc� un concours et un jury a retenu, parmi une cinquantaine de propositions, celle de M. Guy Pignolet (le drapeau �s�lectionn�), un r�sident de Sainte-Rose. Dans le pass�, de nombreux drapeaux ont �t� d�j� propos�s pour La R�union, en vain jusqu'ici. Il rel�ve en fait de la volont� des R�unionnais d'utiliser ce drapeau ou tout autre, afin de �renforcer l�identit� des R�unionnais�, comme il en existe � la Guadeloupe, en Martinique, en Corse, etc. Certains craignent  qu'un drapeau proprement r�unionnais soit le signe d'une revendication autonomiste ou ind�pendantiste! S'agit-il d'un exc�s de patriotisme ou d'une r�action justifi�e? Pour le moment, toutes les propositions de drapeau local ont avort�, y compris celui repr�sent� ici sur le c�t� gauche.

De plus, l'�le de La R�union, en tant que d�partement d�outre-mer, fait partie de l'Union europ�enne et constitue plus pr�cis�ment une �r�gion ultrap�riph�rique� de l'Europe, une RUP. Une RUP est un territoire d'un pays membre de l'Union europ�enne situ� en dehors du continent europ�en. ï¿½ ce titre, La R�union b�n�ficie de �mesures sp�cifiques qui adaptent le droit communautaire en tenant compte des caract�ristiques et contraintes particuli�res de ces r�gions.

2 Donn�es d�molinguistiques

Au 1er janvier 2009, la population de La R�union �tait estim�e � 824 000 habitants (source INSEE), ce qui en fait le DROM (d�partement et r�gion d'outre-mer) le plus important au plan d�mographique. En effet, la Guadeloupe compte 421 600 habitants; la Martinique, 381 467; la Guyane fran�aise, 150 000. Depuis le d�but du XXe si�cle, quelque 150 000 R�unionnais auraient quitt� l'�le pour la M�tropole. On estime que, annuellement, plus de 6000 R�unionnais immigrent en France � la recherche du travail.

2.1  Une mosa�que ethnique

La population r�unionnaise est compos�e constitue une mosa�que ethnique et raciale fort complexe. Selon le minist�re fran�ais de l'Outre-Mer, on trouve 35 % (env. 275 000) de R�unionnais d'origine africaine Mozambique, Guin�e et S�n�gal), malgache et comorienne � les cafres �mais fortement m�tiss�e. La population blanche, d�origine europ�enne, repr�senterait 25 % de l�ensemble auquel il conviendrait d�ajouter environ 5 % de M�tropolitains �  les Zoreils � r�sidant sur l��le. Suivent environ 25 % (env. 200 000) d'Indiens tamouls appel�s Malabars constitu�s des descendants des travailleurs �engag�s� arriv�s, de 1848 � 1882, par dizaines de milliers de la c�te orientale de l�Inde (Coromandel) et de la c�te de Malabar. Des immigrants chinois ayant quitt� au XIXe si�cle la r�gion de Canton se sont install�s � La R�union o� ils forment aujourd'hui environ 5 % (env. 40 000) de la population insulaire; il sont appel�s les Sinois. La population compte aussi des Indo-Musulmans du Gujerat arriv�s � la fin du XIXe et au d�but du XXe si�cle; leurs descendants, appel�s les Zarabes bien qu'ils ne soient pas d'origine arabe, constituent environ 3% (env. 23 000) de la population. Les insulaires originaires de Mayotte et des Comores (env. 1000)compl�tent cette mosa�que humaine.

� La R�union, le surnom de Zoreils donn� aux Fran�ais de la M�tropole leur viendrait du fait que, comprenant mal le cr�ole, ceux-ci feraient constamment r�p�ter et passeraient ainsi pour �tre �durs d'oreille�. On rapporte aussi qu'� l'origine les Zoreils auraient �t� des propri�taires blancs qui coupaient une oreille � leurs esclaves marrons afin de les reconna�tre en cas de r�cidive. Le mot Zoreils ou Zorey pourrait aussi venir d�un terme tamoul durey, qui signifie �ma�tre� et d�signerait les Blancs ou ceux qu�on a appel�s les �Ma�tropolitains� (d�apr�s J. Varondin) en raison de leur position �conomique et sociale avantageuse.

La cohabitation des races et ethnies semble assez r�ussie dans ce d�partement fran�ais d'outre-mer. Bien que les M�tis et les Noirs soient les plus nombreux (35 % de la population), tous les groupes sont parfaitement int�gr�s � la vie communautaire. Les hindous, les musulmans et les bouddhistes ont en partie gard� leur religion, alors que les chr�tiens (Blancs, M�tis et Noirs), largement majoritaires et g�n�ralement pratiquants, ont parfois recours � des rites traduisant de lointaines influences africaines. C'est pourquoi on affirme souvent que la R�union forme une soci�t� multiraciale exemplaire d'harmonie et de respect. En somme, La R�union porte bien son nom en tant que creuset d'un peuple aux origines multiples: Fran�ais, puis Malgaches et Indo-Portugais, ensuite Africains suivis des Indiens, des Chinois et des Comoriens.

2.2  La r�partition sur le territoire

Au sein de l'�le, les R�unionnais sont assez in�galement r�partis du point de vue g�ographique, car la moiti� du territoire n'est pas habit�e; en effet, la grande majorit� des insulaires, soit plus de 80 % de la population, habite les zones c�ti�res, l� o� sont situ�es les agglom�rations.

Actuellement, La R�union conna�t un vigoureux essor d�mographique dont le taux de 2,2 % d�passe les normes fran�aises de 0,4 %. Or, cet essor d�mographique inqui�te les autorit�s fran�aises, puisqu'il est aussi g�n�rateur de ch�mage.

La R�union b�n�ficie d'un tissu urbain relativement d�velopp� avec huit villes de plus de 30 000 habitants, dont Saint-Denis (131 557 habitants), Saint-Pierre (68 915), Saint-Paul (87 712), le Tampon (60 320), Saint-Louis (43 500), Saint-Andr� (43 000), Saint-Beno�t (31 560) et Saint-Joseph (30 293).

3.3  Les langues

Au plan linguistique, on compte deux communaut�s importantes � La R�union: les cr�olophones et les francophones. On doit ajouter aussi les petites communaut�s d�origine chinoise, comorienne et tamoule, qui ont conserv� quelques traits de leur langue d'origine. 

- Le cr�ole r�unionnais

La langue maternelle de la majorit� de la population (plus de 55 %) n'est pas le fran�ais, mais le cr�ole r�unionnais qui est d'abord une langue orale que l'on utilise surtout dans les conversations informelles. Selon une enqu�te de l�Insee (Revue �conomie de La R�union, 2010), la grande majorit� des R�unionnais ne parlent que cr�ole durant leur enfance : c�est le cas de huit personnes sur dix parmi celles �g�es aujourd�hui de 16 � 64 ans, et n�es dans l'�le. Les individus qui ne parlent que le fran�ais sont rares (8 %), de m�me que les bilingues (11 %). � l��ge adulte, la pratique exclusive du cr�ole perdure, puisque 53 % des R�unionnais ne parlent encore aujourd�hui que cr�ole dans la vie de tous les jours. Le cr�ole est parl� comme langue maternelle par tous les Noirs, les M�tis, les Indiens et un certain nombre de Blancs descendants des colons fran�ais. Seuls les Blancs m�tropolitains ne parlent pas du tout le cr�ole r�unionnais. La plupart des cr�olophones sont bilingues: ils parlent le cr�ole et le fran�ais. Par ailleurs, la plupart des membres de la communaut� indienne tamoule, dite malabare, sont devenus des unilingues cr�olophones. 

Dans l'�le de La R�union, on peut distinguer sch�matiquement au moins trois types de cr�ole :

1) le �cr�ole des Bas� (du littoral de l'�le), � base de fran�ais, avec un champ lexical � l'origine l�g�rement influenc� par le tamoul;
2) le �cr�ole des Hauts� (des montagnes de l'�le) � base de fran�ais, parl� par les �petits Blancs�;
3) le �cr�ole urbain�, parl� par les Noirs de l'�le, davantage influenc� par le fran�ais. 

Certains observateurs distinguent quelques autres cr�oles, en plus des pr�c�dents: le �cr�ole de Saint-Denis� (apparent� au �cr�ole urbain�), le �cr�ole des Cirques�, le �cr�ole des petits Blancs�, le �cr�ole des cafres�, le �cr�ole des Malabars�, le �cr�ole francis� et le �fran�ais cr�olis�. Ces variations locales ne sont pas sans causer d'�normes probl�mes pour l'�criture du cr�ole de La R�union. Jusqu'ici, deux tendances se sont oppos�e : l'une, inspir�e de l'�criture du fran�ais, repose sur l'�criture �tymologique, l'autre, bas�e sur une �criture phon�tique du cr�ole, est appel�e l�kritir-77 puis l�kritir-83 et ensuite la graphie 200. Pour l'heure, quatre graphies coexistent encore, car la graphie officielle n'est pas encore fix�e.

Le cr�ole parl� � La R�union est � base lexicale de fran�ais avec des apports africains (minimes), indiens (ou indo-portugais) et malgaches. Une partie du vocabulaire fran�ais provient de la langue parl�e par les premiers colons originaires du nord de la France, notamment le gallo et le bas-normand. Parmi le fonds gallo-fran�ais, mentionnons quelques mots: amarrer (�attacher�), ast�r (�� cette heure� ou �maintenant� < astheure), assizer (�s'assoir�), argent braguette (�allocations familiales�), boucan� (�lard fum�), badinage (�jouet�), coq (�sexe m�le�), carreau (�fer � repasser�), coucoune (�m�got de cigarette�), fr�dir (�refroidir�), gra'mound (�personne �g�e� < grand + monde), a'sw�r (�ce soir� < par opposition � �� matin�), bertelle (�sac � bretelle�), lentourage (�cl�ture�), louquer (��pier�), n�n�ne (�nounou�), marmaille (�enfant�), soval (�cheval�), ti p�re (�beau-p�re�), etc.

Le cr�ole a emprunt� aussi des mots aux langues malgaches, car les premiers habitants de l'�le provenaient de Fort-Dauphin (aujourd'hui (Taolonaro) dans l'�le de Madagascar, d'o� de nombreux termes issus de dialectes malgaches. En voici quelques exemples: an misouk (�en cachette�, �� la d�rob�e� < misokosoko), bib (�araign�e� < biby), maf (temps �humide� < mafy), masiak (�m�chant� < masiaka), sakaf (�repas� <sakafo), totoche (�frapper� <totoky), etc.

�tant donn� que l'�le a connu un commerce florissant avec l'Inde, plusieurs mots indiens (�indo-portugais�) ont �t� emprunt�s par les Portugais: bring�le (�aubergine� < port. berinjela), cafre (�Noir� < arabe kafir signifiant �infid�le�), camaron (�grosse crevette� < port. camar�o), figue (�banane� ou �figue d'Inde� < port. figo d'orta), chabouk (�fouet� < hindi sabuk), etc. Voici un petit texte de cr�ole r�unionnais, accompagn� d'une version fran�aise :

Cr�ole r�unionnais Version fran�aise
- Ot� Kr�ol!  Koman y l�?

- Ma bit d�si ti sit sanf�t�spr� � parey le zaf�r l� dos alors ma largue in ti mod�kri pou niabou kass in p� l� kui ansanm zot.

- Mi l� r�yon� dann p�i la franss dan lo sidou�s �pisa mi y�m la lang kr�ol la kom pa posib!

- Sa langkoz� la l� ta nou fo ni sobat pou m�t a li an l�r, pou k� li soi rokon�t kom ninportlak�l zot lang!

- Mi s�y galman niabou �kri bann zistoir, bann krik� kom i di... 

Parlf�t si na d-moun i ral a zot kass in p� l� kui a.

Sobatk�z�r

- Salut cr�ole !  Comment �a va ?

- Je suis tomb� sur le petit site sans le faire expr�s et comme il est sympa (ou �et pareil l'affaire est douce�), alors j'ai envoy� un petit mot pour essayer de plaisanter avec vous.

- Je suis r�unionnais, (j'habite) en France, dans le Sud-Ouest et puis j'aime la langue cr�ole comme c'est pas possible !

- Cette langue parl�e, elle est � nous; il faut qu'on se batte pour la mettre en avant, pour qu'elle soit reconnue comme n'importe quelle autre langue !

-  J'essaye �galement de venir � bout d'�crire des (une bande) histoires, des contes comme on dit...

- Au fait, s'il y a des personnes int�ress�es, allons plaisanter (discuter ensemble).

Sobatk�z�r

Cependant, cette graphie (non officielle) du cr�ole est rejet�e par la majorit� de la population cr�olophone qui l'estime biais�e.

Le tableau qui suit pr�sente un petit corpus permettant de comparer le cr�ole r�unionnais avec le cr�ole rodriguais (�le Rodrigues) et le cr�ole mauricien (�le Maurice):
 
Fran�ais Cr�ole r�unionnais Cr�ole rodriguais Cr�ole mauricien
Peuples cr�oles du monde entier,
donnons-nous la main.
Anou p�p kr�ol dan lo Monn anty� anon m�t ansanm. Tou kreol lor la ter, anou marye pyke. Tou dimoune ki koz langaz kreol anou mars ansam.
Le cr�ole ne repr�sente pas qu'une langue ou qu'un groupe ethnique, mais toute une philosophie. Kr�ol i arpr�zant pa zis inn lang oubyin in group etnik: li l� osi inn filozofi. Kreol li pa selman enn lang ou enn bann dimoun, li enn filozofi oussi. Kreol pa zis enn langaz ou enn group etnik; li ousi enn filozofi.
Nous sommes cr�oles, et donc nous parlons cr�ole. Nou l� kr�ol, nou koz kr�ol. Nou kreol, nou koz nou lang. Nou finn ne kreol, alor nou noz kreol.
Le cr�ole est la puissante langue de notre patrie, car il est parl� par tout le monde. Lo kr�ol l� la lang lo pli gaby� nout nasyon parsk� tout domoun i koz ali.  Kreol li enn gran lang kot nou parski tou dimoune kose li. Langaz kreol pli gran patrimwann nou pei parski tou dimounn koz li.

- Le fran�ais

En r�alit�, le fran�ais est parl� comme langue maternelle par moins de 1 % des insulaires. Les seuls Blancs � ne parler QUE le fran�ais standard sont les M�tropolitains de passage, c'est-�-dire les Zoreils (ou Zoreys). Cependant, c'est de moins en moins la r�alit�, car les enfants de cr�olophones �lev�s en fran�ais sont nombreux, sans oublier ceux n�s d'un mariage mixte. Et il y a �galement des M�tropolitains install�s sur l'�le depuis deux ou trois g�n�rations, pour lesquels le cr�ole n'a plus de secret. Ceux-ci ont tendance � avoir un emploi garanti et une influence dominante dans les postes d'encadrement et dans les centres de recherche, ainsi que dans les domaines du commerce, de l'enseignement, de la sant� et des m�dias. M�me si les Blancs ne constituent qu'une communaut� linguistique (plus privil�gi�e) parmi d'autres, ils peuvent compter sur le fait que la majorit� de la population conna�t le fran�ais comme langue seconde parce que c'est la langue de l'enseignement, de l'administration et des rapports formels.

Par ailleurs, le fran�ais parl� par les R�unionnais est un fran�ais local, appel� fran�ais r�unionnais, avec des archa�smes (lexicaux et phon�tiques), des cr�ations ou n�ologismes particuliers, sans oublier les emprunts au �parler des �les�, au malgache, � l'indo-portugais et au tamoul.

En 1974, le linguiste fran�ais Robert Chaudenson avait propos� un sch�ma pour illustrer comment s'est constitu� le lexique de ce �fran�ais r�unionnais�. Il d�nombrait alors 1274 n�ologismes, 689 archa�smes, 95 termes malgaches, 72 termes indo-portugais, 67 termes du �parler des �les� et 62 termes tamouls.

Pour Robert Chaudenson, le fran�ais parl� et le cr�ole formeraient un continuum, puisqu'ils puisent dans les m�mes sources.

Enfin, il faudrait aussi signaler la pr�sence d�un fran�ais cr�olis� (form� de deux variantes du cr�ole) parl� encore par les descendants des colons fran�ais. On oppose ainsi les �Blancs des Hauts� (les Yab) parlant un fran�ais cr�olis� dit �acrolectal�, assez proche du fran�ais, et les �Blancs des Bas� parlant ce fran�ais cr�olis� dit �basilectal�, couramment appel� cr�ole cafre. Cette variante du cr�ole est parl�e non seulement par les �Blancs des Bas�, mais aussi par la population cafre (les descendants des esclaves noirs) et la population malabare (qui constituait la majorit� de la main-d�oeuvre des usines sucri�res implant�es sur le littoral). Mais cette derni�re vari�t� n�est plus vraiment utilis�e comme langue maternelle, alors que, semble-t-il, c'�tait encore le cas dans les ann�es 1970. Il s�agit maintenant d�un fran�ais cr�olis� parl� occasionnellement par la population prol�taris�e de La R�union afin d�exprimer son identit� culturelle par apport aux Fran�ais (�Blancs des Hauts�). Ce fran�ais cr�olis� a tendance � se rapprocher de plus en plus du cr�ole r�unionnais des Noirs et des M�tis.

Comme on peut s'y attendre, le statut des langues dans l'�le n'est pas le m�me pour chacune d'elles. Bien que la grande majorit� de la population parle le cr�ole r�unionnais, le fran�ais est demeur� la langue du prestige et du pouvoir, par� de toutes les vertus, tandis que le cr�ole est rest� socialement d�valoris�, consid�r� comme un �patois�, accus� m�me de favoriser le sous-d�veloppement �conomique. En tant que langue de l'administration, de l'�cole et des m�dias, le fran�ais sert d'instrument de promotion sociale. N�anmoins, le cr�ole r�unionnais, sans oublier le fran�ais r�unionnais, reste un puissant catalyseur de l'identit� r�unionnaise. De plus en plus, les publicitaires, les politiciens et les pr�dicateurs l'utilisent pour mieux faire passer leur message, et des �crivains en ont d�velopp� une expression litt�raire importante.

- Le tamoul

Th�oriquement, la seconde langue la plus utilis�e � La R�union aurait pu �tre le tamoul (une langue dravidienne), car la communaut� indienne repr�sente environ 18 % de la population. Jusqu'� r�cemment, les langues d'origine des derniers immigrants indiens et chinois avaient pu se maintenir dans des emplois limit�s � l'int�rieur du groupe familial ou de la communaut� ethnique. Cependant, depuis quelques ann�es, les jeunes g�n�rations de R�unionnais d'origine tamoule tendent � s'assimiler beaucoup plus rapidement que leurs parents. Le mot tamoul r�f�re g�n�ralement dans l'�le � des pratiques religieuses. L'hindouisme est la seconde religion de l'�le, le catholicisme �tant la premi�re. On peut affirmer que l'usage de la langue tamoule reste aujourd'hui confin�e au domaine sacr� et qu'elle se maintient uniquement lors des rituels religieux, mais son emploi tend � p�ricliter au profit du sanskrit. Dans les faits, le tamoul n'est rest� une langue maternelle que pour ceux qui sont issus de familles pondich�riennes, soit ceux qui proviennent depuis peu du territoire de Pondich�ry (Inde) pour venir enseigner cette langue aux R�unionnais, ce qui correspond � quelques centaines de locuteurs.

On emploie aussi les termes Malbars ou Malabars, (Indiens hindouistes) et Zarabes (Indiens musulmans) pour d�signer les R�unionnais d'origine indienne, mais g�n�ralement le mot Tamouls suffit. Les Tamouls r�unionnais d'aujourd'hui parlent normalement le cr�ole, car le tamoul est devenu une langue seconde extr�mement minoritaire. Cela �tant dit, les �Tamouls� ont d�j� influenc� la langue cr�ole, que ce soit au plan du lexique ou de la syntaxe. C'est pourquoi on ne saurait oublier les mots d'origine tamoule, utilis�s soit dans l'ensemble du cr�ole r�unionnais, soit uniquement par la communaut� tamoule cr�olis�e: 

Araque : l'une des appellations du rhum blanc.
Argamasse : sorte de stuc ou de ciment. 
Atchkhan : sorte de longue redingote de toile �paisse jadis typique des Gujarats.
Atik� : bijou f�minin malabar.
Bal tamoul : forme de th��tre populaire d�inspiration religieuse.
Cabri : bouc destin� au sacrifice ou tout caprin dont la viande est utilis�e pour la pr�paration des aliments.
Cafre : appellation populaire pour les descendant d�esclaves africains.
Co�lou : temple hindou. 
Cotonmili : nom local de la coriandre. 
Illasi : graine de cardamome.
Jako ou zako : singe.
Jacque ou zak : fruit du jacquier.
Jamblon  ou zamblon : nom d'un fruit.
Kini iu vatti : assiette de cuivre.
Lambrequin : d�coration architecturale typique de la case cr�ole.
Monestarlon : partie du temple o� est plac�e la statue divine.
Morlon : tambour � deux peaux, d�assez grande taille.
Nad� : rivi�re.
Padom : image repr�sentant une divinit�.
Pard� : char fun�bre, cercueil.
Pisas : signifiant �d�mon� ou �esprit malfaisant�.
Safran : nom couramment donn� au curcuma.
Tali : anneau d�or ou joyau symbole du mariage.
Tambi : mot utilis� en cr�ole pour interpeller un homme ou un gar�on plus jeune que soi.
Vad� : �bonbon piment�.
Vivargom : un des noms du mariage tamoul.
Yargom : offrande, sacrifice ou pri�re.

Cela �tant dit, les influences tamoules dans le lexique demeurent moins importantes que les archa�smes de l'ancien fran�ais et les cr�ations lexicales (n�ologismes) �� la fran�aise�. 

- Le chinois

La communaut� chinoise repr�sente environ 40 000 personnes. Plus de 12 000 d'entre eux parlent le chinois cantonais et, pratiquement le m�me nombre, le chinois hakka. Moins de 3000 autres parlent le chinois mandarin. Les autres parlent le fran�ais r�unionnais et/ou le cr�ole. En fait, les Chinois �g�s de moins de 40 ans ne parlent g�n�ralement plus le chinois, car ils ont �t� francis�s et occidentalis�s, sinon christianis�s. Pour beaucoup de Chinois, leur langue ancestrale est devenue, au mieux, une langue qu'ils apprennent comme langue seconde. Ce n'est pas pour rien que les �Chinois de Chine� les qualifient de �bananes�, parce qu'ils seraient �jaunes � l'ext�rieur, blancs � l'int�rieur�.

3 Donn�es historiques

Il semble bien que les Arabes soient les premiers d�couvreurs de La R�union, bien qu'ils ne l'aient jamais exploit�e. Une carte de 1153, dress�e par le g�ographe arabe, Al Sharif el-Edrissi, montre que les trois �les des Mascareignes portaient les noms de Dina Arobi (�le Maurice), Dina Margabin (�le de La R�union) et Dina Moraze (�le Rodrigues). La l�gende voudrait que, parmi les Europ�ens, ce soient des navigateurs portugais qui s'y seraient d'abord int�ress�s. On ne sait pas exactement si ce fut Tristan de Cunha qui aurait d�couvert l'�le ou plut�t Diego Fernandes Pereira, Diego Lopes de Segueira ou Pedro Mascarenhas. De plus, les dates varient d'un historien � l'autre. On sait cependant que l'actuelle �le de La R�union a �t� abord�e, le 9 f�vrier 1507, le jour de la Sainte-Apolline, et qu'elle a �t� baptis�e Santa Apolonia.

Lorsque les navigateurs portugais se rendaient aux Indes, l'�le Santa Apolonia leur servait d'escale sur la route des �pices. Ainsi, Diego Lopes de Sequeira a d�barqu� sur l'�le en 1509 et Pedro Mascarenhas en 1512; le pilote Diego Fernandez Pereira a signal� l'�le en 1516 pour qu'elle figure sur les cartes. En 1520, le navigateur Pedro Mascarenhas nomma Islas Mascarenhas (en fran�ais: �les des Mascareignes) l'archipel r�unissant les �les Maurice, Rodrigues et Santa Apolonia; de retour des Indes en 1528, le navigateur Mascarenhas fit escale � Santa Apolonia pour d�charger une cargaison de porcs, de ch�vres, de boeufs et de singes, qu'il laissa en libert�; ainsi, lorsque les circonstances s'y pr�taient, les navigateurs portugais accostaient et d�posaient leur trop plein, que ce soit des plantes, des fleurs ou des animaux. Enfin, le 24 mars 1613, un pirate anglais, Blackwelle, s'y arr�ta et lui donna le nom de England's Forest parce qu'il trouva l'�le fort bois�e.

En somme, l'�le Santa Apolonia semblait susciter tellement peu d'int�r�t que Portugais, Hollandais et Anglais y d�barqu�rent sans m�me en prendre possession. D'apr�s les r�cits de l'�poque, il �tait tr�s difficile d'accoster � l'�le en raison des accidents de terrain sur le littoral; c'est ce qui expliquerait ce manque d'int�r�t envers l'�le de la part des navigateurs du XVIe si�cle. De son c�t�, l'�le Maurice, plus au nord, b�n�ficia d'un int�r�t plus marqu� en raison de ses c�tes qui, davantage �rod�es et accueillantes, paraissaient plus abordables pour les navires.

3.1   Une bien timide possession fran�aise

C'est seulement en 1638 que l'�le Santa Apolonia fut abord�e par un voilier fran�ais, le Saint-Alexis. Ce navire, parti de Dieppe le 15 janvier, se dirigeait vers les Indes. Apr�s avoir accost� en juin � l'�le Rodrigues dans l'archipel des Mascareignes, le commandant du Saint-Alexis, Allonse Goubert, aurait pris possession de l'�le Santa Apolonia vers la fin du m�me mois en attachant � un tronc d'arbre un blason aux armes du roi Louis XIII. Cette coutume, fr�quente � l'�poque, aurait �t� utilis�e �galement par les Hollandais pour l'�le Maurice. Toutefois, aucun Fran�ais ne demeura sur l'�le Santa Apolonia. �videmment, il ne reste aujourd'hui aucune trace visible de la �prise de possession pour le Roy� par les navigateurs fran�ais de cette �le jusque-l� inhabit�e.

En 1642, le gouverneur de l'�le de Madagascar, Jacques de Pronis, embarqua sur un navire de la Compagnie fran�aise de l'Orient fond�e par le cardinal de Richelieu (ministre de Louis XIII). De Pronis prit � nouveau possession de l'�le qu'il nomma Mascarin et y planta un drapeau � un endroit qui se nomme encore aujourd'hui �La Possession�. Puis, il poursuivit sa route vers l'�le de Madagascar pour exercer ses fonctions. En 1646, une douzaine de mutins de l'�le de Madagascar se rebell�rent contre les autorit�s fran�aises install�es � Fort-Dauphin (au sud de l'�le). Plut�t que de les ex�cuter ou de les livrer aux Malgaches, le gouverneur Jacques de Pronis d�cida de les exiler sur l'�le Mascarin (aujourd'hui La R�union).

En 1649, �tienne de Flacourt, envoy� par la Compagnie de l'Orient � Fort-Dauphin pour r�tablir l'ordre � Madagascar, retourna Jacques de Pronis en France. Apr�s avoir rapatri� les 12 mutins qui furent retrouv�s en excellente sant�, le gouverneur de Flacourt (mandat de 1648 � 1655) se mit � s'int�resser � l'�le Mascarin. En d�cembre 1649, �tienne de Flacourt et le capitaine du Saint-Laurent, Roger Lebourg, prirent pour la seconde fois possession de l'�le au nom du roi Louis XIV; cette fois, ils baptis�rent l'�le du nom de Bourbon, en l'honneur de la dynastie r�gnante. Mais en dehors des animaux que les marins d�posaient � chacun de leur passage, la toute �nouvelle� �le Bourbon resta vide de tout habitant.

� la suite d'une nouvelle r�volte � Madagascar, le gouverneur de Flacourt exp�dia � l'�le Bourbon (La R�union) le chef des mutins avec 13 compagnons, six Noirs, quelques animaux et des semences. Ces Fran�ais s'�tablirent � Saint-Paul, mais ils quitt�rent tous l'�le Bourbon apr�s qu'un cyclone eut d�vast� leurs plantations. Ainsi, il ne subsiste aujourd'hui aucune population d'origine fran�aise de cette �poque dite �pr�coloniale�. Quant � la colonie de Madagascar, elle p�riclita apr�s le d�part d'�tienne de Flacourt en 1655, car ses successeurs n'eurent pas sa valeur. La Compagnie des Indes orientales fit moins de profit, les navires vinrent plus rarement et les colons se d�courag�rent. Fort-Dauphin fut m�me abandonn� en 1674.

3.2  La colonisation fran�aise (1664-1764)

La colonisation r�elle de l'�le Bourbon (La R�union) fut le r�sultat de la politique du ministre Colbert. Pour ce dernier, l'�le Bourbon devait servir d'escale, c'est-�-dire �tre une �tape vers la conqu�te de l'�le de Madagascar. Pour concurrencer les autres pays europ�ens, Louis XIV et Colbert cr��rent la Compagnie des Indes orientales en 1664. Afin d'attirer des capitaux, ils lui accord�rent un monopole commercial dans l'oc�an Indien pendant 50 ans et lui donn�rent la souverainet� de Madagascar, ainsi que des �les voisines et des futurs territoires � conqu�rir. 

La Compagnie des Indes orientales avait pour mission d'assurer la mise en valeur de l'�le Bourbon et de son d�veloppement gr�ce aux plantations de caf�. Les voyages �tant longs (de quatre � six mois, souvent davantage), la Compagnie des Indes installa des comptoirs commerciaux dans l'oc�an Indien, notamment en Afrique et � Madagascar (Fort-Dauphin), puis dans l'archipel des Mascareignes (�le Bourbon) et en Inde.

L'�le Bourbon re�ut ses premiers colons en 1665 et c'est � partir de cette date qu'on atteste la pr�sence des femmes sur l'�le. Cette colonie naissante �tait compos�e d'une vingtaine de personnes dirig�es par �tienne R�gnault de la Compagnie des Indes, le premier �commandant� officiel de Bourbon. En 1667, plus de 200 Fran�ais d�barqu�rent � l'�le et, en 1671, un nouveau contingent de 13 nouveaux colons arriva de Madagascar; ils �taient accompagn�s de quelques esclaves noirs et cinq d'entre eux �taient avaient une �pouse malgache. La p�nurie des femmes d'origine fran�aise fut signal�e d�s 1674: �Les malheureux colons demandent des femmes, la plupart ayant �t� contraints d'�pouser des n�gresses, leurs esclaves.�  Quelques ann�es plus tard, on r�ussit � faire venir quelques filles fran�aises �recrut�es�  � l'H�pital g�n�ral de la Salp�tri�re (Paris) et jug�es �aptes pour les isles�. En novembre 1678, quatorze jeunes filles en provenance de l'Inde s'install�rent dans l'�le et se firent imm�diatement �pouser; elles furent � l'origine de 109 naissances r�unionnaises. En 1690, la population de Bourbon comptait encore 200 habitants, surtout des Fran�ais, mais aussi des Italiens, des Espagnols, des Portugais, des Allemands, des Anglais, des Hollandais, des Indiens et des Malgaches (esclaves). � la toute fin du XVIIIe si�cle, l'�le Bourbon comptait 297 femmes sur un total de 734 habitants.

D�s le d�but de la colonisation de l'�le Bourbon, il a exist� une pratique de l'esclavage, alors que cette pratique �tait interdite par un �dit royal de 1664. Afin de contourner cet �dit, le terme �esclave� ne fut pas employ�; on parlait plut�t de �serviteurs�, de �domestiques� ou de �Noirs�.

De 1713 � 1732, la population r�unionnaise augmenta de 1171 habitants � 8000 (dont 6000 Noirs). En 1715, des commer�ants de Saint-Malo (France) introduisirent � l'�le Bourbon des plants de caf� d'Arabie, ce qui assura une grande prosp�rit� et attira de nouveaux immigrants. Puis la Compagnie des Indes orientales fit abandonner la culture du caf� et introduisit celle du coton, du tabac et de l'indigo. Cependant, l'un des gouverneurs de l'�poque, Mah� de la Bourdonnais, favorisa plut�t l'�le de France (aujourd'hui l'�le Maurice) parce que, d'une part, l'�le Bourbon paraissait trop montagneuse pour les grandes cultures, d'autre part, les d�sordres sociaux �taient fr�quents chez les insulaires de Bourbon. Les nouvelles cultures de l'�le Bourbon ne connurent pas le succ�s escompt�, sauf celles du girofle, de la muscade et de la vanille. En 1764, la Compagnie des Indes orientales fit faillite. Le roi de France racheta l'�le Bourbon.

3.3  La pratique de l'esclavage

Comme l'�le avait besoin de main-d'oeuvre pour la culture du caf�, des �pices et, plus tard, de la canne � sucre, les colons eurent recours � l'esclavage pour d�velopper l'�conomie de Bourbon. Les premiers esclaves malgaches d�barqu�rent d�s 1671. On sait que, le 28 ao�t 1670, � la demande du ministre Colbert, le Conseil d'�tat du royaume officialisait la pratique de l'esclavage en France. Aux Antilles, l'esclavage avait vite assur� la prosp�rit� �conomique des colons. En mars 1685, �tait proclam� le fameux  Code noir, une ordonnance de Louis XIV destin�e � r�glementer et � temp�rer le r�gime de l'esclavage, et pr�cisant les devoirs des ma�tres et des esclaves.

C'est un fait connu que ce Code noir, qui resta en vigueur dans toutes les Antilles et en Guyane fran�aise jusqu'en 1848 (date de l'abolition d�finitive de l'esclavage par la France), fut rarement respect�, les exploitants n'en ayant fait bien souvent qu'� leur t�te.

� l'�le Bourbon, aucun texte officiel ne semble avoir �tendu l'application du Code noir. N�anmoins, les gouverneurs s'en inspir�rent tr�s rapidement et adopt�rent des d�crets calqu�s sur le mod�le antillais, car les Fran�ais import�rent des Noirs d�s la fin du XVIIe si�cle. En 1696, l'�le comptait 269 habitants, dont 200 Blancs et 69 Noirs. En 1700, on d�nombrait 750 habitants mais 320 Noirs. En 1704, la population de l'�le avait tripl�: on y recensait 734 habitants dont 423 Fran�ais (hommes et femmes), 311 esclaves et quatre Noirs affranchis appel�s �domestiques�. Les historiens on not� une l�g�re progression en 1708 avec 894 habitants (507 Blancs et 387 Noirs), puis, en 1711, Bourbon avait franchi le cap des 1000 habitants avec 557 Blancs et 467 Noirs. Les Noirs demeur�rent moins nombreux que les Blancs jusqu'en 1713 alors qu'on d�nombrait 1171 habitants (633 Blancs et 538 Noirs).

En 1723, le c�l�bre Code noir de 1685 fut adapt� � l'usage des Mascareignes et les lettres patentes de Louis XV, sous forme d'�dit, furent enregistr�es dans la ville de Saint-Paul, le 18 septembre 1724, par le Conseil sup�rieur de Bourbon. Ce nouveau Code noir adapt� � la situation de l'�le Bourbon favorisa, d�s 1725, l'arriv�e de milliers d'esclaves qui venaient en majorit� de l'�le de Madagascar et de l'Afrique orientale pour y cultiver le caf� et les plantes � �pices. Cette main-d'œuvre abondante paraissait n�cessaire pour permettre � la Compagnie des Indes orientales de poursuivre l'expansion �conomique de Bourbon.

Mais les esclaves n'attendirent pas l'abolition de l'esclavage en 1848 pour tenter d'�chapper � leur asservissement et retrouver leur libert�. Ce ph�nom�ne d�sign�, rappelons-le, sous le nom de marronnage, tant aux Antilles que dans l'oc�an Indien, reste ins�parable de l'histoire de l'esclavage � Bourbon, o� il prit une ampleur particuli�re au milieu du XVIIIe si�cle.

En 1732, la population de l'�le atteignait plus de 8000 habitants, dont 6000 esclaves noirs. Les esclaves de Bourbon �taient recrut�s en Afrique de l'Est, � partir des comptoirs arabes ou portugais du Mozambique et de Madagascar. Le bond le plus spectaculaire se produisit entre 1735 et 1765, car les esclaves �taient pass�s de 6000 � 21 000 pour une population de quelque 25 000 habitants, les Noirs �tant d�finitivement majoritaires.

Au moment o� l'�le Bourbon �tait rachet�e (1764) de la Compagnie des Indes orientales par le roi, de nouveaux immigrants arriv�rent de France, mais aussi des Noirs d'Afrique et des Comores, puis des femmes fran�aises, malgaches, indiennes et portugaises.

Gr�ce � Pierre Poivre, commissaire ordonnateur et intendant g�n�ral des �les de France et de Bourbon (1767-1772), l'archipel des Mascareignes devint une colonie, prosp�re, organis�es et envi�e. En effet, Poivre y introduisit l'imprimerie, acclimata quantit� d'�pices (girofle, muscade, poivre, cannelle, etc.) et des dizaines d'esp�ces v�g�tales, favorisa la culture des arbres fruitiers, fut l'auteur des premi�res lois de protection de la nature, et assainit le climat moral et social des Mascareignes en am�liorant le sort des esclaves.

Mais l'importation des esclaves a eu des cons�quences au plan de la composition ethnique: elle a eu pour effet de modifier profond�ment la population d'origine, puisqu'on comptait 29 000 esclaves en 1779 sur une population de quelque 36 000 habitants. Lorsque la R�volution fran�aise �clata en 1789, on comptait � Bourbon 61 300 habitants, dont 10 000 Blancs, 1200 affranchis (domestiques) et 50 000 esclaves.

En 1793, au cours de la R�volution fran�aise, apr�s l'ex�cution de Louis XVI, l'�le fut rebaptis�e par la Convention et appel�e �le de La R�union en souvenir de la �r�union� des Marseillais et de plusieurs bataillons de la Garde nationale lors de l'assaut du palais des Tuileries; cette fusion avait permis le renversement de la monarchie.

Le 27 juillet 1793, la Convention de Paris proclama l'interdiction de la traite et, quelques mois plus tard, le 4 f�vrier 1794, celle de l'esclavage. Le d�cret prescrivait �l'abolition imm�diate� et ne pr�voyait aucune disposition sur le d�dommagement des propri�taires ou sur l'avenir des �populations lib�r�es�. L'Assembl�e coloniale de l'�le de La R�union (et celle de l'�le de France) se pronon�a contre ce d�cret et r�clama avec insistance � la Convention sa suppression pure et simple. Les R�unionnais n'obtinrent qu'un sursis et d�cid�rent alors de ne pas appliquer le d�cret d'abolition. L'�le de La R�union continua de pratiquer l'esclavage en toute impunit�, malgr� l'ill�galit� de la situation.

Le 20 mai 1802, le premier consul de la R�publique, Napol�on Bonaparte, r�tablit partiellement l'esclavage. Les int�r�ts �conomiques avaient eu raison des id�aux r�volutionnaires de libert� et de d'�galit�. Les colons r�unionnais qui n'avaient pas appliqu� le d�cret de la Convention nationale furent �videmment rassur�s. Au grand soulagement de tous, presque toutes les r�formes de la R�volution furent �galement supprim�es, y compris la D�claration des droits de l'homme et du citoyen adopt�e en 1789 par l'Assembl�e nationale: �Les hommes naissent et demeurent libres et �gaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent �tre fond�es que sur l'utilit� commune.�

En 1803, le g�n�ral Charles Mathieu Isidore Decaen (ou de Caen) envoy� par Bonaparte (alors premier consul) d�barqua sur l'�le pour imposer le nouveau r�gime. En 1806, l'�le Bourbon fut encore rebaptis�e, cette fois du nom de l'empereur des Fran�ais, �le Bonaparte. La colonie fut aussit�t prise en mains par les administrateurs nomm�s par Bonaparte et l'�le perdit peu � peu toute son autonomie; les dirigeants locaux furent soumis aux d�cisions des administrateurs de l'�le de France (aujourd'hui �le Maurice). En 1808, on d�nombrait 65 000 esclaves � l'�le Bonaparte. Mais les rivalit�s franco-britanniques, d�j� virulentes aux Antilles, se propag�rent dans l'oc�an Indien: dans l'archipel des Mascareignes, l'archipel des Seychelles, l'archipel des Comores et l'�le de Madagascar  (voir la carte du sud-ouest de l'oc�an Indien). La situation devint d'autant plus tragique � l'�le Bonaparte (La R�union) que les Anglais avaient organis� un blocus naval, et la disette fit des ravages.

3.4  L'occupation anglaise

En 1810, les Anglais envahirent l'archipel des Mascareignes apr�s avoir occup� l'�le Rodrigues l'ann�e pr�c�dente, s'empar�rent de l'�le de France (Maurice) et, le 7 juillet 1810, d�barqu�rent � l'�le Bonaparte (La R�union), plus pr�cis�ment � Saint-Denis. Le nouveau commandant, Sir Farquhar qui, comme tous les Anglais de l'�poque, d�testait Napol�on, s'empressa de d�baptiser l'�le qui reprit son nom de Isle of Bourbon. Quant � l'�le de France, elle retrouva son ancien nom: Mauritius.

L'occupation anglaise dura cinq ans � l'Isle of Bourbon et se r�v�la g�n�ralement n�gative pour les R�unionnais. D'ailleurs, durant l'occupation anglaise, les esclaves se soulev�rent et plusieurs Blancs furent tu�s.

Apr�s la d�faite de Waterloo, les diplomates fran�ais r�ussirent � faire inclure, dans les clauses du second trait� de Paris du 20 novembre 1815, non seulement la r�trocession � la France des �les Saint-Pierre et Miquelon, mais aussi de l'�le Bourbon. Quant � l'�le de France (Maurice) et � l'�le Rodrigues, elles rest�rent dor�navant anglaises. En somme, l'occupation anglaise aux Mascareignes aura �t� � l'origine de la s�paration du destin des trois �les en deux entit�s politiques distinctes: l'�le de France (Maurice) et l'�le Rodrigues devinrent anglaises, alors que l'�le Bonaparte � qui avait repris le nom de Bourbon � redevint fran�aise, ce qui en fit le seul territoire sous administration fran�aise dans cette partie de l'oc�an Indien, car l'archipel des Seychelles �tait pass� aux mains des Anglais. Cependant, plus pr�s de l'Afrique, l'archipel des Comores et l'�le de Madagascar rest�rent sous souverainet� fran�aise.

3.5  L'abolition de l'esclavage

L'abolition de la traite des esclaves fut d�cr�t�e par les �tats-Unis en 1807 et par la Grande-Bretagne en 1808. En France, bien que Louis XVIII e�t r�tabli la Constitution de 1763 ainsi que l'esclavage, il d�t se r�soudre � l'abolir le 8 janvier 1817. En 1818, l'�le comptait 16 400 Blancs, 3496 affranchis et... 70 000 esclaves.

Il n'en demeure pas moins que l'importation d'esclaves cessa pratiquement apr�s 1817, m�me si la pratique de l'esclavage continuait. D'ailleurs, devant les besoins de main-d'oeuvre, les grands propri�taires de l'�le commenc�rent en 1828 � recruter des �engag�s�, c'est-�-dire des travailleurs libres recrut�s en Inde, puis en Chine (1844), pour une p�riode d�termin�e et contre r�mun�ration. Lors de l'abolition effective de l'esclavage en 1848, les travailleurs indiens et chinois seront d�j� au nombre de 3000. Un autre probl�me surgit � ce moment-l�: la paup�risation des Blancs. Graduellement d�poss�d�s de leur terre et ruin�s, les petits propri�taires de La R�union commenc�rent � former une nouvelle classe sociale, celle des Blancs �pauvres�. Le sort de ces �petits Blancs� devint la principale pr�occupation des administrateurs lors la premi�re moiti� du XIXe si�cle. Devant le manque de solution, beaucoup de ces �petits Blancs� se retir�rent dans les montagnes pour vivre en toute libert� comme bon leur semblait, un peu comme les esclaves marrons et un peu �galement comme les �coureurs des bois� au Canada sous le R�gime fran�ais.

L'abolition de l'esclavage devint d�finitive lorsque le sous-secr�taire d'�tat � la Marine charg� des colonies, Victor Schoelcher (1804-1893), d'origine alsacienne, fit adopter le d�cret d'abolition de l'esclavage du 27 avril 1848. En tant que membre du gouvernement (provisoire), Victor Schoelcher choisit le receveur g�n�ral des Finances, Joseph-Napol�on Sarda-Garriga (1808-1877), pour occuper le poste de commissaire g�n�ral de la R�publique � l'�le Bourbon. Arriv� le 13 octobre 1848 � l'�le de La R�union, Sarda-Garriga fut charg� de pr�parer l'abolition effective de l'esclavage; l'Assembl�e coloniale lui demanda de reporter l'application du d�cret � la fin de la campagne sucri�re. Sarda-Garriga refusa, promulgua le d�cret le 19 octobre, mais fixa au 20 d�cembre la date de l'�mancipation des esclaves. Au moment de la proclamation officielle de l'esclavage, 60 318 habitants sur 108 829, soit 55 % de la population, recouvr�rent la libert�. Entre-temps, soit le 6 septembre 1848, l'�le avait repris d�finitivement le nom de La R�union.

Devenu c�l�bre dans toutes les colonies fran�aises, Victor Schoelcher revendiqua aussi l'application du droit commun partout et m�me la d�partementalisation pour la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane fran�aise et La R�union, mais il �choua sur cette question; on sait que les quatre colonies ne deviendront des d�partements qu'en 1946.

Bien s�r, au terme de cette douloureuse p�riode, la colonie r�unionnaise s'�tait majoritairement peupl�e d'habitants noirs et la langue maternelle de tous �tait devenue le cr�ole r�unionnais. Cependant, contrairement au cr�ole martiniquais et guadeloup�en, le cr�ole r�unionnais a largement emprunt� aux langues malgaches; c'est pourquoi celui-ci est sensiblement diff�rent des cr�oles antillais (Guadeloupe, Martinique, Dominique) en ce qui a trait au vocabulaire de base. C'est vers les ann�es 1840 seulement que les Noirs furent christianis�s par l'�glise catholique. Auparavant, les Noirs �taient certes baptis�s, mais pour ensuite �tre laiss�s � eux-m�mes; par ailleurs, beaucoup de pr�tres poss�daient des esclaves.

Enfin, l'ann�e 1848 ouvrit la voie au m�tissage de la population. De nombreux mariages entre Blancs et esclaves (interdits avant 1848) furent l�galis�s entre 1850 et 1860. � partir de cette p�riode, les mariages interraciaux se sont � ce point multipli�s qu'ils sont devenus la norme. Parmi les �pouses potentielles, on trouve des Malgaches et des Indiennes, mais aussi des m�tisses indo-portugaises venues du comptoir commercial de Goa (sous administration portugaise). D�sormais, il n'y eut plus � La R�union de cloison �tanche entre Blancs, M�tis et Noirs. N�anmoins, la France imposa � La R�union comme dans toutes ses colonies le Code de l�indig�nat qui correspondrait aujourd'hui � une autre forme d�guis�e d�esclavage des populations autochtones en les d�pouillant de toute leur identit�. Gr�ce aux pratiques discriminatoires impos�es par le Code de l'indig�nat (en vigueur de 1887 � 1946), les Blancs continu�rent de jouir de privil�ges consid�rables.

3.6   Les travailleurs immigr�s

La suppression de l'esclavage ne pouvait que nuire � l'�conomie sucri�re de La R�union qui ne pouvait supporter des co�ts de main-d'oeuvre importants. C'est pourquoi, d�s 1817 (au moment d'un autre de ces essais d'abolition), les grands propri�taires terriens de La R�union compens�rent la diminution des esclaves par une importation d'engag�s et de travailleurs immigr�s volontaires, tous r�mun�r�s, originaires de diff�rentes r�gions de l'Inde, puis de la Chine. Rappelons que la France contr�lait des comptoirs commerciaux indiens dans les villes de Pondich�ry, Chandernagor, Yanaon, Karikal et Mah�; ces comptoirs ont fourni quelques milliers d'engag�s dans les colonies fran�aises de l'oc�an Indien: �le Maurice, �le Rodrigues, La R�union, les Seychelles et les Comores. En 1848, lors de l'abolition de l'esclavage, les engag�s indiens et chinois �taient d�j� plus de 6500 � La R�union.

� l'exemple des grands propri�taires de l'�le de France (Maurice), ceux de La R�union avaient fait d'abord appel � des travailleurs libres venus de l'Inde. Ceux-ci �taient r�put�s �tre dociles, mais l'exp�rience s'av�ra d�cevante, les Indiens pr�f�rant se livrer au vagabondage plut�t que de travailler dans les plantations. Vers 1843, l'introduction de ces travailleurs indiens �tait � son plus bas, car les propri�taires r�unionnais ne voulaient plus de leurs engag�s indiens qui, selon eux, se battaient, volaient et travaillaient mal. Il faut signaler que ces �engag�s� �taient peut-�tre officiellement libres, mais ils ont longtemps �t� trait�s comme des esclaves. On comprend d�s lors pourquoi les Indiens ont refus� de perp�tuer leur condition d'esclave.

Le gouvernement de La R�union d�cida donc de faire appel aux Chinois. Ceux-ci arriv�rent dans la colonie peu de temps apr�s la promulgation de l'arr�t� de 1843, donc en juin 1944, avec les 54 premiers Chinois. Le contrat d'engagement pr�voyait des frais pour le retour des Chinois � la fin de leur contrat d'une dur�e de cinq ans. Voici ce qu'on prescrivait au sujet de la langue: 

Les contrats d'engagement seront re�us par M. le Consul de France et devront �tre r�dig�s en langue fran�aise et dans une langue connue par les engag�s afin qu'ils puissent bien comprendre toutes les clauses.

Ces travailleurs pouvaient aussi �tre employ�s �au service du gouvernement�, que ce soit dans la confection des routes, la construction des ponts ou des �difices publics, les services dans les h�pitaux, arsenaux et autres �tablissements publics.

Selon les planteurs, les Chinois �taient r�put�s plus robustes, plus intelligents et �bien plus civilis�s� que les Indiens. Cependant, une fois familiaris�s avec le fran�ais et le cr�ole, les Chinois ont vite abandonn�, eux aussi, les durs travaux manuels de la canne � sucre et ont refus� de travailler. Ils ont ainsi suivi l'exemple des Chinois de l'�le Maurice: ils se sont lanc�s dans le commerce et certains ont ouvert de petites boutiques. � cause de tous ces probl�mes, un arr�t� du 2 juillet 1846 interdit l'introduction de nouveaux travailleurs chinois. Aujourd'hui, les R�unionnais chinois exploitent la plupart des commerces alimentaires et ont, bien entendu, ouvert de nombreux restaurants. Beaucoup de descendants des Chinois occupent maintenant des professions lib�rales plus r�mun�ratrices et sont devenus des m�decins, des pharmaciens ou des postes de direction dans la fonction publique.

Comme les Blancs �taient fort d��us des engag�s indiens et chinois, il ne restait plus qu'� faire encore appel � des travailleurs africains. Les autorit�s politiques abond�rent dans le sens des propri�taires blancs: les Africains �taient �les seuls� qui pouvaient s'adapter � l'activit� sucri�re. Les planteurs blancs demand�rent l'autorisation de pouvoir recruter de nouveaux travailleurs engag�s d'origine africaine. Pour les R�unionnais, il semblait qu'aucune race �ne peut utilement remplacer la race noire� dans l'exploitation agricole. Le syst�me de l'engagisme a touch� plusieurs dizaines de milliers d'Indiens et plusieurs dizaines de milliers de Mozambicains; les derniers engag�s furent des Rodrigais et des Malgaches vers les ann�es 1920-1925.

Par la suite, la prosp�rit� �conomique demeura bien relative. Alors que les grands propri�taires blancs dominaient 120 sucreries et employaient 25 000 travailleurs, les �ouvriers de couleur� vivaient dans la mis�re et �taient pouss�s vers l'alcoolisme.

En 1870, la cr�ation du canal de Suez en �gypte eut pour effet d'�carter l'�le de La R�union (et l'�le Maurice) de  la route des Indes, ce qui en aggrava la situation socio-�conomique. Au cours de cette d�cennie, le gouvernement fran�ais fit appel � de nouveaux travailleurs: les Indiens musulmans. Ces derniers venaient essentiellement de Bombay et de l'�tat du Goujarat. Il seront appel�s Zarabes, bien qu'ils ne soient pas arabes; les R�unionnais les ont probablement confondus avec les Arabes qui sont g�n�ralement de religion musulmane, ce qui est plus rare pour un Indien. Ensuite, La R�union sombra lentement dans l'oubli, car, � partir de 1880, le gouvernement fran�ais porta tout son int�r�t sur Madagascar. La population r�unionnaise avait atteint les 182 637 habitants en 1926. La colonie vivota jusqu'� la Deuxi�me Guerre mondiale. En 1945, La R�union �tait pratiquement ruin�e.

4 La d�partementalisation

Le 19 mars 1946, pr�s de 100 ans apr�s la recommandation de Victor Schoelcher, l'Assembl�e nationale fran�aise adopta la loi dite �de l'assimilation�, qui transformait les �Quatre Vieilles� colonies (La R�union, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane fran�aise) en d�partements fran�ais. Ainsi, l'�le de La R�union devint un d�partement fran�ais d'outre-mer (DOM). Depuis cette �poque, La R�union est dot�e d'un Conseil r�gional et d'un Conseil g�n�ral. Tous les textes nationaux y sont applicables. Certaines adaptations ont toutefois �t� pr�vues par la loi. La R�union comprend 24 communes et 47 cantons. Elle est repr�sent�e par cinq d�put�s et trois s�nateurs au Parlement fran�ais et par un conseiller au Conseil �conomique et social. La pr�fecture est situ�e � Saint-Denis et trois sous-pr�fectures � Saint-Pierre, Saint-Paul et Saint-Beno�t.

Ce nouveau statut apporta une certaine richesse �conomique, mais la situation sociale ne s'est am�lior�e que progressivement, et ce, � travers une succession de nombreux conflits sociaux, surtout dans les ann�es cinquante et soixante. En 1963, le gouvernement fran�ais cr�a le BUMIDOM, le Bureau des migrations des d�partements d'outre-mer, afin de soulager la r�gion � la fois de l'accroissement d�mographique et de l'augmentation du ch�mage. � ce sujet, le d�part annuel de quelques milliers de R�unionnais vers l'Hexagone, afin d'occuper des fonctions subalternes dans la fonction publique (PTT, h�pitaux, administrations diverses), a constitu� une solution temporaire, sans que les probl�mes de fond n'aient �t� abord�s.

Fran�aise � part enti�re depuis la d�partementalisation (1946), la R�union fait aussi partie de l'Union europ�enne depuis le trait� de Rome (1957). Elle partage le statut de �R�gion ultrap�riph�rique� avec les A�ores, les Canaries, Mad�re et les autres DOM. Ayant acc�s depuis 1975 au Fonds europ�en de d�veloppement r�gional (FEDER), au Fonds social europ�en (FSE) et au Fonds europ�en d'orientation et de garantie agricole (FEOGA-Orientation), elle b�n�ficie depuis 1989 du Programme d'options sp�cifiques � l'�loignement et � l'insularit� des D�partements d'outre-mer (POSEIDOM).

Enfin, la France, au nom du d�partement de La R�union et de la R�gion-R�union, a int�gr� la Commission de l'oc�an Indien en janvier 1986. Ainsi, La R�union est devenue un acteur majeur de la coop�ration r�gionale qui s'effectue dans le cadre de la Commission de l'oc�an Indien (COI) avec les Seychelles, Madagascar, l'�le Maurice et les Comores. Au sujet de l'�le Maurice, c'est en 1968 que Maurice a obtenu son ind�pendance du Royaume-Uni. Bien que l'�le Rodrigues ait manifest� beaucoup de r�ticence � cette ind�pendance, elle est rest�e rattach�e � la r�publique de Maurice.

Enfin, certains politiciens r�unionnais ont soumis au gouvernement fran�ais et � l'Assembl�e nationale des propositions de bi-d�partementalisation de La R�union. On esp�re ainsi rem�dier au d�s�quilibre entre le Nord et le Sud dans le d�partement, les centres de d�cision �tant actuellement concentr�s autour du chef-lieu, Saint-Denis, au nord de l'�le. Pour le moment, le gouvernement fran�ais rechigne � l'id�e d'alourdir les structures administratives et d'augmenter le co�t des d�penses publiques lors de la cr�ation �ventuelle d'un second d�partement.

5  La politique linguistique

�tant donn� que La R�union fait partie de la France, la politique linguistique qui y est appliqu�e tient compte de cette r�alit� juridique incontournable. Ainsi, en vertu de l'article 2 de la Constitution, le fran�ais demeure la langue officielle de ce d�partement: �La langue de la R�publique est le fran�ais.� Comme dans tous les d�partements fran�ais d'outre-mer (DOM), tous les textes nationaux de la R�publique y sont applicables, mais certaines adaptations ont �t� pr�vues par la loi no 84-747 du 2 ao�t 1984 relative aux comp�tences des r�gions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La R�union. Ces adaptations concernent les activit�s �ducatives et culturelles compl�mentaires relatives � la connaissance des langues et des cultures r�gionales. 

ll faut mentionner une loi plus r�cente adopt�e par l�Assembl�e nationale fran�aise: la Loi d'orientation pour l'outre-mer (ou loi 2000-1207 du 13 d�cembre 2000) entr�e en vigueur le 14 d�cembre 2000. Ce sont les articles 33 et 34 de cette loi qui concernent tous les DOM-TOM. � l�article 33, on apprend que �l��tat et les collectivit�s locales encouragent le respect, la protection et le maintien des connaissances, innovations et pratiques des communaut�s autochtones et locales fond�es sur leurs modes de vie traditionnels et qui contribuent � la conservation du milieu naturel et l'usage durable de la diversit� biologique� et qu�� l�article 34 que �les langues r�gionales en usage dans les d�partements d'outre-mer font partie du patrimoine linguistique de la Nation� et qu�elles �b�n�ficient du renforcement des politiques en faveur des langues r�gionales afin d'en faciliter l'usage�. D�apr�s la Loi d�orientation d�outre-mer, la loi n� 51-46 du 11 janvier 1951 relative � l'enseignement des langues et dialectes locaux leur est applicable. 

Malgr� la pr�sence du cr�ole parl� par presque toute la population (� l'exception des M�tropolitains qui r�sident � La R�union de fa�on temporaire), seul le fran�ais b�n�ficie d'une reconnaissance juridique. Pour le reste, c'est la politique du laisser-faire.

5.1 L'Administration locale

Dans l'Administration locale, au sommet de la hi�rarchie, c'est-�-dire au Conseil r�gional et au Conseil g�n�ral, ainsi que dans la d�putation et le S�nat, seul le fran�ais est reconnu et utilis�. Il en est ainsi pour les communications �crites dans tous les bureaux gouvernementaux, les postes de gendarmerie, etc. Dans les communications orales � caract�re administratif, les citoyens parlent aussi le cr�ole r�unionnais, mais il ne s'agit pas d'une r�gle g�n�rale. En mati�re de justice, la seule langue utilis�e est le fran�ais, bien que le cr�ole puisse �tre utilis� dans les communications orales � caract�re informel.

5.2 L'�ducation

L'enseignement est le m�me qu'en France, sauf pour le calendrier scolaire qui comporte des vacances pour l'�t� austral (d�cembre � f�vrier) et d'autres � la fin de l'ann�e scolaire (d�but ao�t � d�but septembre). En 1997, selon les donn�es du Secr�tariat d'�tat � l'outre-mer, l'enseignement de la maternelle et celui du primaire regroupaient 109 417 �l�ves r�partis dans 490 �coles; le cr�ole n'�tait alors permis qu'� la maternelle. L'enseignement secondaire, enti�rement en fran�ais, comptait 91 805 �l�ves r�partis dans 103 �tablissements (64 coll�ges, 39 lyc�es).

Il existe �galement deux lyc�es d'enseignement agricole, qui permettent de pr�parer un BEPA (Brevet d'enseignement professionnel agricole) d'exploitation et un BTA (brevet de technicien agricole) dans la m�me fili�re ainsi qu'un BTSA (Brevet de technicien sup�rieur agricole). L'Universit� de la R�union compte 12 633 �tudiants r�partis entre le droit, les sciences �conomiques et politiques, les sciences, les lettres et sciences humaines. Enfin, l'Institut universitaire de formation des ma�tres (IUFM) a �t� ouvert en 1992. La population scolaire totale de l'�le comprenait, en 1997, quelque 213 200 �l�ves.

Gr�ce � des scientifiques de haut niveau et parlant fran�ais, La R�union compte �galement plusieurs centres de recherche importants tels que le Laboratoire volcanologique du piton de la Fournaise, le Centre m�t�orologique de Saint-Denis (le quatri�me centre du r�seau de l'Organisation mondiale de la m�t�orologie), l'ORSTOM (Institut fran�ais de recherche scientifique pour le d�veloppement en coop�ration), le Conservatoire botanique des Mascarins, sans oublier l'universit� de la R�union (dans les domaines des sciences de la terre, de la biologie et de la physiologie v�g�tales et en �cologie marine). Qu'il s'agisse du gouvernement ou des centres de recherche, tous les documents officiels ne sont publi�s qu'en fran�ais. En plus du fran�ais, l'anglais est �galement utilis� dans les communications orales.

- Les difficult� p�dagogiques

�videmment, le syst�me actuel, tel qu�il est appliqu� � La R�union passe sous silence les difficult�s p�dagogiques qu�entra�nent l�enseignement exclusif de la langue fran�aise et l�importation du moule p�dagogique m�tropolitain. N�oublions pas que la quasi-totalit� des �l�ves n�est pas d�origine francophone, ce qui cause forc�ment des probl�mes d�apprentissage, �tant donn� que les m�thodes p�dagogiques sont peu appropri�es � des �l�ves dont le fran�ais constitue une langue seconde. La situation se r�v�le encore plus pr�occupante pour les enfants de la communaut� mahoraise (en provenance de l��le Mayotte dans l�archipel des Comores) int�gr�e � la communaut� musulmane en raison de leur religion (l�islam); du fait que les parents ne parlent souvent que le mahorais (le comorien de Mayotte), les enfants �prouvent beaucoup de difficult�s dans leur apprentissage scolaire du fait qu�ils ne parlent parfois ni le cr�ole ni le fran�ais et pour qui le syst�me �ducatif ne propose pas de structure d�int�gration. 

En effet, il n�existe pas sur l��le de classes d�accueil sp�cialis�es pouvant recevoir des enfants qui ne parlent pas le fran�ais, qui sont souvent analphab�tes dans leur propre langue et qui sont totalement d�motiv�s par des cours gu�re adapt�s � leurs besoins et dont ils ne comprennent � peu pr�s rien. Bref, le gouvernement local manque � la fois de moyens financiers et de personnel sp�cialis� pour ce genre d��l�ves qui se retrouvent immanquablement regroup�s dans des classes faibles, montrant un comportement difficile au plan disciplinaire.  Les autorit�s scolaires estiment que de 25 % � 30% des �l�ves �prouveraient des difficult�s en fran�ais.

Comme dans les autres d�partements fran�ais d'outre-mer, la question des manuels scolaires cause des probl�mes d'int�gration socioculturelle. La R�union vit une situation de d�pendance quasi exclusive de la France, non seulement pour ce qui concerne son syst�me �ducatif, mais aussi pour son approvisionnement en manuels et autres documents p�dagogiques. Tous les enfants non blancs � la quasi-totalit� � �voluent dans un milieu naturel et humain tout � fait diff�rent de celui qui est repr�sent� dans les manuels de classe europ�ens et la plupart d'entre eux se per�oivent facilement comme �trangers dans leur propre pays. L'enseignement du fran�ais � La R�union n'est pas adapt� � la situation socioculturelle de l'�le. Il est malais� d'apprendre le fran�ais comme langue maternelle, alors que pour beaucoup d'enfants cette langue leur reste �trang�re. Tous ces probl�mes ont favoris� un fort taux d'analphab�tisme (15 % � 20 % � La R�union contre 1% en France) et d'illettrisme (pr�s de 20 % sont dans l'incapacit� de lire un texte simple), ce qui est per�u comme une honte pour un d�partement fran�ais.

- L'enseignement de l'histoire et de la g�ographie

Les R�unionnais ont appris pendant longtemps uniquement l'histoire de France, pas celle de La R�union. Mais, en 2000, le ministre de l'�ducation nationale, de la Recherche et de la Technologie a envoy� une note de service aux directeurs et enseignants des �coles et lyc�es concernant l'�Adaptation des programmes d'histoire et de g�ographie pour les enseignements donn�s dans les DOM� (voir le texte de la note de service n� 2000-024 du 16-2-2000). Dans la pratique, on substitue � l'une des quatre premi�res parties du programme l'�tude d'un moment historique sp�cifique : compagnies des Indes, traite, �conomie de plantation dans l'espace carib�en ou � la R�union au XVIIIe si�cle. Cette �tude permet �galement de mettre en perspective les abolitions de l'esclavage (1794 et 1848). Dans les lyc�es, on remplace g�n�ralement la question au choix par une 3e question obligatoire : par exemple, l'�volution de la soci�t� � La R�union (ou la Martinique, la Guadeloupe ou la Guyane) du milieu du XIXe si�cle � nos jours. 

- La place du cr�ole

Depuis novembre 2000, le d�partement de La R�union peut en toute l�galit� accorder un place � l'enseignement du cr�ole. D'ailleurs, l'article 21 de la loi n� 84-747 du 2 ao�t 1984 relative aux comp�tences des r�gions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La R�union permet un enseignement en langue r�gionale:

Article 21

Le Conseil r�gional d�termine, apr�s avis du comit� de la culture, de l'�ducation et de l'environnement, les activit�s �ducatives et culturelles compl�mentaires relatives � la connaissance des langues et des cultures r�gionales, qui peuvent �tre organis�es dans les �tablissements scolaires relevant de la comp�tence de la r�gion.

Ces activit�s, qui peuvent se d�rouler pendant les heures d'ouverture des �tablissements concern�s, sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux programmes d'enseignement et de formation d�finis par l'�tat.

Le fait de d�cr�ter la possibilit� d'enseigner le cr�ole n'a pas provoqu� une avalanche de demandes.  Les R�unionnais ont toujours �t� habitu�s qu'il fallait bannir le cr�ole de l'�cole parce qu'il nuisait � l'enseignement du fran�ais. Et voil� que l'�cole pr�tend que le m�me cr�ole constitue maintenant une richesse! La m�fiance est rest�e de mise et cet enseignement fait l'objet de violents d�bats depuis les ann�es soixante-dix. En novembre 2003, un sondage IPSOS r�v�lait que 47,3 % des enqu�t�s se d�claraient �pour le cr�ole � l��cole�, mais 42,7 % �taient contre, avec 10 % d�ind�cis.

Il n'existe aucune incitation scolaire pour valoriser l'enseignement du cr�ole. De plus, il appara�t difficile d'enseigner une langue orale non standardis�e. Les enfants cr�olophones arrivent � l'�cole avec leur vari�t� de langue: le vocabulaire et la grammaire peuvent varier en fonction des origines g�ographiques et sociales.

En g�n�ral, cet enseignement du cr�ole ne d�passe pas beaucoup 5 % pour l'ensemble de l'effectif scolaire. De plus, l'enseignement du cr�ole est dispens� sur le mod�le d'une langue vivante ��trang�re�, ce qui le place en concurrence directe avec l'anglais. Entre l'anglais et le cr�ole, les parents ont vite fait leur choix en faveur de la langue internationale aur�ol�e de prestige.  

Pour qu'il y ait une demande de l'enseignement du cr�ole dans les �coles, il faudrait aussi promouvoir la langue cr�ole et cesser de la pr�senter � travers des clich�s r�volus. C'est � l'�tat que revient le r�le de promouvoir cet enseignement afin de combattre les vieux pr�jug�s tenaces qui r�p�tent que �le cr�ole n'est pas une langue�. L'un des sp�cialistes du cr�ole, Lambert-F�lix Prudent, un universitaire responsable de la licence et du CAPES de cr�ole, a bien per�u l'anomalie entre la r�alit� et la p�dagogie: �La R�union est le DOM qui parle le plus cr�ole, mais cette pratique quotidienne ne correspond pas � un v�ritable enthousiasme pour la p�dagogie de la langue.�

Par ailleurs, le cr�ole comme discipline est enseign� depuis une trentaine d'ann�es � l'universit� et � l'institut de formation des ma�tres ; il existe aussi une licence et un CAPES.

5.3 Les m�dias

Dans le domaine des m�dias, il existe trois quotidiens, plusieurs hebdomadaires et des p�riodiques, auxquels s'ajoutent les journaux et magazines �dit�s en M�tropole. � l'exception de Tam-Tam Maloya (en cr�ole), tous les journaux sont publi�s en fran�ais: Pr�sence R�unionnaise, Korail Oc�an Indien, Les Nouvelles du CNARM, Le Bulletin du FNARM, Frances-�les, Dom-Hebdo, Le Journal des fonctionnaires antillais et r�unionnais et Plein Sud.

Le service public de la radiot�l�vision est assur� par RFO, la radiot�l�vision fran�aise pour l'outre-mer, qui retransmet des programmes de France T�l�vision et diffuse un programme r�gional. T�l�-R�union diffuse une �mission hebdomadaire en cr�ole : il s'agit d'un magazine d�information de 23 minutes, diffus� de f�vrier � juin. Il existe aussi un journal d'information en cr�ole (JT) de six minutes, chaque jour d�octobre � d�cembre. Soulignons aussi Rent� Dan� Ron, une �mission hebdomadaire de dix minutes en cr�ole; Mi koz kreol, un magazine de 52 minutes sur le cr�ole, etc. Dans les �missions dites de proximit�, � la t�l�vision comme � la radio, le cr�ole c�toie couramment le fran�ais.

Conform�ment aux articles 19 et 29 du d�cret no 93-535 du 27 mars 1993 portant approbation du cahier des missions et des charges de la Soci�t� nationale de radiodiffusion et de t�l�vision fran�aise pour l'outre-mer, RFO peut en effet diffuser en cr�ole:

Article 19

La soci�t� contribue � l'expression des principales langues r�gionales parl�es dans chaque d�partement, territoire ou collectivit� territoriale.

Article 29

1) La soci�t� veille � illustrer toutes les formes d'expression de la musique en ouvrant largement ses programmes aux retransmissions de spectacles vivants.

2) Dans ses programmes de vari�t�s pris dans leur ensemble, la soci�t� donne une place majoritaire � la chanson d'expression fran�aise ou r�gionale et s'attache � promouvoir les nouveaux talents.

3) Elle s'efforce de diversifier l'origine des oeuvres �trang�res diffus�es.

En outre, RFO partage le march� de la t�l�vision avec Antenne-R�union, une cha�ne priv�e autoris�e par le CSA en 1990. Les programmes radio de RFO sont constitu�s d'�missions reprises de Radio-France. Les radios locales priv�es, tr�s nombreuses, ont connu un certain essor depuis leur apparition en 1983 et diffusent presque toutes en fran�ais, sauf pour deux ou trois d'entre elles, qui diffusent en cr�ole r�unionnais. � la radio la plus �cout�e, Radio Freedom, les personnes qui interviennent parlent souvent en cr�ole, mais les animateurs r�pondent g�n�ralement en fran�ais.

Le cr�ole occupe une place importante sur l'antenne de Radio-R�union, mais sa pr�sence ne se mesure pas seulement au nombre d'heures d'antenne fig�es dans des cr�neaux identifi�s. La totalit� des �missions de la semaine est anim�e par des collaborateurs enti�rement bilingues, et le passage d�une langue � l�autre se fait naturellement au gr� des sollicitations des auditeurs. De plus, le d�bat sur la cr�olit� s�est consid�rablement d�velopp� � cette antenne gr�ce au dialogue permanent avec les auditeurs depuis 2006. De nombreux directs permettent aux reporter locaux des programmes d�entrer en contact de la population sur le terrain et de questionner, et de faire des commentaures en cr�ole.

Dans la vie �conomique, le fran�ais occupe toute la place � l'exception des communications orales qui se font g�n�ralement en cr�ole; il en est de m�me pour la publicit� commerciale. Mais il ne faut pas se leurrer, la publicit� en cr�ole est limit�e et semble peu rentable et celle en fran�ais domine largement.

Sur le plan linguistique, l'�le de La R�union ne semble pas conna�tre de probl�mes particuliers, hormis le fait que la langue de la majorit�, le cr�ole r�unionnais, est exclue de la plupart des fonctions sociales dont celle de l'�cole. L'enseignement du cr�ole r�unionnais demeure encore symbolique. On peut �galement regretter l'absence compl�te de mesures concernant le tamoul, bien que cette langue soit appel�e � dispara�tre dans l'�le et qu'elle soit de moins en moins parl�e par les jeunes. Par ailleurs, plus de 100 000 personnes sur cette �le sont illettr�es, ce qui est presque une honte pour un d�partement fran�ais d'outre-mer. Enfin, depuis de trop nombreuses ann�es, l'�le est aux prises avec un fort taux de ch�mage d'environ 40 %, ce qui a pour effet de cr�er un douloureux malaise social et un mal de vivre de plus en plus difficilement supportables pour les insulaires. La situation socio-�conomique semble tellement se d�t�riorer d'une ann�e � l'autre qu'on peut se demander comment tout cela se terminera. 

Pour certains, cette situation est non seulement tr�s pr�occupante mais d�sesp�r�e. En somme, c'est un avenir des plus sombres qui s'annoncerait pour La R�union, que ce soit dans le domaine de la langue, de l'�conomie, etc. Et ce n'est pas le fait de scinder La R�union en deux d�partements qui r�glera les probl�mes. D'autres solutions, qui ne soient pas que strictement administratives, sont n�cessaires.

Mise � jour: 09 f�vr. 2025  

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France  (�tat)

DOM-TOM (France)

 

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