Collectivit� territoriale
de Martinique

Martinique

(France)

Capitale: Fort-de-France 
Population: 400 000 (2005)
Langue officielle: fran�ais 
Groupe majoritaire: cr�ole martiniquais (96 %) 
Groupes minoritaires: fran�ais (4%) et cr�oles guadeloup�en, ha�tien, guyanais, r�unionnais, etc. 
Syst�me politique: d�partement et r�gion d'outre-mer (DROM)
Langue coloniale: fran�ais
Articles constitutionnels (langue): art. 2 et 75-1 de la Constitution de 1992 de la R�publique fran�aise
Lois linguistiques: toutes les lois linguistiques de la R�publique, dont les suivantes: loi no 84-747 du 2 ao�t 1984 relative aux comp�tences des r�gions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de La R�union; loi no 75-620 du 11 juillet 1975 relative � l'�ducation (loi Haby); loi no 84-52 du 26 janvier 1984 sur l'enseignement sup�rieur; loi d'orientation no 89-486 du 10 juillet 1989 sur l'�ducation (loi Jospin); d�cret no 93-535 du 27 mars 1993 portant approbation du cahier des missions et des charges de la Soci�t� nationale de radiodiffusion et de t�l�vision fran�aise pour l'outre-mer (RFO); loi du 4 ao�t 1994 relative � l'emploi de la langue fran�aise (1994);Code de l'�ducation (2000); Loi d'orientation pour l'outre-mer (2000); Loi no 2005-380 du 23 avril 2005 d'orientation et de programme pour l'avenir de l'�cole (loi Fillon).

1 Situation g�ographique

La Martinique (Matinik en cr�ole) fait partie des Antilles fran�aises et constitue, depuis 1946, un d�partement fran�ais d’outre-mer (c.-�-d. un DOM). Avec une superficie de 1100 km�, mesurant 70 km de long et environ 30 km de large, la Martinique est le plus petit des d�partements d'outre-mer. La Martinique, comme la Guadeloupe, est situ�e au coeur de l'arc des Petites Antilles dans la mer des Cara�bes, � �gale distance des c�tes du Venezuela et de l’�le d’Ha�ti (voir la carte r�gionale).

Contrairement � la Guadeloupe qui forme un archipel de huit �les, la Martinique ne constitue qu’une seule �le (voir la carte des communes). La Martinique et la Guadeloupe sont s�par�es (voir la carte r�gionale) l’une de l’autre par une �le non fran�aise: l’�le de la Dominique (de langue anglaise) appel�e aussi �la Dominique�. Ainsi, les deux voisines les plus proches de la Martinique sont les �les anglophones de la Dominique (au nord) et de Sainte-Lucie (au sud).

La ville de Fort-de-France est la capitale administrative, mais elle repr�sente �galement le centre �conomique de ce d�partement fran�ais d’outre-mer. On ne compte que trois villes importantes: outre Fort-de-France (94 050 habitants), ce sont les villes de Le Lamentin (35 007 habitants) et de Schoelcher (20 815 habitants).

Depuis la r�forme de 2003, la Martinique, comme la Guyane, est devenue un DROM ou DOM-ROM: un d�partement et une r�gion d'outre-mer.

 En tant que d�partement fran�ais, la Martinique fait partie de l'Union europ�enne au sein de laquelle elle constitue une �r�gion ultrap�riph�rique�. � ce titre, elle b�n�ficie de �mesures sp�cifiques� qui adaptent le droit communautaire en tenant compte des caract�ristiques et contraintes particuli�res de la r�gion. L'�tat fran�ais est repr�sent� par le pr�fet �tabli � Fort-de-France et trois sous-pr�fets � Trinit�, au Marin et � Saint-Pierre.

Le drapeau de la Martinique pr�sent� au haut de cette page est un nouveau drapeau,  �galement appel� � drapeau au colibri �. Il a �t� choisi en janvier 2023 par la collectivit� territoriale de Martinique (CTM), � l'issue d'une consultation populaire commenc�e � la fin de 2022. Le rouge est associ� � la vie et � la libert�; le vert � la nature et � la fertilit�; et le noir rend hommage � tous ceux qui ont �t� bafou�s en esclavage.

De plus, la Martinique, en tant que d�partement fran�ais d�outre-mer, fait partie de l'Union europ�enne et constitue plus pr�cis�ment une �r�gion ultrap�riph�rique� de l'Europe, une RUP. Une RUP est un territoire d'un pays membre de l'Union europ�enne situ� en dehors du continent europ�en. ï¿½ ce titre, la Martinique b�n�ficie de �mesures sp�cifiques qui adaptent le droit communautaire en tenant compte des caract�ristiques et contraintes particuli�res de ces r�gions.

2 Donn�es d�molinguistiques

La population de la Martinique �tait de 381 325 habitants lors du recensement de 1999, mais celui de 2008 r�v�le une population de 400 000 habitants. Les Martiniquais sont tr�s majoritairement form�s de �gens de couleur�, puisque 87 % d'entre eux sont des Noirs, des Mul�tres ou d�origine indienne ou asiatique. Parmi la population noire, les Martiniquais constituent le groupe le plus important; ils sont suivis en nombre par les immigrants guadeloup�ens, ha�tiens, guyanais et r�unionnais. Tous les Martiniquais dits �de couleur� parlent le cr�ole comme langue maternelle; s'ils sont n�s en Martinique, ils parlent le cr�ole martiniquais, sinon c'est, selon le cas, le cr�ole guadeloup�en, le cr�ole ha�tien, le cr�ole guyanais, etc. 

Voici un exemple du cr�ole martiniquais (L.F. Prudent, 1983):

Une dame: Kr�yol s� lang nou Martinik�... alo nou ka pal� kr�yol... tandis que, en France, c'est le fran�ais qu'on parle. Alors comme nou za abitu� pal� kr�yol nou, s� kr�yol nou ka pal�...

Question : Ah bon! �s ou ka konsid�r� kr�yol la kon an lang ou kon an patwa ?

La dame: �ben, an ka konsid�r� kr�yol la pou mwen c'est un, c'est une... c'est la vie du pays. Paske antan Kristof Kolon quand on a d�couvert Martinique, Matinik d�kouv�, s� kr�yol nou ka pal�. Nou s� d�, nou d�sandan Afrit�en, alo nou oblij� ka pal� kr�yol...W� ! Nou d�sandan Afrit�en � anko dot, nou ka f� d�sandan Lafrik, ehh. Amerik [...] Alo, kan ich nou pati an Frans nou ka fy�r di w� ich nou pati an Frans... M� l� i d�vir� vini Matinik, i ka pal� frans�, i ka di'w : "Oh dis Manman tu sais... J'ai vu quek-choz l�-bas, hein !"

Une dame : Le cr�ole c'est notre langue � nous, Martiniquais... tandis que... en France, c'est le fran�ais qu'on parle... alors, comme nous sommes d�j� habitu�s � parler notre cr�ole, eh bien nous parlons notre langue naturelle...

Question : Tr�s bien ! Est-ce que vous consid�rez le cr�ole comme une langue, comme un patois... ?

La dame : Eh bien, pour moi le cr�ole je le consid�re... c'est un c'est une... c'est la vie du pays... Parce que, du temps de Christophe Colomb, quand on a d�couvert la Martinique, d�couvert la Martinique, nous parlions cr�ole. Nous sommes des, nous sommes des descendants d'Africains, alors il n'est pas surprenant que nous parlions cr�ole... Ouais ! Nous sommes descendants des Africains, euh... des Am�ricains [...] Alors, quand nos enfants partent pour la France nous sommes fiers pour eux de tout ce qu'il leur arrive... Mais lorsqu'il est de retour en Martinique, il parle fran�ais, il se met � vous dire : "Oh dis maman, tu sais... j'ai vu des choses l�-bas, hein !"

Le cr�ole martiniquais est tr�s proche de celui de la Guadeloupe et d'Ha�ti, ainsi que des formes de cr�oles parl�es dans les �les anciennement francophones telles que la Dominique et Sainte-Lucie; ce sont des cr�ole � base lexicale fran�aise. Toutefois, des pr�cisions s'imposent malgr� tout. Un Martiniquais cr�olophone qui n'a jamais quitt� son �le aura beaucoup de difficult�s � comprendre le cr�ole ha�tien ou le cr�ole guyanais; il percevra facilement des diff�rences avec le cr�ole guadeloup�en, mais le cr�ole saint-lucien (de Sainte-Lucie) et dominiquais (la Dominique) lui para�tront assez familiers, malgr� la pr�sence de nombreux termes d'origine anglaise. Voici un exemple de cr�ole martiniquais et de cr�ole guadeloup�en qui, bien que diff�rents, pr�sentent des similitudes:

Fran�ais Cr�ole guadeloup�en Cr�ole martiniquais
Peuples cr�oles du monde entier,
donnons-nous la main.
Tout pep kr�yol ki asi lat� an nou ban nou lanmen. Tout pep kr�yol ki asou lat� annou ba k�-nou lanmen.
Le cr�ole ne repr�sente pas qu'une langue ou qu'un groupe ethnique, mais toute une philosophie. Kr�yol a pa selman on lang o ben on pep s� tout on filozofi. Kr�yol pa anni yon lang, anni yon nasion moun, s� tout an filozofi.
Nous sommes cr�oles, et donc nous parlons cr�ole.
Nou s� kr�yol s� pouki nou ka pal� kr�yol. Nou s� Kr�yol, kidonk s� kr�yol, nou ka pal�.
Le cr�ole est la puissante langue de notre patrie, car il est parl� par tout le monde. S� Kr�yol ki met lang a kaz an nou pas s� li tout moun ka pal�. S� kr�yol ki lang poto-mitan nou davw� s�'y tout moun ka pal�.

M�me si tous les Martiniquais dits �de couleur� parlent tous le cr�ole, y compris dans les communes les plus �loign�es, il est � peu pr�s impossible de ne pas pratiquer le fran�ais d'une fa�on ou d'une autre. Regarder la t�l�, �couter la radio, lire la presse, effectuer des achats, aller chez le m�decin, ce sont l� des activit�s quotidiennes qui se font majoritairement, voire exclusivement en fran�ais. Il existe encore des personnes tr�s �g�es ne parlant que le cr�ole, mais elles font l'objet de remarques amus�es ou �tonn�es lorsqu'il est possible de rencontrer ces repr�sentants d'une �poque consid�r�e comme r�volue, lesquels se comptent aujourd'hui par quelques dizaines. Par ailleurs, certains Martiniquais, surtout des Mul�tres �lev�s �� la m�tropolitaine�, s'amusent � parler un m�lange de cr�ole et de fran�ais, qui ne ressemble pas � grand-chose et qui est popularis� � la radio par des pr�sentateurs (notamment sur NRJ) essayant en vain de parler une forme de langage qu'ils ne ma�trisent pas toujours. Bref, si la population martiniquaise a le cr�ole comme langue maternelle, le fran�ais est plus qu'une langue seconde dans la plupart des cas; c'est souvent la seconde langue maternelle apr�s le cr�ole. Autrement dit, beaucoup de Martiniquais ont deux langues maternelles: le cr�ole et le fran�ais.

Quant � la population blanche, elle demeure tr�s minoritaire (9 %) et se partage, d�une part, entre les Blancs-Pays ou B�k�s � les descendants des premiers colons fran�ais � parlant le fran�ais et g�n�ralement aussi le cr�ole, et, d�autre part, les Blancs-France, c�est-�-dire les M�tropolitains r�sidant en Martinique pour la dur�e d�un contrat (g�n�ralement de trois ans), qui ne parlent que le fran�ais m�tropolitain.

Ceux qu�on appelle les B�k�s � mot provenant de �Blancs du quai� parce qu�ils s�y trouvaient autrefois en train de v�rifier leurs marchandises � forment une petite communaut� d�environ 2000 � 3000 personnes qui se croient souvent propri�taires de la Martinique et qui contr�lent � peu pr�s toute l��conomie de l��le, notamment dans les march�s d�alimentation � grande surface et l�h�tellerie d�affaires; ils poss�deraient, en fait, plus de 50 % des richesses de l’�le.  Les B�k�s parlent le �fran�ais des �les�, c'est-�-dire une forme de �fran�ais de France�, hormis quelques expressions typiquement locales et un accent particulier et g�n�ralement le cr�ole (ils le comprennent tous). 

Quant aux M�tros, on les appelle Bancs-France ou Zoreilles. Comme � l��le de La R�union, les M�tropolitains sont surnomm�s Zoreilles parce que, d�une part, comprenant mal le cr�ole, ils feraient constamment r�p�ter et passeraient ainsi pour �tre �durs d'oreille�, d�autre part, parce qu�ils seraient en Martinique pour �tout surveiller�. Les M�tros comptent quelques milliers de fonctionnaires d�p�ch�s par Paris en Martinique et ils occupent la plupart des postes de direction dans le secteur public et parapublic. R�p�tons-le, ils ne parlent g�n�ralement que le fran�ais m�tropolitain. 

Les deux communaut�s blanches vivent relativement en marge de la population noire, mais les B�k�s auraient conserv� un complexe de sup�riorit� tant � l'�gard des M�tropolitains qu'� l'�gard des Noirs; rappelons que les B�k�s ont des origines aristocratiques. Quant aux Noirs et aux descendants des immigrants indiens, ils occupaient traditionnellement des emplois d�ouvriers agricoles ou des emplois de services, alors que les plus instruits d'entre eux, notamment les Mul�tres, accaparaient divers postes de l�administration publique et de la politique locale. Toutefois, la situation est en train de changer depuis au moins une d�cennie et les emplois sont moins compartiment�s qu'auparavant entre Blancs, Mul�tres et Noirs. Toutefois, il y a encore des Noirs qui consid�rent les Blancs martiniquais comme �sales B�k�s esclavagistes�, tradition oblige, sans doute!

3 Donn�es historiques

L’histoire de la Martinique est li�e � celle des Antilles, donc � la colonisation europ�enne et � l’esclavage pratiqu� durant deux si�cles par les Espagnols, les Anglais, les Fran�ais et les Hollandais. N�anmoins, la pr�sence humaine aux Antilles s’est manifest�e bien avant l’arriv�e des Europ�ens. Ainsi, des arch�ologues ont trouv� en Martinique et dans le reste des Antilles des outils en pierre dont l’appartenance est attribu�e aux Am�rindiens, leur anciennet� �tant estim�e entre 3000 � 3500 ans. En r�alit�, l'histoire connue de l’�le commen�a quelque 1500 ans avant Christophe Colomb quand s'y install�rent les Am�rindiens arawaks originaires des c�tes v�n�zu�liennes.

3.1 Les premiers occupants am�rindiens

Les premiers occupants connus semblent �tre les Arawaks venus du Venezuela vers 300 ou 400 ans avant notre �re. En 295 (avant notre �re), une �ruption de la montagne Pel�e fit fuir les Arawaks qui quitt�rent alors la Martinique et ne revinrent sur l’�le que vers l’an 400. D’ailleurs, une soixantaine de sites arawaks ont aujourd’hui �t� inventori�s et ils t�moignent de l'existence de villages habit�s arawaks. 

Cependant, vers 1200 de notre �re, une nouvelle civilisation am�rindienne apparut dans l’�le: les Cara�bes ou Kalina. Il s’agit d’un peuple am�rindien r�put� belliqueux venu des Guyanes et qui envahit la Martinique et extermina peu � peu tous les Arawaks (sauf les femmes). Les Cara�bes furent d�cim�s � leur tour peu apr�s l’arriv�e des Europ�ens.

3.2 Le bref passage de Christophe Colomb

Il n'est pas historiquement certain que Christophe Colomb ait d�barqu� en Martinique, le 15 juin 1502 (lors de son quatri�me voyage) et qu'il aurait fait la connaissance des Cara�bes, puisque les Arawaks avaient d�j� disparu depuis le XIIIe si�cle. Les Am�rindiens auraient appel� l’�le Madinina, ce qui signifiait �l'�le aux fleurs�. Colomb aurait baptis� l’�le du nom de "Martinica" (Martinique) en l’honneur de son patron, San Mart�n (saint Martin). Redoutant les terribles Cara�bes pour leur anthropophagie, Colomb aurait simplement pass� pr�s de la c�te occidentale de l'�le (plage du Carbet) et, par la suite, les Espagnols ne s’y int�ress�rent plus. Ainsi, ils laiss�rent la place aux Fran�ais et aux Anglais.

3.3 La colonisation fran�aise

Le cardinal de Richelieu, au nom du roi Louis XIII, cr�a la Compagnie des Isles d’Am�rique (1635-1650) afin de coloniser les �les des Petites Antilles. La v�ritable conqu�te de la Martinique commen�a avec l’arriv�e d’un aventurier fran�ais, Pierre Belain d’Esnambuc, le 15 septembre 1635. En 1550, la canne � sucre �tait d�j� devenue la seule culture des �les aux Antilles. 

Les premiers contacts entre les Am�rindiens cara�bes et les Fran�ais avaient �t� plut�t cordiaux, mais � force d’�tre progressivement spoli�s de leurs terres les Cara�bes oppos�rent une vive r�sistance aux Fran�ais. Puis, apr�s plusieurs ann�es de conflits, tant avec les Anglais qu’avec les Cara�bes, les Fran�ais sous la gouverne de Beausoleil finirent par chasser d�finitivement (en 1658) les Cara�bes de la Martinique; ces derniers se r�fugi�rent dans les �les de la Dominique et de Saint-Vincent.

3.4 La traite des esclaves

Pendant deux si�cles, la Martinique, comme d’ailleurs toutes les autres Antilles, v�cut sous le r�gne de l’esclavage. On sait que ce sont les Espagnols qui avaient commenc� � importer des Africains dans leurs colonies afin de remplacer les populations am�rindiennes qui ne survivaient pas aux dures conditions d'esclavage en raison des maladies et du travail harassant. C’est que les populations noires d’Afrique �taient r�put�es mieux supporter le travail forc� dans le climat �prouvant des Cara�bes et de l'Am�rique �quatoriale. La France, � l’exemple des autres puissances europ�ennes, n’a pas fait exception et s’est mise aussi � l’esclavage. En Martinique, les Fran�ais import�rent leurs premiers esclaves d�s 1635 afin de fournir la main-d’oeuvre n�cessaire � la culture de la canne � sucre. Toutefois, de 1656 � 1814, Anglais et Fran�ais se sont r�guli�rement disput� la Martinique; ainsi, pendant pr�s de deux si�cles, l’�le fut tant�t anglaise tant�t fran�aise, jusqu’au trait� de Paris de 1814 qui c�da d�finitivement la Martinique � la France.

En 1673, le roi Louis XIV autorisa la cr�ation de la Compagnie du S�n�gal, qui devait conduire des esclaves noirs aux Antilles et � la Guyane fran�aise. Cependant, contrairement � la Hollande qui avait organis� la traite des Noirs en faveur du Surinam (plus de 400 000 Africains d�port�s jusqu’en 1823, ann�e de la suppression de l’esclavage par la Hollande), la France, gr�ce � la Compagnie de la Guyane, pr�f�ra vendre ses cargaisons d’esclaves � Saint-Domingue (aujourd’hui, r�publique d’Ha�ti et R�publique dominicaine) plut�t que de les envoyer en Guyane fran�aise dont le d�veloppement �conomique semblait beaucoup moins important. 

De fait, plus de 700 000 esclaves furent d�port�s aux Antilles fran�aises entre 1673 et 1789, dont 600 000 juste � Saint-Domingue; les autres furent envoy�s en Martinique, en Guadeloupe, � Saint-Christophe (devenu aujourd’hui Saint-Kitts-et-Nevis), etc. En 1710, le nombre des esclaves s’�levait � 21 000 pour l’�le de la Martinique. Quelques d�cennies plus tard, en 1745, la Martinique comptait environ 80 000 habitants dont 65 000 esclaves. Au moment de la suppression de l’esclavage en juin 1848 en Martinique, on d�nombrait un peu plus de 72 000 esclaves. On aura int�r�t � lire le fameux Code noir, une ordonnance de Louis XIV destin�e � r�glementer le r�gime de l’esclavage et pr�cisant les devoirs des ma�tres et des esclaves. Ce Code noir, qui resta en vigueur dans toutes les Antilles et en Guyane fran�aise jusqu'en 1848 (date de l'abolition d�finitive de l'esclavage par la France), fut rarement respect�. Bien que ce code ne trait�t pas des questions de langue, il d�pouillait l’esclave de toute son identit�. En effet, apr�s le bapt�me catholique obligatoire, l'Africain devenait un N�gre et changeait de nom, abandonnant ses habitudes vestimentaires et sa langue, puis �tait marqu� au fer rouge et affect� au travail servile.

C’est Victor Schoelcher (1804-1893), alors sous-secr�taire d'�tat � la Marine charg� des colonies, qui pr�para le d�cret d'abolition de l'esclavage du 27 avril 1848, lequel a �t� confirm� par la Constitution du 4 novembre 1848. En Martinique, le 23 mai 1848, � la demande du conseil municipal de Saint-Pierre (la capitale de l’�poque), le gouverneur de l’�le, le g�n�ral Rostoland, proclama un d�cret solennel dont les deux premiers articles �non�aient ce qui suit:
 

Article 1er

L'esclavage est aboli � partir de ce jour � la Martinique.

Article 2

Le maintien de l'ordre public est confi� au bon esprit des anciens et des nouveaux citoyens fran�ais.

Devenu d�put� de la Martinique et de la Guadeloupe, Schoelcher revendiqua aussi l’application du droit commun et m�me la d�partementalisation pour les quatre colonies (Martinique, Guadeloupe, Guyane et la R�union), mais il �choua sur cette question; cent ans plus tard, la Martinique, la Guadeloupe, la Guyane fran�aise et la R�union deviendront des d�partements fran�ais. Bien s�r, au terme de cette douloureuse p�riode, la colonie martiniquaise s’�tait peupl�e massivement de nouveaux arrivants noirs et la langue v�hiculaire entre les Noirs �tait devenue le cr�ole martiniquais. Enfin, c’est vers 1840 seulement que les Noirs furent christianis�s par l’�glise catholique. Auparavant, les Noirs �taient certes baptis�s, mais ensuite laiss�s � eux-m�mes; d’ailleurs, beaucoup de pr�tres poss�daient eux-m�mes des esclaves.

Cela dit, l'esclavage continua sous une autre forme lorsque fut impos�e le Code de l�indig�nat qui correspondrait aujourd'hui � une autre forme d�guis�e d�esclavage des populations autochtones en les d�pouillant de toute leur identit�. Gr�ce aux pratiques discriminatoires impos�es par le Code de l'indig�nat (en vigueur de 1887 � 1946), les Blancs continu�rent de jouir de privil�ges consid�rables.

3.5 Les nouveaux immigrants

Mais la suppression de l'esclavage ne pouvait que nuire � l'�conomie de plantation de la Martinique qui pouvait supporter difficilement des co�ts de main-d'oeuvre importants. C’est pourquoi, de 1853 � 1985, la France d�cida d’importer plusieurs milliers de travailleurs immigrants (d�nomm�s �coolies�) originaires des comptoirs fran�ais de l’Inde. Consid�r�s comme dociles, ces �coolies� (terme � connotation raciste form� des mots chinois ku et li signifiant �souffrance� et �force�) venaient travailler aux Antilles pour une dur�e, en principe, de cinq ans. Beaucoup d’entre eux rest�rent sur place � la fin de leur contrat, fond�rent une famille et devinrent bient�t des Martiniquais � part enti�re, tout en conservant leur religion et leurs habitudes culinaires.

Vers la fin du si�cle, un millier de Chinois d�barqu�rent �galement dans l'�le et, un peu plus tard, d’autres immigrants arriv�rent, cette fois-l�, de la Syrie et du Liban. C’est ce qui explique que la population martiniquaise est aujourd’hui form�e d’une palette ethnique assez vari�e, puisqu’on y compte non seulement des Noirs africains (la majorit�) et des mul�tres, mais aussi des Indiens, des Chinois et des Syro-Libanais, sans oublier les Blancs-Pays (les �B�k�s�).

Tous les nouveaux immigrants d’Asie ou du Proche-Orient ont maintenant perdu leur langue d’origine et ont adopt� le cr�ole martiniquais comme langue maternelle. Les Blancs �b�k�s� parlent le fran�ais mais aussi le cr�ole alors que les Blancs-France (les �M�tros�) ne parlent que le fran�ais. Bien que vivant en relative harmonie, les diff�rents groupes ethniques de la Martinique n'en continuent pas moins de se distinguer et de se m�fier les uns des autres selon de subtiles distinctions.

3.6 Une am�lioration tr�s lente

Sous les derniers rois de France (Louis XVIII, Charles X et Louis-Philippe), la Martinique n’�volua que faiblement sur le plan des droits humains, bien que � partir de 1830 les Noirs et les mul�tres aient obtenu en principe les m�mes droits que les Blancs. Pr�cisons aussi, que, contrairement � la Guadeloupe, la Martinique resta plus longtemps royaliste et demeura plus fid�le � l’Ancien R�gime. Quoi qu’il en soit, la IIIe R�publique de 1870 marqua un r�el progr�s, car non seulement le suffrage universel masculin fut institu�, mais l’enseignement public obligatoire, la�c et gratuit, fut �tendu � tous les Martiniquais (1881). Toutefois, la situation des classes ouvri�res resta pr�caire, car la scolarisation des enfants entra�nait des d�penses suppl�mentaires auxquelles les parents ne pouvaient pas toujours faire face. En r�alit�, le niveau de vie des Martiniquais "de couleur" ne connut une am�lioration significative que vers le milieu du XXe si�cle. En 1898, on comptait 175 000 habitants en Martinique, dont 150 000 Noirs et mul�tres (85 %), 15 000 Indiens (8,5 %) et 10 000 Blancs (5,7 %).

En 1902, suite � l’�ruption de la montagne Pel�e (le 8 mai 1902), qui avait d�truit la ville de Saint-Pierre et caus� la mort de 28 000 habitants en quelques minutes, une importante vague d’�migration s’ensuivit et la Guyane fran�aise devint alors la principale destination des r�fugi�s martiniquais. C'est pour cette raison que l'on trouve une si forte colonie martiniquaise en Guyane, particuli�rement aux environs de Saint-Laurent-du-Maroni et � R�mire-Montjoly pr�s de Cayenne. C’est Fort-de-France qui est devenue la capitale de la Martinique apr�s la destruction de la ville de Saint-Pierre.

3.7 La d�partementalisation

Le 19 mars 1946, pr�s de 100 ans apr�s la recommandation du d�put� Victor Schoelcher, l’Assembl�e nationale fran�aise adopta la loi dite de l’assimilation, qui transformait les �Quatre Vieilles� colonies (la R�union, la Guadeloupe, la Martinique et la Guyane fran�aise) en d�partements fran�ais. Ainsi, l’�le de la Martinique devint un d�partement fran�ais d’outre-mer (DOM). Depuis la loi du 19 mars 1946, la Martinique est dot�e d’un Conseil r�gional et d’un Conseil g�n�ral. Ce nouveau statut apporta une certaine richesse �conomique, mais la situation sociale ne s'am�liora que lentement et � travers une succession de nombreux conflits sociaux (1948, 1954, 1956, etc.). En 1963, le gouvernement fran�ais cr�a le BUMIDOM, le Bureau des migrations des d�partements d'outre-mer, afin de soulager la r�gion du fardeau d�mographique et de l’accroissement du ch�mage: le d�part annuel de 10 000 Antillais vers l'Hexagone, afin d’occuper des fonctions subalternes dans la fonction publique (PTT, h�pitaux, administrations diverses), a constitu� une solution temporaire, sans que les probl�mes de fond n’aient �t� abord�s.

La d�cennie soixante-dix vit la mont�e de revendications ind�pendantistes nourries � la fois par le marxisme et par le mod�le cubain; ces mouvements connurent un certain apaisement lors de l’adoption de la loi du 2 mars 1982, qui �rigeait la r�gion en collectivit� territoriale et faisait de la Martinique une des 26 R�gions fran�aises. Les �lites politiques martiniquaises re�urent alors un surcro�t de responsabilit�s dans le d�veloppement �conomique de leur d�partement, qui devint largement subventionn� � la fois par l'�tat fran�ais et par l'Union europ�enne. Cependant, la transformation de l'�conomie et de la soci�t� martiniquaise, bien que n�cessaire en raison de l’effondrement de l’industrie sucri�re, s’av�ra difficile pour la population qui a d� se rendre � l’�vidence: l'ancienne �conomie bas�e sur une agriculture d'exportation (banane, rhum et canne � sucre) n'avait plus qu'un avenir fort limit� en Martinique. Dor�navant, l’industrie prometteuse, c’est davantage le tourisme et l’industrialisation.

Aujourd’hui, les Martiniquais ont d�finitivement remis en cause la solution de l’�migration (maintenant disqualifi�e) vers la M�tropole. Du c�t� de l’�tat fran�ais, le recours syst�matique aux subventions a fini par devenir une �forme d’assistanat perp�tuel� dans une �le o� le taux de ch�mage avoisine parfois les 35 %. Enfin, en Martinique comme en Guadeloupe, la probl�matique identitaire martiniquaise n’a pas �t� r�solue, puisque l’assimilation � la culture europ�enne, surtout depuis l’int�gration � l’Union europ�enne, s’av�re en totale contradiction avec la r�alit� g�ostrat�gique de la Martinique au sein des Antilles. Par ailleurs, depuis plusieurs ann�es, les Martiniquais cr�olophones s’impliquent davantage dans la gestion de l'�le et la nomination d’un �M�tro� � un poste-cl� ne va plus de soi. � ce sujet, les ann�es quatre-vingt-dix ont �t� marqu�es par des gr�ves dont la revendication principale portait sur l'�galit� des traitements entre Blancs et Noirs occupant des postes identiques.

Le 10 janvier 2010, eut lieu une consultation sur le statut de l'�le. Il s'agissait de savoir si les Martiniquais d�siraient que leur �le passe du statut de DOM � celui de �collectivit� d'outre-mer� dot�e d'une autonomie �largie, comme le pr�voit l'article 74 de la Constitution. La question �tait celle-ci: �Approuvez-vous la transformation de la Martinique en une collectivit� d'outre-mer r�gie par l'article 74 de la Constitution, dot�e d'une organisation particuli�re tenant compte de ses int�r�ts propres au sein de la R�publique?� En cas de victoire du OUI, la nouvelle collectivit� aurait pu disposer de moyens suppl�mentaires conf�r�s par cette autonomie, afin de r�glementer en faveur de ses int�r�ts propres, en dehors des pouvoirs r�galiens de l'�tat. Mais les �lecteurs ont r�pondu NON dans une proportion de 79,3 %, rejetant ainsi la transformation du DOM en collectivit� d'outre-mer. Dans le cas d'une victoire du NON au r�f�rendum du 10 janvier 2010, un second r�f�rendum devait avoir lieu le 24 janvier 2010 sur l'article 73 (r�gime actuel) proposant en sus la fusion du d�partement et de la r�gion en une collectivit� unique d'outre-mer. Cette fois, la question �tait la suivante: �Approuvez-vous la cr�ation en Martinique (ou en Guyane) d'une collectivit� unique exer�ant les comp�tences d�volues au d�partement et � la r�gion tout en demeurant r�gie par l'article 73 de la Constitution?� Le gouvernement fran�ais avait pr�cis� le sens du r�f�rendum du 24 janvier:

Cette organisation administrative (la collectivit� unique donc) ne se traduira pas par aucun changement en ce qui concerne les comp�tences dont dispose la collectivit� ou dans les conditions d�application des lois et r�glements. Elle permettra uniquement de mettre fin � l�existence, sur un m�me territoire, de deux collectivit�s distinctes qui font de la Martinique et de la Guyane des r�gions monod�partementales.

Soulignons aussi les propos du chef de l'�tat � l�agence de presse GHM : �Ils deviendront (Martinique et Guyane) des d�partements-r�gions � collectivit� unique dans le cadre du 73, comme aujourd�hui ï¿½. Plus pr�cis�ment, les Martiniquais devaient se prononcer sur la cr�ation d'une collectivit� unique � la place du conseil r�gional et du conseil g�n�ral. Les Martiniquais ont r�pondu OUI dans une proportion de 68,3 %. Il convient de souligner le tr�s faible taux de participation: 35,8 % en Martinique et 27,4 % en Guyane. Comme la question pos�e aux �lecteurs de la Martinique �tait celle du degr� d�autonomie et de responsabilit�s, la question l�ind�pendance ne s'appliquait pas, ni aucune question d'ordre linguistique. L'enjeu consistait, d'une part, � d�montrer aux b�k�s qu'ils avaient int�r�t � rester un �d�partement fran�ais�, eux qui ont toujours �t� choy�s par la France et qui ne sont certainement pas dispos�s � laisser leurs terres et leur profits aux mains de l'�conomie martiniquaise. Il s'agissait, d'autre part, de faire suffisamment peur aux autres Martiniquais qu'ils pouvaient perdre leurs privil�ges acquis et que l'aventure �tait incertaine.

4 La politique linguistique

Rappelons que la Martinique fait partie de la France et la politique linguistique qui y est appliqu�e tient compte de cette r�alit� juridique incontournable. Ainsi, en vertu de l’article 2 de la Constitution, le fran�ais demeure la langue officielle de ce d�partement: �La langue de la R�publique est le fran�ais.� 

Comme dans tous les d�partements fran�ais d’outre-mer (DOM), tous les textes nationaux de la R�publique y sont applicables, mais certaines adaptations ont �t� pr�vues par la �loi no 84-747 du 2 ao�t 1984 relative aux comp�tences des r�gions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la R�union�. Ces adaptations concernent les activit�s �ducatives et culturelles compl�mentaires relatives � la connaissance des langues et des cultures r�gionales. 

Il faut ajouter �galement une loi plus r�cente adopt�e par l�Assembl�e nationale fran�aise: la Loi d'orientation pour l'outre-mer (ou loi 2000-1207 du 13 d�cembre 2000) entr�e en vigueur le 14 d�cembre 2000. Ce sont les articles 33 et 34 de cette loi qui concernent tous les DOM-TOM. � l�article 33, on apprend que �l��tat et les collectivit�s locales encouragent le respect, la protection et le maintien des connaissances, innovations et pratiques des communaut�s autochtones et locales fond�es sur leurs modes de vie traditionnels et qui contribuent � la conservation du milieu naturel et l'usage durable de la diversit� biologique� et qu�� l�article 34 que �les langues r�gionales en usage dans les d�partements d'outre-mer font partie du patrimoine linguistique de la Nation� et qu�elles �b�n�ficient du renforcement des politiques en faveur des langues r�gionales afin d'en faciliter l'usage�. D�apr�s la Loi d�orientation d�outre-mer, la loi n� 51-46 du 11 janvier 1951 relative � l'enseignement des langues et dialectes locaux leur est applicable. 

Malgr� la pr�sence du cr�ole parl� par presque toute la population (� l’exception des �M�tros� qui r�sident en Martinique de fa�on temporaire), seul le fran�ais b�n�ficie d’une reconnaissance juridique. Pour le reste, c’est la politique du laisser-faire.

4.1 La l�gislation et la justice

Le d�partement de la Martinique est repr�sent� au Parlement fran�ais de Paris par quatre d�put�s et deux s�nateurs, et par un conseiller au Conseil �conomique et social. Toute cette �lite dirigeante n’utilise que le fran�ais. En mati�re de justice, la proc�dure se d�roule toujours en fran�ais, mais des traducteurs sont disponibles pour les personnes �trang�res �mises en examen�, c’est-�-dire celles qui ne parlent pas fran�ais ou des immigrants qui, dans certains cas, ne connaissent que le cr�ole (ou toute autre langue). N�anmoins, certains juges, consid�r�s comme plus complaisants, tol�rent les discussions informelles en cr�ole.

4.2 L'Administration publique

Dans l’Administration publique, les communications se d�roulent g�n�ralement en fran�ais puisque c’est la langue officielle, mais le cr�ole est largement utilis� dans toutes les communications orales. Soulignons que les cr�olophones martiniquais (surtout les mul�tres) et les Blancs b�k�s occupent une place majoritaire dans l’administration publique, ce qui assure au cr�ole et au fran�ais un usage quasi exclusif. Dans plusieurs localit�s ou communes, toutes les communications orales ne se d�roulent qu’en cr�ole, bien que les documents �crits ne soient r�dig�s qu’en fran�ais.

4.3 L'�cole

L'enseignement public en Martinique est le m�me qu'en France et suit un calendrier identique. L’enseignement au primaire et au secondaire n’est assur� qu’en fran�ais. En 1997, selon les donn�es du Secr�tariat d’�tat � l’outre-mer, l'enseignement du premier degr� (�coles maternelles et primaires) accueillait 55 569 �l�ves dans 273 �tablissements. L'enseignement du second degr� (public et priv�) accueillait 48 760 �l�ves dans 76 �tablissements (20 lyc�es et 40 coll�ges). De plus, deux lyc�es d'enseignement agricole permettent de pr�parer un BEPA (Brevet d'enseignement professionnel agricole) d'exploitation (sp�cialit�: agriculture des r�gions chaudes; dominante: floriculture, �levage bovin et avicole), un BEPA Services (dominantes: secr�tariat, accueil et ventes de produits horticoles et de jardinage), ainsi qu'un BTA (Brevet de technicien agricole) option Services. Quant � l'universit� Antilles-Guyane, elle dispense un enseignement en Martinique o� campus de Schoelcher regroupe quelque 5500 �tudiants. En outre, l’Institut universitaire de formation des ma�tres (IUFM) a �t� ouvert en 1992.

Cela dit, le d�partement de la Martinique peut l�galement accorder un place � l�enseignement du cr�ole. D�ailleurs, l�article 21 de la loi no 84-747 du 2 ao�t 1984 relative aux comp�tences des r�gions de Guadeloupe, de Guyane, de Martinique et de la R�union permet, en principe, un enseignement en langue r�gionale:

Article 21

Le Conseil r�gional d�termine, apr�s avis du comit� de la culture, de l'�ducation et de l'environnement, les activit�s �ducatives et culturelles compl�mentaires relatives � la connaissance des langues et des cultures r�gionales, qui peuvent �tre organis�es dans les �tablissements scolaires relevant de la comp�tence de la r�gion.

Ces activit�s, qui peuvent se d�rouler pendant les heures d'ouverture des �tablissements concern�s, sont facultatives et ne peuvent se substituer ni porter atteinte aux programmes d'enseignement et de formation d�finis par l'�tat.

En 2005, quelque 2240 �l�ves dans 97 classes et 35 �coles dispensaient un enseignement du cr�ole (langue et culture r�gionale), selon le premier dispositif d'information et de sensibilisation. De plus, 229 �l�ves dans huit classes et quatre �coles pratiquaient le deuxi�me dispositif dans lequel le cr�ole est trait� au titre de �langue vivante�. Bref, 2469 �l�ves, sur un total de 47 643 �l�ves du secteur public, suivaient un enseignement du cr�ole, soit environ 5 % de la population scolaire. Les textes officiels pr�voyaient que l'apprentissage de la langue r�gionale au primaire se d�roule comme un enseignement d'initiation selon diverses modalit�s, soit celui d'une langue vivante �trang�re. Malgr� ces possibilit�s, les parents pr�f�rent de loin l'anglais au cr�ole. L'anglais est une langue internationale aur�ol�e de prestige, ce qui d�favorise le cr�ole.

Par ailleurs, le syst�me actuel, tel qu’il est appliqu� en Martinique, passe sous silence les difficult�s p�dagogiques qu’entra�ne l’enseignement quasi exclusif de la langue fran�aise et l’importation du �moule p�dagogique m�tropolitain�. Comme beaucoup d'�l�ves n'ont pas le fran�ais comme langue maternelle, les m�thodes p�dagogiques en usage peuvent causer des probl�mes d’apprentissage, �tant donn� qu'elles peuvent se r�v�ler inappropri�es � des �l�ves dont le fran�ais constitue presque une langue seconde.

La question des manuels scolaires peut aussi causer aussi des probl�mes d’int�gration socioculturelle. En tant que d�partement fran�ais d'outre-mer, la Martinique vit une situation de d�pendance quasi exclusive de la France, non seulement pour ce qui concerne son syst�me �ducatif, mais aussi pour son approvisionnement en manuels et autres documents p�dagogiques. Tous les enfants non blancs �voluent dans un milieu naturel et humain tout � fait diff�rent de celui qui est repr�sent� dans les manuels de classe europ�ens et la plupart d�entre eux se per�oivent facilement comme ��trangers dans leur propre pays�, surtout quand on sait que les �l�ves martiniquais apprennent l'histoire de France, non celle de la Martinique. Or, tous ces probl�mes ont favoris� un fort taux d�alphab�tisme � 7 % � 10 % en Martinique contre 1% en France � et d�illettrisme (incapacit� de lire un texte simple), ce qui peut �tre consid�r� comme une �honte� pour un d�partement fran�ais. 

Ce quasi-�chec dans l'apprentissage scolaire montre que le syst�me �ducatif ne produit pas les effets escompt�s. Bien que les programmes officiels autorisent une r�f�rence au contexte local, l�usage d�exemples locaux ne permet pas d�inculquer aux �l�ves les fondements de la culture cr�ole en raison de la dilution qu�elle subit. Le corps d'inspection martiniquais de l'�ducation nationale en est venu, en octobre 2002, � la conclusion qu'il fallait modifier le programme national et instaurer un contenu appel� les �humanit�s cr�oles�, avec un horaire, un enseignement particulier et des contr�les chez les �l�ves. Pour les inspecteurs, les causes de l'inad�quation des apprentissages scolaires viennent du fait que ces programmes sont essentiellement con�us: 

- pour un pays riche et d�velopp�; ils sont mis en �uvre dans une �r�gion ultrap�riph�rique, en retard de d�veloppement�, selon les termes de l'Union europ�enne; ils ne peuvent prendre en compte que tr�s imparfaitement cette sp�cificit�;
- pour un pays de type continental, alors qu'ils sont mis en �uvre dans une r�gion dont la principale caract�ristique est l�insularit�;
- pour un pays au climat temp�r�, alors que la Martinique est un pays tropical;
- pour un pays qui a une longue histoire inscrite en Europe, alors que la Martinique a une histoire r�cente dont le v�cu est aux Antilles. 

Pour ces raisons, l'enseignement actuel ne favoriserait pas la construction identitaire des �l�ves martiniquais. Au contraire, il favoriserait chez eux des difficult�s particuli�res, car il leur offrirait des mod�les avec lesquels ils ne se reconnaissent pas et auxquels ils peuvent difficilement s�identifier. Afin que les propositions n�apparaissent pas comme vides de sens, elles prendraient la forme d�un enseignement obligatoire du cr�ole, qui devrait b�n�ficier d�un horaire sp�cifique (une ou deux heures hebdomadaires pendant toute la scolarit�. Il ne s'agit pas d'activit�s scolaires, mais bien d'un enseignement structur� avec des contr�les relatives aux connaissances. On devine comment ont r�agi les autorit�s fran�aises.  C'est clair: le Minist�re n'acceptera jamais un enseignement consacr� aux �humanit�s cr�oles�, comme le pr�conisent les inspecteurs martiniquais. Quant � l'inspecteur g�n�ral du gouvernement fran�ais, il a jug� ces propositions �effarantes� et a demand� de ne pas diffuser ce texte et de ne plus en parler, bref de le jeter aux poubelles!

Pour les �l�ves qui r�ussissent, le niveau de fran�ais dans les classes martiniquaises est tout aussi �lev� que le niveau m�tropolitain, pour ne pas dire sup�rieur dans bien des cas. Mais c'est l'inverse en math�matiques et en sciences.  ï¿½videmment, la situation d�crite par le corps d'inspection de la Martinique s'appliqueraient tout aussi bien � la Guadeloupe. 

Cela �tant dit, les Martiniquais ont appris pendant longtemps uniquement l'histoire de France, pas tellement celle de la Martinique (ou de la Guadeloupe). Mais, en 2000, le ministre de l'�ducation nationale, de la Recherche et de la Technologie a envoy� une note de service aux directeurs et enseignants des �coles et lyc�es concernant l'�Adaptation des programmes d'histoire et de g�ographie pour les enseignements donn�s dans les DOM� (voir le texte de la note de service no 2000-024 du 16-2-2000). Dans la pratique, on substitue � l'une des quatre premi�res parties du programme l'�tude d'un moment historique sp�cifique : compagnies des Indes, traite, �conomie de plantation dans l'espace carib�en ou � la R�union au XVIIIe si�cle. Cette �tude permet �galement de mettre en perspective les abolitions de l'esclavage (1794 et 1848). Dans les lyc�es, on remplace g�n�ralement la question au choix par une 3e question obligatoire : par exemple, l'�volution de la soci�t� � la Martinique (ou la Guadeloupe, la Guyane ou La R�union) du milieu du XIXe si�cle � nos jours. 

4.4 Les m�dias et la vie �conomique

Du c�t� des m�dias, la presse �crite en Martinique compte un quotidien francophone, France-Antilles, plusieurs hebdomadaires ou mensuels r�gionaux compl�t�s par la diffusion des journaux �dit�s en France. Il existe aussi plusieurs journaux en cr�ole (presse populaire). Le service public de radiot�l�vision est assur� par RFO (R�seau France Outre-Mer) sur deux canaux. La Soci�t� nationale de radio et de t�l�vision pour l'outre-mer retransmet des programmes de France-T�l�vision, d’Arte et de la Cinqui�me, et produit des programmes r�gionaux en fran�ais. Comme un peu partout aux Antilles, les stations de radio locales priv�es t�moignent d'une extraordinaire vitalit� et diffusent pratiquement toutes leurs �missions en cr�ole; ajoutons que 90 % de la musique diffus�e est du zouk et que celui-ci est toujours en cr�ole martiniquais, guadeloup�en, guyanais, ha�tien, etc. Deux cha�nes de t�l�vision priv�es, Antilles-T�l�vision et Canal-Antilles, auxquels s'ajoute un r�seau de t�l�vision c�bl� (Martinique TV-Cable), viennent compl�ter le paysage audiovisuel de cette partie des Antilles fran�aises.

En mati�re d�information, Radio-Martinique diffuse, du lundi au vendredi, une session d�information � 5 h en cr�ole, d�une dur�e de dix minutes. Le cr�ole est aussi utilis� de mani�re ponctuelle dans les diff�rents journaux d�information. Parmi les programmes, citons du lundi au vendredi une chronique en cr�ole � 5 h 45, d'une dur�e de trois minutes; un journal des auditeurs de dix minutes en cr�ole; une �mission de d�bat en cr�ole permettant aux auditeurs de s�exprimer sur tous les th�mes de soci�t�, du lundi au vendredi de 16 h � 18 h;  une �mission en cr�ole retra�ant l�actualit� de la semaine de mani�re humoristique, le dimanche de 9 h � 11 h ; etc.

Dans le domaine de la vie �conomique, le fran�ais occupe une place importante qu'il partage en partie avec le cr�ole. Dans le monde des entreprises, le cr�ole n'est � peu pr�s pas employ�, sauf dans des contextes bien pr�cis tels qu'une altercation ou une saute d'humeur; il serait, par exemple, impensable de tenir une r�union d'entreprise en cr�ole. En revanche,  le cr�ole est g�n�ralis� chez les ouvriers et les travailleurs des classes sociales moins favoris�es. L��coulement des marchandises continue de se faire gr�ce � la langue fran�aise. Lorsque la publicit� en cr�ole est utilis�e, c'est pour donner une couleur locale � certains produits. La publicit� en cr�ole reste limit�e, car elle est g�n�ralement per�ue par les commer�ants comme peu rentable; le fran�ais est donc pr�f�r�.

Dans la photo de gauche, prise par Mme Marina Duhamel-Herz, on voit un panneau d'affichage plac� dans une plantation de cocotiers � Sainte-Anne (club M�diterran�e La Caravelle). Le panneau n'est pas r�glementaire, mais il illustre le danger qu'une noix de coco puisse tomber sur la t�te des passants. Il n'y a pas d'inscription ni en fran�ais ni en cr�ole.  On aurait pu y lire (�Attention � votre t�te, chute de coco�) : Tension t�t, coco ka tonb� ; Gad� an l�, coco k� tonb� ou Tension, coco ka d�pann.

Tout compte fait, la politique linguistique du gouvernement fran�ais consiste simplement � ignorer la langue locale, le cr�ole martiniquais, dans le cadre de l’administration de l’�tat et de l’�ducation institutionnalis�e. Cette pratique est relativement similaire � celle de bien des pays o� la langue coloniale a supplant� les langues locales. � cet �gard, la France n’a pas fait pire ou mieux que la Grande-Bretagne et les �tats-Unis. Cependant, puisque la France vient de signer (sans la ratifier) la Charte europ�enne des langues r�gionales ou minoritaires, la politique linguistique pratiqu�e en Martinique devrait �tre profond�ment r�vis�e. Sur le plan de l’�ducation et de l’administration, la France devrait probablement laisser une place plus importante � l’utilisation et � l’enseignement du cr�ole martiniquais. Rappelons qu’il existe certains mouvements autonomistes en Martinique, et ils font parler d’eux.

Pour conclure, il faut bien admettre que le cr�ole et le fran�ais ne sont pas en situation de v�ritable concurrence, mais en situation de compl�mentarit�. D'un point de vue sociolinguistique, le contexte martiniquais pourrait �tre compar� � la distinction arabe dialectal / arabe standard dans les pays arabophones ou encore au chinois dialectal / mandarin dans des r�gions sinophones.
 

Derni�re mise � jour: 03 janv. 2024

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